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Nos Lecteurs ont la Parole - Antoine MESSARRA

Quand les principes de la démocratie sont malmenés

Depuis surtout mai 1968 en France, souvent glorifié par des révolutionnaires, idéologues et intellectuels sans expérience, et aujourd’hui avec des mouvements similaires, des démocraties dites consolidées se trouvent sérieusement menacées. En outre, des pays qui doivent se trouver en principe dans une phase transitionnelle manquent leur transition.

D’où proviennent les menaces ? De plusieurs sources : individualisme forcené aux dépens du lien social, libéralisme sauvage, dénigrement du sens de l’autorité qui, par essence, est régulée par le droit, mentalité contestataire faussement assimilée à la citoyenneté, affaiblissement du sens du public, la res publica, la société n’étant pas une addition d’individus, affaiblissement des États confrontés à des groupements transétatiques…

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Dans un débat télévisé à France 24, à la question du journaliste à une femme qui se considère militante : « Qu’est-ce que vous proposez ? » elle répond : « Ce n’est pas à moi de proposer, il y a des personnes payées pour cela ! » Un député qui participe au débat déclare : « Je vous ai soutenus et vous avez objecté : “Vous essayez de nous récupérer.” Qu’est-ce que vous voulez donc ? »

Une question cruciale à propos de ces mouvements : où sont les syndicats, les organisations professionnelles ? Ce sont ces formations intermédiaires qui assurent le filtrage et l’agrégation des intérêts, et non des individus qui grognent et dont on diffuse la grogne dans des entretiens de micro-trottoir.

Tout cela fait penser à Laure Moghaizel qui n’a jamais organisé ni une manifestation ni une grève. Oui, elle a manifesté durant les guerres multinationales au Liban en 1975-1990, avec un pigeon en main, contre les barricades. Pour tous les autres problèmes relatifs à des droits, elle faisait pression sur les décideurs, les harcelait et persévérait avec d’autres groupes.

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Pour des militants et acteurs qui ont l’expérience de l’engagement et de la défense des droits, la grogne et l’expression de celui qui grogne sont insupportables. Le malheureux, la victime, celui qui souffre ne grogne pas. Son silence est éloquent. Son malheur interpelle, suscite la compassion, la solidarité, l’amour. Des foules d’individus (le peuple, c’est différent) qui grognent, c’est la décadence de la citoyenneté et de la démocratie, la prostitution de tout engagement.

Qu’est-ce qui fait la civilité de la société civile ? C’est l’exercice d’une pression sur le processus de décision et avec des décideurs. Aujourd’hui, avec l’explosion démographique, la tyrannie des opinions, la régression des médias professionnels, l’extension des manœuvres de manipulation… la manifestation et la grève sont certes des droits, mais sont inopérantes.

Dans une perspective de politique non démagogique, et donc véritablement publique, et aussi de citoyenneté constructrice d’État et de société, il s’agit de recourir, même dans les pires situations, à tous les processus démocratiques institutionnels. Tout autre moyen qui n’est pas vraiment civil, citoyen au sens de citizen power, non animé par le sens de la res publica et de l’État, vire à la contestation morbide et inopérante.

Le résultat déplorable ? On le constate avec l’arrogance de régimes tyranniques aujourd’hui, dans des pays arabes et ailleurs, qui disent : « C’est le régime ou la pagaille ! » Normalement, toute démocratie implique rotation et alternance. Mais nous ne sommes plus dans les fondamentaux de la démocratie et de la normalité.

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Le peuple, ce n’est pas la foule. La loi implique par essence obéissance. L’État implique par essence l’exercice d’une autorité légitime et légitimée dans la conscience non pas d’individus hantés par leur économie domestique, mais aussi par la chose publique. Crise de la démocratie ? Crise plutôt de civilisation en perte de boussole et de repères. Cela a commencé en famille et à l’école.

Les fondamentaux de la démocratie sont aussi malmenés au Liban. C’est le même problème et un autre problème.

Membre du Conseil constitutionnel

Titulaire de la chaire Unesco d’étude comparée des religions,

de la médiation et du dialogue, USJ

Depuis surtout mai 1968 en France, souvent glorifié par des révolutionnaires, idéologues et intellectuels sans expérience, et aujourd’hui avec des mouvements similaires, des démocraties dites consolidées se trouvent sérieusement menacées. En outre, des pays qui doivent se trouver en principe dans une phase transitionnelle manquent leur transition. D’où proviennent les...

commentaires (2)

En Suisse chaque fois qu'une loi est approuvée par le parlement, un délai de 100 jours s'ouvre devant le peuple pour la contester, en réunissant 50'000.- signatures pour lancer un référendum. La majorité des lois passent sans référendum car les députés savent que le peuple les observe. En cas de référendum la loi n'entrera en vigueur que si la majorité du peuple l'accepte en votation. Au Liban et en France les peuplent vote une fois tous les 5 ou 6 ans et dans l'intervalle le personnel politique décide du destin du pays et le peuple n'aura plus de mots à dire. Des démocraties "light" assez trompeuses.

Shou fi

23 h 43, le 17 janvier 2019

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Commentaires (2)

  • En Suisse chaque fois qu'une loi est approuvée par le parlement, un délai de 100 jours s'ouvre devant le peuple pour la contester, en réunissant 50'000.- signatures pour lancer un référendum. La majorité des lois passent sans référendum car les députés savent que le peuple les observe. En cas de référendum la loi n'entrera en vigueur que si la majorité du peuple l'accepte en votation. Au Liban et en France les peuplent vote une fois tous les 5 ou 6 ans et dans l'intervalle le personnel politique décide du destin du pays et le peuple n'aura plus de mots à dire. Des démocraties "light" assez trompeuses.

    Shou fi

    23 h 43, le 17 janvier 2019

  • ""La civilité de la société civile ? C’est l’exercice d’une pression sur le processus de décision et avec des décideurs. Aujourd’hui, avec l’explosion démographique, la tyrannie des opinions, la régression des médias professionnels, l’extension des manœuvres de manipulation…"" Avec sa description ci-haut Mr Messarra aura resume non pas l'essentiel mais TOUT CE QUI EST FACTUEL.

    Gaby SIOUFI

    11 h 28, le 17 janvier 2019

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