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Liban - Égouts

Ramlet el-Baïda : les députés de Beyrouth annoncent une plainte en justice « contre inconnu »

Selon Hassane Rifaat, ancien directeur de l’Inspection centrale, une enquête administrative aurait dû être ouverte automatiquement, parallèlement à la procédure judiciaire.

Les députés de Beyrouth réunis hier pour parler de la plainte déposée en justice. Photo ANI

L’affaire du déversement d’égouts suite aux intempéries du vendredi 16 novembre n’en finit pas de faire des vagues, c’est le cas de le dire. Hier, les députés de Beyrouth ont tenu une conférence de presse suite à une réunion, pour annoncer qu’ils présentaient une note d’information à la justice afin d’exiger que les responsabilités soient définies et les coupables pénalisés, portant plainte toutefois « contre inconnu ». Les députés Paula Yacoubian et Mohammad Khawaja ont protesté contre l’expression « contre inconnu », étant donné que les responsabilités sont clairement définies. La députée a cependant déclaré aux médias avoir quand même signé la note à la justice afin que l’action conjointe des députés aille de l’avant.

L’inondation spectaculaire qui avait noyé le quartier de Ramlet el-Baïda était due à l’obstruction d’une bouche d’égout majeure avec du béton brut, vraisemblablement pour arrêter le flux d’eaux usées vers le projet controversé de l’Eden Bay, lui-même au centre d’une polémique depuis sa construction. Une première tentative, en juin dernier, de dévier les égouts vers la région de Ghobeyri (banlieue sud) s’était soldée par un échec, puisque la station d’épuration située sur le littoral n’est pas opérationnelle, et que l’arrivée des eaux usées à la région dite de Saint-Simon avait provoqué la colère populaire. Quand la municipalité de Ghobeyri a décidé de fermer l’accès des égouts de Beyrouth à sa région, une seconde tentative d’acheminer les égouts vers le nord de la plage, afin qu’ils se déversent dans d’autres réseaux, a provoqué un désastre, étant donné que la bouche d’égout à cet endroit ne peut supporter un tel flux. Et depuis l’inondation de vendredi, les responsables s’accusent mutuellement en se renvoyant la balle, notamment le président du conseil municipal de Beyrouth Jamal Itani, le mohafez Ziad Chbib, la municipalité de Ghobeyri et même le projet d’Eden Bay qui, sans nier les faits, déclare par la voix de son avocat à la télévision que « la fermeture de l’égout a été exécutée sous la supervision des forces de l’ordre ».


(Lire aussi : Égouts scellés et inondations : le mohafez de Beyrouth dévoile l'identité des responsables


« Étouffer l’affaire est hors de question »

Les députés de Beyrouth se sont donc réunis hier pour annoncer qu’ils allaient lancer une procédure judiciaire en portant plainte « contre inconnu et tous ceux que l’enquête révélera comme responsables », auprès du procureur général près la Cour de cassation Samir Hammoud. Rappelons que le juge Hammoud s’était déjà saisi de l’affaire à la demande du ministre de la Justice, après la conférence de presse du mohafez de Beyrouth samedi soir, au cours de laquelle celui-ci a pointé du doigt la municipalité de Ghobeyri et le projet de l’Eden Bay pour leur rôle dans la fermeture de la bouche d’égout en deux endroits différents.

Le député Nazih Najm (groupe parlementaire du Futur) a répondu hier aux questions des journalistes. À la question de savoir pourquoi cette plainte contre inconnu, il a déclaré que l’objectif était de se lancer dans une enquête plus vaste en vue de connaître la vérité complète. Vont-ils demander des comptes pour les irrégularités commises par le projet d’Eden Bay ? « Nous ne couvrirons personne », a-t-il assuré. En réponse à une autre question, il a souligné qu’« étouffer l’affaire est hors de question ». « Nous suivrons l’affaire jusqu’au bout », a pour sa part tonné le député Amine Cherri, du groupe parlementaire du Hezbollah.

