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Liban - Vie Universitaire

L’USJ octroie des doctorats honoris causa à trois « témoins de l’espérance »

Raymond Najjar, Raymond Audi et Mona Hraoui, personnalités de premier plan, ont su honorer « l’hypothèque sociale » de leur réussite.

Les trois récipiendaires en compagnie du recteur Daccache.

« L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou, s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins », avait dit en 1975 le pape Paul VI, dans sa célèbre Exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne.

« Évangélisatrice, l’Église commence par s’évangéliser elle-même. Communauté de croyants, communauté de l’espérance vécue et communiquée, communauté d’amour fraternel, elle a besoin d’écouter sans cesse ce qu’elle doit croire, ses raisons d’espérer, le commandement nouveau de l’amour (…), pour évangéliser le monde avec crédibilité », avait-il ajouté.

Fidèles, fût-ce indirectement, à cette « grande commission », ce sont « des témoins de l’espérance », et en tout cas deux hommes et une femme de cœur, que le recteur de l’Université Saint-Joseph, le Pr Salim Daccache, a proposées l’autre soir en exemple, en leur accordant des doctorats honoris causa. Personnalités de premier plan de la société libanaise, Raymond Najjar, Raymond Audi et Mona Hraoui sont, a expliqué en substance le recteur, des personnalités qui, au-delà de leur « success story » personnelle, de laquelle ils peuvent certes tirer satisfaction, ont su honorer « l’hypothèque sociale » de leur succès matériel, en acceptant d’en partager une partie avec ceux qui n’ont pas su, ou pas pu, s’élever aussi haut qu’eux.

Organisée dans l’amphithéâtre Aboukhater du campus des sciences humaines de la rue de Damas, devant un parterre tout à fait éclectique de personnalités du monde économique, politique et académique, la cérémonie s’adressait donc aussi bien ad extra qu’ad intra. Car en proposant des témoins, l’université s’édifie elle-même.

Dans un mot d’introduction figurant au livret de présentation de la cérémonie, le Pr Daccache a brièvement présenté les trois récipiendaires comme « des témoins de l’espérance », en particulier « dans ce Liban qui se débat dans ses problèmes politiques et existentiels », et dont certains commencent à douter.

« Ces trois personnalités n’ont pas seulement été actives, mais leur activité a contribué au changement social et culturel pour plus de beauté et de justice », a-t-il relevé. « L’université est ainsi heureuse de poursuivre sa mission d’observateur et de témoin au cœur même de la société. L’université n’est pas une institution neutre ou indifférente, mais ne cesse d’agir pour élever le débat vers le haut, et élever les personnes vers le bien et vers la sagesse. »


Raymond Najjar, capitaine d’entreprise

Diplômé de l’ESIB, promotion 1947, Raymond Najjar (né en 1925) déploie ses ailes de capitaine d’entreprise en Côte d’Ivoire, entre 1970 et 1986, avant de réaliser des projets fonciers au Canada et en France.

De retour au Liban, il construit en 2003 le nouvel hôpital Saint-Joseph de Dora qu’il dote d’un « centre médical Raymond et Aïda Najjar », puis un bâtiment de 7 étages sur un terrain offert par la municipalité de Jounieh, qu’il met à la disposition des secouristes de la Croix-Rouge. Il entame aussi la construction de la nouvelle faculté de médecine sur le campus des sciences médicales de l’USJ, dote les orphelins de l’armée d’un million de dollars, finance un étage pour le centre de soins aux toxicomanes d’Oum el-Nour, contribue au développement de l’ordre de la presse. Il accorde parallèlement, avec autant de discernement que de générosité, à de multiples associations, comme Acsauvel, l’association pour la sauvegarde de l’enfant au Liban, des fonds nécessaires à leur développement.

Raymond Najjar dira simplement dans son mot de remerciement « la grande satisfaction (qu’il) tire en apportant du réconfort au prochain », ainsi que son credo, à savoir « qu’il faut vivre les uns pour les autres, et non les uns contre les autres ».


Banquier et mécène

Est-il besoin de présenter Raymond Audi ? Artisan du développement de la banque au Liban, il a hissé la sienne au pinacle de l’économie locale et régionale. Élu président de l’Association des banques en novembre 1993 puis désigné ministre des Déplacés en 2008, Raymond Audi (né en 1932) « a toujours associé, avec élégance, un côté mécène et son sérieux de banquier », a dit le recteur dans son allocution de présentation.

Grâce à la délocalisation de sa banque en Suisse, il en a fait « une institution pionnière dans le mécénat », qu’il étend au patrimoine libanais en général et au musée national en particulier.

« J’ai fait mes études chez les pères jésuites, a répondu Raymond Audi dans son discours de remerciements (lu par son fils Paul, docteur ès lettres de l’École normale supérieure et maître de conférences à l’Université de Paris). J’y étais pensionnaire et j’en ai gardé une telle empreinte qu’il m’a souvent semblé que bon nombre des décisions que j’ai été amené à prendre (…) ne faisaient que refléter les valeurs qui m’avaient été inculquées (…) : fidélité aux siens, souci de la justice, ouverture la plus large à la culture, tolérance à l’égard des différences, responsabilité de partager ce qu’on a avec ceux qui ne l’ont pas, confiance dans ce que l’avenir réserve. »Raymond Audi devait conclure en se félicitant d’une « relation unique, privilégiée, de partenariat et de soutien entre Bank Audi et l’USJ, une relation qui est à la hauteur de leurs engagements réciproques depuis près de 40 ans ».


Propagande populiste

Bénéficiant à l’avance de la sympathie de l’audience, Mona Hraoui, née le 3 août 1940 à Baalbeck, Première dame du Liban d’octobre 1989 à octobre 1998, s’est gagné encore plus de sourires en prononçant avec application, dans « la langue de Molière », un discours où résonnaient les accents d’une culture anglophone.

La fondatrice de la Fondation nationale du patrimoine et du Chronic Care Center, des réalisations dont on ne fait plus l’éloge, s’est même permis une incursion intrépide – et très applaudie – vers la politique, en affirmant : « En ce début du IIIe millénaire, alors qu’on assiste dans le monde et surtout dans la région à une montée effrayante du radicalisme religieux et identitaire, il est grand temps que nos dirigeants prennent conscience des dangers qui menacent la nation. Il est grand temps que la majorité de nos politiciens cessent de formuler des propos qui réveillent un passé sanglant, nourrissent les discordes confessionnelles, approfondissent les divisions et engendrent des conflits. Il est impératif de mettre fin à la propagande populiste et aux surenchères, et que certains de nos responsables cessent de prôner le système pervers des quotas et du sectarisme, qui sert leurs intérêts personnels, fait leur raison d’être et leur permet d’asseoir leur leadership politique, au risque de provoquer une brisure sociale et tant de dérapages (…). À ce niveau, je tiens à souligner le rôle national considérable de l’action éducative humaniste de l’USJ qui mise sur l’importance de la citoyenneté et du vivre-ensemble. »

Fallait-il l’amphithéâtre Aboukhater, un soir de gala, pour entendre ces vérités ?

« L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou, s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins », avait dit en 1975 le pape Paul VI, dans sa célèbre Exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne. « Évangélisatrice, l’Église commence par s’évangéliser elle-même. Communauté de croyants,...

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