Ville instable, foyer du fondamentalisme sunnite, hostile pour les chrétiens, ville où l’État ne parvient plus à faire respecter son autorité… Tripoli est fréquemment associée à ces idées reçues en raison des événements ponctuels qui l’ont secouée au cours des dernières années. On pense, entre autres, à la guerre entre les deux quartiers alaouite et sunnite de Bab el-Tebbaneh et de Jabal Mohsen, qui a éclaté en 2011, quelques mois après le début de la guerre en Syrie, au double attentat de 2013 contre deux mosquées sunnites ou à l’incendie criminel d’une librairie gérée par un prêtre grec-orthodoxe en 2014. Pourtant, l’esprit convivial dans lequel se déroulent les festivités de Noël au cœur de la ville invite à voir les choses autrement.
Les marchés, villages et concerts de Noël attirent et mobilisent des habitants issus de toute la mosaïque confessionnelle de la ville et du pays. L’archevêché grec-orthodoxe dans le quartier de Mina a ainsi ouvert ses portes cette année à un marché caritatif dont les participants et les visiteurs ne sont pas seulement des chrétiens. Des concerts et des récitals s’enchaînent jusqu’à la veille de Noël à Mina.
En cette fin de semaine, y sont organisés dans une atmosphère conviviale des récitals ou un spectacle de magie qui se tiendra samedi soir. Les musulmans sunnites de Tripoli ne voient rien d’exceptionnel à participer à une fête chrétienne. Ils s’étonnent même de la question. « Bien sûr que c’est normal ! Chrétiens, musulmans… Il n’y a pas de différence », s’écrie Bilal Hamad, un adolescent de 13 ans qui aide ses parents à tenir leur stand. La convivialité est inscrite dans les traditions de cette ville où des sapins de Noël trônent dans des foyers sunnites.
(Lire aussi : Le vieux Mina illuminé par son second marché de Noël)
« Je me rends à l’église si un ami décède ou se marie »
Rabih Lazkani, président de l’association « Maan Loubnan » qui s’occupe de l’organisation technique du marché, explique à L’Orient-Le Jour que ce n’est pas la première fois qu’il participe à l’organisation d’un événement chrétien. « En tant que musulman, je ne vois pas de différences qui nous empêchent de fêter Noël ensemble, sachant que nous vivons tous les jours avec des chrétiens. De même que nous participons à Noël, ajoute-t-il, ils participent avec nous au ramadan et à l’Aïd el-Kebir. » Mettant en avant la proximité et la coexistence entre les confessions plutôt que les divisions et les tensions habituellement suggérées, selon lui, par les médias, il affirme : « Si un ami chrétien se marie ou décède, je me rends à l’église pour célébrer ce moment ou bien me recueillir », ajoute-t-il.
Un peu plus loin, dans l’ambiance festive de la Foire internationale Rachid Karamé, Manal Zarouf, qui découvre les installations avec son fils, explique ce qu’elle voit de bénéfique à ce que la ville accueille ainsi les fêtes de fin d’année : « Organiser Noël comme cela à Tripoli redonne confiance aux gens, montre le beau visage de cette ville et apporte de l’espérance pour l’avenir. » Il y a quelques jours, la salle de conférences de la foire a accueilli l’événement Tripoli chante Noël 3, auquel a notamment participé la cantatrice Fadia Doumani.
Jana el-Abd, qui fait partie des organisateurs du Tripoli Christmas Wonderland, rappelle que les gens présents sont venus de tout le Liban et de toute la ville. « Le but est qu’un maximum de Tripolitains viennent au village de Noël pour ôter à la ville l’image négative qui lui colle comme une seconde peau », dit-elle. Jana explique que le village de Noël doit sa réalisation à une véritable collaboration qui transcende les communautés : « Ce sont principalement des jeunes diplômés sans emploi et issus de toutes les confessions qui ont travaillé pour rendre cet événement possible », affirme-t-elle. Pour sa mère, Lina Matrajé, qui tient un kiosque commerçant et se réjouit de la popularité grandissante des événements organisés, « il faut montrer à tous les citoyens de Tripoli qu’on peut fêter Noël par humanité, pas seulement par religion ».
Des festivités similaires ont été organisées vendredi au Centre culturel Safadi et se poursuivront samedi et dimanche de midi à 21h.
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commentaires (9)
Tripoli c'est une belle ville, malheureusement comme Beyrouth Tripoli souffre de trôp de voitures (c'est la même chose à Beyrouth) il y a beaucoup à visiter, par exemple la mosquée Al-Mansur Qalawun (très ancien de l'époque 1290 quand Tripoli tombait de nouveau dans les mains des 'mamlouks') et il y a proche de la vieille gare de trains le tour des Lions (tour Bourj Sabaa) etc. Patrimoine importante et impressionante. Le guide du ministère du Tourisme du Liban de Tripoli était bonne (c'est celle là que j'ai utilisé) pour la visite. C'est pourtant dommage qu'il y a trôp de voitures, c'est la même chose un peu partout au Moyen-Orient, il faudrait surtout déveloper un système de transport public et moins de voitures.
Stes David
12 h 35, le 24 décembre 2018