Entre-temps, les procédures ne se succèdent pas à un rythme effréné : ce n’est que lundi prochain que les députés inviteront à la bibliothèque du Parlement les différents acteurs concernés par l’affaire de l’égout à s’expliquer sur leur rôle dans ce sinistre épisode.


(Lire aussi : Les Libanais pris en étau entre les embouteillages et les eaux d’égouts)


Ouvrir une enquête dans les 48 heures !

Les plaintes déposées dans le cadre de cette affaire sont-elles la seule procédure à engager ? Pourquoi aucun responsable n’a-t-il été mis en cause dans une affaire qui a causé un préjudice à tout un quartier ? Interrogé par L’Orient-Le Jour sur la question des responsabilités, Hassane Rifaat, ancien président de l’Inspection centrale et ancien directeur général du ministère de la Justice, a répondu aux questions, tout en précisant qu’il ne possède pas les dossiers et qu’il n’a aucune intention d’agir en donneur de leçons. Mais au vu des enquêtes dont il a pris connaissance dans les médias, il précise d’emblée que « tout domaine public maritime est imprescriptible et inaliénable, ce qui veut dire qu’il ne peut être acheté ou vendu, et qu’il peut être récupéré après une période d’occupation illégale, aussi longue soit-elle ».

Pour ce qui est de la réaction des autorités à l’affaire de l’inondation, M. Rifaat pense que les plaintes auprès du parquet ne sont pas suffisantes, et qu’il aurait fallu que les instances administratives concernées réagissent en ouvrant une enquête immédiate, dans les 48 heures, et en convoquant les différents responsables concernés. « La procédure pénale peut être longue et obéit à des règles précises, au Liban et ailleurs, explique-t-il. De plus, s’il n’y a pas de délit à proprement parler au regard de la loi, l’affaire peut être classée, étant donné que toute faute administrative n’est pas nécessairement un délit. Et c’est sur la faute administrative qu’il faut se concentrer afin de déterminer les responsabilités. »

M. Rifaat donne l’exemple d’un tragique incident survenu au début des années 80, lorsqu’il était président de l’Inspection centrale : une violente tempête de neige s’était abattue sur Dahr el-Baïdar, piégeant les automobilistes dans leurs véhicules et faisant plusieurs centaines de morts. En ce temps-là, l’Inspection centrale avait ouvert une enquête immédiate qui, au bout d’une semaine à peine, avait abouti au limogeage de plusieurs hauts responsables. « Les sanctions administratives doivent être prises parallèlement à la procédure pénale, affirme-t-il. Et il faut surtout faire en sorte que le propriétaire de l’Eden Bay ne soit jamais propriétaire du terrain sur le domaine public. Enfin, la population devrait réagir, selon moi, et réclamer des comptes. »



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commentaires (3)

Contre inconnu? Quelle farce! Dites nous carrément nous voulons tout simplement enterrer ce scandale, cette comédie. Car cela risquerait d’impliquer El Capo.

Aref El Yafi

13 h 53, le 20 novembre 2018

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Commentaires (3)

  • Contre inconnu? Quelle farce! Dites nous carrément nous voulons tout simplement enterrer ce scandale, cette comédie. Car cela risquerait d’impliquer El Capo.

    Aref El Yafi

    13 h 53, le 20 novembre 2018

  • MINISTERE, MUNICIPALITE, EDEN ROCK... TOUS SONT CONNUS, ALORS POURQUOI CONTRE INCONNUS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 04, le 20 novembre 2018

  • Porter plainte contre X ne signifie pas étouffer l'affaire. Cela permet de faire avancer une plainte avant un jugement. Comment pourrions nous accuser avant le verdict de la justice ? En portant plainte contre X on peut toutefois désigner des noms sur lesquels on aurait des soupçons ou on pense qu'ils sont les coupables.

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 33, le 20 novembre 2018

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