Pour la seconde fois en l’espace de dix jours, le rassemblement de Saydet el-Jabal, dirigé par l’ancien député Farès Souhaid, s’est vu privé d’accès à un hôtel à Beyrouth pour y tenir sa conférence annuelle sous le thème « Libérer la décision nationale de la mainmise iranienne pour préserver la Constitution et le vivre-ensemble ».
Programmé initialement pour le 7 octobre, cet événement devait se tenir à l’hôtel Le Bristol. Mais sous l’effet de pressions exercées par Wafic Safa, haut responsable du Hezbollah, l’administration de l’hôtel en question a interdit à Saydet el-Jabal d’y organiser sa conférence annuelle. M. Safa avait d’ailleurs reconnu, dans un entretien accordé à la chaîne al-Jadeed le 3 octobre, être personnellement intervenu pour faire interdire le meeting.
Hier, c’était au tour de l’administration de l’hôtel Gefinor Rotana à Hamra d’empêcher le rassemblement, né dans les années 2000 dans le sillage de la lutte pour le retrait des troupes syriennes, d’y tenir sa conférence.
Cette décision ne saurait être dissociée du climat de régression alarmante des libertés au Liban, ni des pressions exercées pour museler les voix des opposants au pouvoir en place. Mais par son timing, elle ne revêt que plus d’importance. Cette interdiction intervient au lendemain d’un rassemblement tenu mercredi au siège des Kataëb, à Saïfi. À l’initiative du chef de ce parti, Samy Gemayel, et du Parti national libéral, une centaine de personnalités hostiles au pouvoir en place se sont réunies pour stigmatiser les multiples atteintes aux libertés publiques, notamment la liberté d’expression et de l’action politique. Présent lors de cette rencontre tenue en solidarité avec Saydet el-Jabal, Farès Souaid avait annoncé que le rassemblement qu’il préside organisera sa conférence annuelle le dimanche 14 octobre à l’hôtel Gefinor Rotana, à Hamra, que L’Orient-Le Jour n’a pas pu joindre hier.
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Sauf que le Hezbollah en a voulu autrement, d’où la décision de l’hôtel. C’est au moins cette explication que présente à L’OLJ Farès Souhaid, tient ce matin un conférence de presse au siège de l’ordre de la presse, pour mettre les points sur les « i » à ce sujet. « Nous sommes assiégés par une milice soutenue par une force régionale », s’alarme l’ancien député de Jbeil, soulignant que « la milice en question ne peut pas tolérer un débat démocratique et pacifique sur la mainmise iranienne sur le Liban ». Il rappelle d’ailleurs que ce n’est qu’après l’annonce du thème de la rencontre que Le Bristol s’est rétracté, de même que Gefinor. « Nous avions déjà payé une partie de la somme due. Mais la direction nous a annoncé son “regret” ce matin par téléphone, sans pour autant en exposer les motifs », souligne-t-il.
Conscient du fait que cette nouvelle interdiction est une « décision du Hezbollah de faire taire les opposants », Farès Souhaid tire la sonnette d’alarme sur le prestige de l’État sur ce plan. « Il est alarmant de constater que les autorités, dont notamment le président de la République et le Premier ministre, observent un silence radio face aux atteintes aux libertés », déplore-t-il. Mais il note, toutefois, que seul le ministre sortant de l’Information, Melhem Riachi (Forces libanaises), est entré en contact avec lui, pour faire part de sa solidarité. « Mais ceux qui sont au pouvoir ne peuvent se contenter d’exprimer leur indignation. Ils doivent agir », précise M. Souhaid, assurant que « Saydet el-Jabal continuera à s’opposer à la mainmise iranienne sur le pays, et insiste pour tenir sa conférence à Beyrouth, pour assurer que le pays, dans son ensemble, est libre et démocratique ».
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« C’est le Hezbollah qui gouverne le pays »
Tout comme Farès Souhaid, les milieux proches d’Achraf Rifi, ancien ministre de la Justice connu pour sa farouche opposition au Hezbollah, accusent celui-ci de se tenir derrière la nouvelle interdiction de la conférence de Saydet el-Jabal. Des proches de l’ancien ministre s’indignent du silence qu’observe le Liban officiel à ce sujet. Mais dans ces milieux, on explique cette attitude par le fait que « c’est le mini-État du Hezbollah qui gouverne le pays ». Le parti chiite tente d’affirmer sa mainmise sur le pays, en interdisant la tenue d’une rencontre articulée autour de la tutelle iranienne, souligne-t-on, invitant toutes les forces souverainistes présentes au pouvoir à lever leurs voix pour préserver les libertés, raison d’être du Liban.
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commentaires (9)
Ne pourrait-on pas abréger l'agonie de ce pays qui n'en finit pas ? En espérant qu'une fois leur forfait accompli, les coupables (que tout le monde connait) finiront tôt ou tard par payer.
Remy Martin
17 h 42, le 12 octobre 2018