Qu’est-ce qui a donc changé entre la fin décembre et la fin janvier pour que soudain ce qui entravait la naissance du gouvernement ne soit plus un obstacle ? La question mérite d’être posée, même si elle n’a pas encore de réponse claire. En tout cas, depuis la rencontre « secrète », ou du moins loin des caméras, mercredi soir, au palais de Baabda, entre le chef de l’État Michel Aoun, le Premier ministre désigné Saad Hariri et le ministre Gebran Bassil, la tendance était à l’optimisme. Un optimisme qui s’est confirmé hier soir avec la formation du nouveau gouvernement de Saad Hariri.
Comme par miracle, le problème de la représentation des six députés sunnites de la « Rencontre consultative » au sein du gouvernement a été réglé. Un compromis à la libanaise a été trouvé, et il fait de la personnalité choisie un ministre avec une double casquette : il participe aux réunions du bloc du Liban fort (CPL et président) tout en votant, le cas échéant, selon les directives de la Rencontre consultative. Il a fallu tout le brio de Hussein Khalil, conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, pour faire accepter ce scénario par les six députés sunnites. M. Khalil s’est en effet réuni mardi soir avec « le groupe des six » pour les convaincre de trouver une solution qui sauve la face à toutes les parties concernées.
Le choix de la personnalité qui représente la Rencontre consultative devait se faire entre deux noms : Osman Majzoub, proche du député et ancien ministre Fayçal Karamé, et Hassan Mrad, fils du député Abdel Rahim Mrad. C’est ce dernier, pour lequel le CPL et le Hezbollah penchaient, qui sera finalement désigné, alors que le chef du gouvernement était plus favorable au premier.
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Chaque partie avait ses raisons de préférer tel choix sur l’autre. Pour le CPL, par exemple, la désignation de Osman Majzoub était susceptible de renforcer le camp du chef des Marada de Sleiman Frangié, puisque Fayçal Karamé fait partie du bloc mené par Tony Frangié, qui aurait ainsi indirectement deux ministres. Pour le Hezbollah, Hassan Mrad, originaire de la Békaa-Ouest, s’inscrit dans la stratégie du parti de renforcer les sunnites proches de la résistance dans la région de la Békaa-Ouest. Abdel Rahim Mrad et son fils Hassan ont, en effet, une assise populaire importante, alors que M. Majzoub est un proche de Fayçal Karamé et ne dispose donc pas d’une assise populaire propre. C’est justement la raison pour laquelle le Premier ministre désigné le préférait à Hassan Mrad qui, en devenant ministre, peut rogner la popularité du courant du Futur dans sa région. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a décidé de donner un portefeuille à Jamal Jarrah (le ministère de l’Information), qui est de la même région, si Hassan Mrad devait être choisi.
Quelles que soient les considérations des uns et des autres, le nœud dit sunnite a donc été réglé après avoir occupé le devant de la scène et retardé la formation du gouvernement pendant au moins deux mois.
Cet obstacle surmonté, il ne restait plus que la distribution des portefeuilles sur la base de la demande du CPL de procéder à certains changements, notamment au niveau du ministère de l’Environnement, qui devait en principe revenir au mouvement Amal et que M. Bassil réclamait pour son camp. Ce changement pouvait paraître mineur et simple, mais, au Liban, le moindre petit détail peut prendre une importance démesurée, alors que les questions stratégiques peuvent devenir de simples détails. Tout est dans l’intention, et ce qui semble une affaire secondaire après les grands obstacles qui ont été surmontés peut se transformer en problème insoluble si les parties concernées décident de ne pas faciliter la naissance du gouvernement. Ce qui est sûr, c’est que le suspense aura demeuré jusqu’au bout, d’autant que les attentes des Libanais ont été à maintes reprises déçues au cours des huit derniers mois. D’ailleurs, un certain scepticisme était encore exprimé hier dans la journée par le leader druze Walid Joumblatt. Les milieux des Forces libanaises ont aussi laissé transparaître des réticences, en faisant valoir que leur chef, Samir Geagea, avait déjà choisi ses ministres en fonction des portefeuilles qui leur seront octroyés et qu’il pouvait difficilement se rétracter. Au final, les FL ont toutefois accepté un ultime échange qui réglait le problème de la distribution des portefeuilles.
Pour de nombreux observateurs, les problèmes sont en apparence internes, mais ils cachent à peine le conflit régional et international qui se répercute au Liban. La visite du secrétaire adjoint américain au Trésor Marshall Billingslea à Beyrouth en ce moment précis et les propos qu’il a tenus lors d’une rencontre avec les journalistes au sujet de l’octroi du ministère de la Santé au Hezbollah, qui reflètent une opposition à peine déguisée, ne sont pas une simple coïncidence. Pour les uns, il s’agissait d’un mot d’ordre, voire d’un avertissement, pour retarder encore la formation du gouvernement. Pour d’autres, au contraire, la position américaine devait être un motif suffisant pour que le Hezbollah pousse justement vers la formation du gouvernement en intervenant auprès de ses alliés.Au final, le suspense est tombé hier soir, comme l’avait prévu l’ambassadeur des Émirats arabes unis à Beyrouth, avant de préciser qu’il ne faisait que refléter le climat général.
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Histoire paysanne : Géha a voulu faire du commerce, il achetait des oeufs la douzaine à une livre pour les revendre la quinzaine à une livre. Au bout de quelques jours, Géha n'avait plus d'argent pour acheter des oeufs... C'est le Président avec les deux jokers de son quota...
Un Libanais
18 h 44, le 01 février 2019