Cette séance inaugurale a été notamment marquée par un couac libanais. Invité d’honneur de cette rencontre prestigieuse, qui poursuivra ses travaux jusqu’à dimanche, le président Michel Aoun devait être représenté par le ministre sortant de la Justice Selim Jreissati, qui devait donner lecture du message, en français, du chef de l’Etat. M. Jreissati a toutefois préféré ne pas faire le déplacement, afin de suivre de près les tractations en vue de la formation du gouvernement. Les services de la présidence ont alors décidé que le message du général Aoun serait lu par l’ambassadeur du Liban au Maroc, Ziad Atallah. Sauf que celui-ci est anglophone et ne pouvait donc pas lire le texte qui a été finalement présenté aux conférenciers par un employé marocain de l’ambassade ! Le conseiller du président de l’IFRI Thierry de Montbrial, Riad Tabet, avait pourtant déployé des efforts soutenus afin que le Liban soit à l’honneur au cours de cette conférence…
En tout état de cause, le message, très succinct, du chef de l’État souligne, d’entrée de jeu, que le Maroc, « terre de rencontre, d’histoire, de beauté et de traditions, poursuit sa marche vers la modernité, sous la conduite de Sa Majesté (le roi Mohammed VI) qui régule, commande et arbitre pour que le vivre ensemble perdure dans le présent et l’avenir de tout un peuple ». « Cette conviction de vivre ensemble entre cultures, civilisations et religions différentes continue de nous inspirer, nous Libanais, souligne encore le message du président Aoun. Elle a fait du Liban plus qu’un pays, plutôt un message pour l’Orient comme pour l’Occident, comme l’a décrit Sa Sainteté le Pape Jean Paul II ».
Après avoir rappelé qu’il avait lancé l’an dernier à la tribune des Nations Unies une initiative pour faire du Liban « un centre mondial de dialogue inter-religieux, interculturel et interracial », le chef de l’État s’est demandé comment le monde pourrait « retrouver un ordre mondial qui permettrait à nos enfants de vivre dans un monde pacifique, prospère, plus juste et mieux gouverné ». « Le Liban, conclut le message, ne manquera pas de prendre part à ces débats, car il demeure porteur d’un espoir : celui de faire vivre et partager un idéal humaniste qui unit les peuples ».
Thierry de Montbrial
Au début de la séance inaugurale, le président de l’IFRI, Thierry de Montbrial, a prononcé une allocution dans laquelle il a notamment souligné que « plus on avance dans le XXIe siècle, plus ses contradictions éclatent ». « Bien des promesses de la révolution technologique qui nous submerge entrent dans le champ de la réalité, a relevé M. de Montbrial. On parle de quatrième révolution industrielle, mais ce dont il s’agit est une métamorphose sans précédent historique et d’une toute autre ampleur que celles du passé ».
Après avoir souligné que « le monde d’hier marque toujours notre présent de son empreinte », le président de l’IFRI a poursuivi en déclarant : « la technologie, disaient certains, allait abolir les frontières et favoriser l’avènement rapide d’une mondialisation heureuse ». « Au lieu de quoi, a-t-il ajouté, on assiste à une exacerbation des réalités nationales qui nous renvoie irrésistiblement aux deux siècles passés ». M. de Montbrial a d’autre part affirmé qu’à son avis, « le phénomène géopolitique des trente prochaines années sera la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis ». Et de souligner à ce propos que « la direction actuelle de l’Empire du Milieu n’hésite pas, contrairement à celles qui l’ont précédée, à affirmer haut et fort des objectifs de puissance ».
En conclusion, le président de l’IFRI a dénoncé « le retour dans la politique internationale à une violence qui n’est pas seulement verbale, mais bel et bien réelle, dans les comportements d’un nombre croissant d’Etats », soulignant par ailleurs que « la vague d’islamisme politique, qui n’a cessé de grossir depuis quatre décennies, continue d’étendre ses ravages dans les terres musulmanes et partout ailleurs ».
La séance inaugurale a été marquée en outre par des discours du Premier ministre de Côte d’Ivoire, Amadou Gon Coulibaly, et de Sa Sainteté Bartholomée 1er, archevêque de Constantinople. Les séances de l’après-midi porteront sur les thèmes suivants : les migrations et l’avenir du multiculturalisme ; préparer les enfants et les jeunes à l’emploi au 21e siècle ; religion et politique en Chine ; et le Moyen-Orient.
Pour mémoire
Message de Aoun à l’ouverture, ce matin, de la WPC 2018 à Rabat
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Pauvre Liban ?
Kelotamam
09 h 36, le 27 octobre 2018