Au début des années 1960, cheikh Chakhbout ben Sultan al-Nahyan, à l’époque gouverneur d’Abou Dhabi, et frère du futur fondateur des Émirats arabes unis, cheikh Zayed, visitait une compagnie internationale quand il remarqua des employés en train de prier dans une petite salle. Les responsables de la compagnie lui expliquèrent qu’un grand nombre d’employés étaient chrétiens et n’avaient pas d’église dans laquelle prier à Abou Dhabi. Cheikh Chakhbout leur offrit alors un terrain sur la corniche où l’église Saint-Joseph fut érigée. En 1981, l’église fut délocalisée pour être agrandie, devenant une cathédrale. En 2009, elle comprenait près de 100 000 paroissiens de 100 nationalités différentes. C’est cette cathédrale que le pape François a visitée hier avant de célébrer la messe au stade de la cité sportive de Cheikh Zayed devant plus de 135 000 fidèles.
Comme pour montrer la complémentarité entre les religions, une mosquée nommée « Maryam em Issa », ou Marie mère de Jésus, fut construite juste à côté de la cathédrale Saint-Joseph.
Après la création de la fédération, son nouveau président cheikh Zayed avait personnellement ordonné la construction de trois églises en 1974. Aujourd’hui, il y a 45 églises éparpillées sur le territoire émirati, appartenant à toutes les confessions chrétiennes. Dans les dix dernières années, sept églises catholiques ont été construites. En outre, l’une des plus récentes à être ouverte est la cathédrale orthodoxe du prophète Elie à Abou Dhabi.
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10 % de chrétiens
À l’occasion de la visite historique du pape François aux EAU ainsi que celle du cheikh Ahmad el-Tayeb, grand imam d’al-Azhar, le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed, a annoncé sur Twitter sa volonté de construire une église qui sera nommée Saint-François, et une mosquée au nom du grand imam Ahmad el-Tayeb dans la capitale des Émirats.
Ces églises sans clocher sont construites à l’intérieur de compounds formés de plusieurs bâtiments, entourés de hauts murs, et derrière lesquels les chrétiens peuvent prier et exercer toutes sortes d’activités communautaires en toute liberté.
« Les Émirats ont attiré une grande main-d’œuvre étrangère, notamment des expatriés originaires des pays du Moyen-Orient, comme le Liban, la Syrie, l’Irak, etc. venus travailler dans ce pays dès le début des années 1960, soit bien avant la création effective de la fédération. Leur nombre a considérablement augmenté dans les années 1990, avec l’essor économique et immobilier du pays. Aujourd’hui, un grand nombre d’entre eux sont chrétiens. Ils ont participé activement au développement des Émirats, non seulement d’un point de vue mercantile, mais aussi d’un point de vue culturel, humain et civilisationnel », explique à L’Orient-Le Jour le vicaire patriarcal syriaque-orthodoxe, Bartholomaus Nathanael. Sur les neuf millions d’habitants que comptent les EAU, près de 10 % sont chrétiens, soit environ 1 million de personnes. Parmi eux, 70 % sont catholiques. Les autres chrétiens se rattachent à différentes confessions, comme les différentes Églises orthodoxes (copte, éthiopienne, arménienne, etc.). Des communautés anglicanes et protestantes sont également présentes. « Les Émirats présentent un exemple vivant de tolérance religieuse et de vivre ensemble. Plus de 200 nationalités y vivent et travaillent », ajoute le prélat.
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Présence ancienne
Toutefois, la présence des chrétiens sur la terre des Émirats n’est pas récente. Des fouilles archéologiques ont mis en lumière dans les années 1990 l’existence d’un couvent datant de l’an 600 sur l’île de Sir Bani Yas près d’Abou Dhabi. Ce dernier est actuellement en cours de restauration. Les Émirats ne sont d’ailleurs pas réticents à évoquer l’histoire préislamique. Le musée du Louvre à Abou Dhabi consacre une exposition actuellement aux civilisations ayant rayonné avant l’islam en Arabie. À Dubaï, la première église a été construite en 1967. Il s’agit de l’église Saint Mary. Auparavant, les prêtres et les fidèles priaient dans les maisons des expatriés qui ont commencé à affluer dans l’émirat avec la découverte du pétrole. L’église a été agrandie en 1988. Une autre église catholique se trouve à Jabal Ali, celle de Saint-François.Aujourd’hui, l’église Saint Mary peut recevoir près de 3 000 fidèles lors des cérémonies religieuses. Les vendredis, jour chômé aux Émirats, une dizaine de messes sont célébrées toute la journée en 18 langues : arabe, français, anglais, tagalog, urdu, etc.
Une douzaine de prêtres sont en charge de cette énorme paroisse divisée par langues. « Nous ne sommes pas des Églises nationales », explique le père capucin Tanios Geagea à L’OLJ. « L’Église ici est une Église qui rassemble. Nous sommes l’exemple vivant d’une Église unie dans sa diversité », ajoute-t-il. Les prêtres s’occupent du bien-être spirituel des paroissiens, célèbrent les mariages, baptêmes et premières communions. Plusieurs centaines de volontaires laïcs aident les prêtres dans leur travail, notamment tout le côté bureaucratique, mais aussi dans l’enseignement du catéchisme à des milliers d’enfants et la préparation spirituelle des couples qui veulent se marier. « Nous vivons pleinement les enseignements de Vatican II dans cette paroisse. Il y a une coopération et un rôle important des laïcs dans le fonctionnement de l’Église », conclut-il.
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commentaires (5)
Qu'on me permette de remercier ce lecteur assidu de l'olj, pour son témoignage véridique sur les églises millénaires en Iran, et dans le souci d'apporter une information occultée, en Iran non seulement les synagogues existent pour les 30.000 juifs qui ont décidé de ne pas quitter leur pays, l'Iran NPR , mais encore qu'ils sont représentés au parlement iranien avec pouvoir de voter des lois . Donc merci pour ce témoignage, mais aussi pour le courage qu'on a quand on atteint ce stade de culture , dans la tolérance.
FRIK-A-FRAK
17 h 01, le 06 février 2019