Deux députés membres de la commission parlementaire des Finances, Hassan Fadlallah (Hezbollah) et Eddy Abillama (Forces libanaises), ont condamné hier publiquement les graves dérives dans le processus de recrutement de fonctionnaires. Ils n’ont pas manqué de dénoncer l’embauche récente de nouveaux fonctionnaires sur base du clientélisme, alors que l’article 21 de la loi 46 (accordant aux fonctionnaires une nouvelle échelle de salaires) interdit clairement tout recrutement pour une période de deux ans et réclame un recensement détaillé des fonctionnaires.
Recrutés sans examen
À l’issue d’une réunion de la commission parlementaire qui planchait sur les médicaments contre le cancer, le député Fadlallah a ainsi révélé, lors d’une conférence de presse au Parlement, qu’avec le service de la dette publique et le déficit du secteur de l’électricité, les salaires de la fonction publique représentent l’essentiel des dépenses du budget de l’État. « Ce qui ne laisse que très peu pour les investissements », a-t-il constaté. Le député du Hezbollah a observé que « de nombreux fonctionnaires sont recrutés selon des critères clientélistes au bénéfice de certaines formations politiques, sans même avoir présenté l’examen de la fonction publique ». Et ce alors que près de 600 lauréats à ce même examen « n’ont toujours pas été embauchés ». « Il n’y a aucun contrôle, ni aucune surveillance », a-t-il regretté. Et pourtant, le dossier des recrutements irréguliers « porte atteinte au droit des jeunes à l’emploi au sein du secteur public, sur base de critères de compétence ». « Nul n’a le droit de recruter dans le public en dehors du cadre de la loi », a martelé Hassan Fadlallah, faisant même état d’« emplois fictifs » dans la fonction publique, sans donner davantage de précisions.
C’est au quotidien panarabe al-Hayat que le député Abillama a relevé ces atteintes à la législation. Rappelant l’appel de la commission parlementaire à interrompre le recrutement au sein de la fonction publique, il a observé que « les récents recrutements représentent un poids considérable pour l’État ». M. Abillama a estimé dans ce cadre que le nombre de fonctionnaires surnuméraires dans les administrations publiques et les ministères représente quasiment la moitié des fonctionnaires du secteur public, « entre 40 et 50 % », a-t-il précisé, ajoutant que le nombre de fonctionnaires dépasse largement le nombre d’employés du secteur privé, ce qui crée un « profond déséquilibre ». « La chose est d’autant plus grave que la majorité de ces fonctionnaires ne sont pas productifs », a-t-il martelé, affirmant que « ces dépenses plombent le budget de l’État ». Et le député des FL de montrer du doigt l’ensemble de la classe politique, qui est responsable de cet excédent de fonctionnaires depuis 50 ans. « La solution réside dans l’identification des fonctionnaires surnuméraires et non productifs, a insisté Eddy Abillama. Il faut donc licencier tous les fonctionnaires qui ne travaillent pas et les transférer au secteur privé. »
Les deux députés ont certes voulu alerter l’opinion publique. Sachant que la véritable bombe a été lancée en juillet dernier par le père Tony Khadra, responsable de l’association Labora, qui révélait que près de 2 000 fonctionnaires décédés recevaient toujours un salaire de l’État, alors que 20 000 fonctionnaires percevaient un salaire mensuel sans jamais se rendre à leur travail. Des informations prises au sérieux par la justice, qui a décidé de faire la lumière sur l’affaire.
Des preuves très bientôt
Mais en l’absence de statistiques officielles, impossible de vérifier ces dires. C’est « pour institutionnaliser le débat » et « résoudre le problème sur base de preuves officielles » que le président de la commission parlementaire des Finances, le député Ibrahim Kanaan, avait déjà invité le Conseil de la fonction publique et l’Inspection centrale à mener l’enquête auprès des administrations publiques et des ministères, révèle une source proche de la commission des Finances. Avec pour intention de « repérer les embauches récentes depuis début 2018, les fonctionnaires surnuméraires et les emplois fictifs, tout en déterminant les responsabilités des parties, des ministres et des personnalités politiques dans les processus illégaux de recrutement ».
« Une mesure d’autant plus urgente que « les salaires de la fonction publique représentent actuellement 30 % des dépenses de l’État », révèle la source. Quant au recrutement, « il se fait de manière insidieuse, sur base du clientélisme et non pas en fonction des besoins ou des compétences ». Et d’expliquer que les nouvelles recrues sont « embauchées par contrat par des personnalités politiques, sans passer au préalable l’examen de la fonction publique. D’abord recrutées pour quelques heures au besoin, elles voient leur contrat progressivement amélioré. L’État est alors mis devant le fait accompli et ces travailleurs finissent par réclamer d’être titularisés ».
Hier, à l’issue de la réunion, le député Kanaan a indiqué lors d’une conférence de presse que le rapport du Conseil de la fonction publique lui a déjà été remis et qu’il attendait celui de l’Inspection centrale. « Je consacrerai une séance à ce dossier, a-t-il promis. Nous ferons éclater la vérité et dévoilerons les infractions afin que tous en assument la responsabilité. » Sont déjà montrées du doigt des offices autonomes comme EDL, les Eaux, Ogero et quelques ministères… La liste promet d’être longue.
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commentaires (7)
Cela va faire bientôt...deux ans...!!! qu'un LIBAN NOUVEAU ET FORT, sans corruption, nous est promis. Personne, parmi nos responsables, du grand premier à Baabda au dernier...ne savait ou voyait ce qui se passait dans les ministères et organismes publics ? Irène Saïd
Irene Said
15 h 14, le 16 octobre 2018