Une nouvelle et scandaleuse incurie s’est fait jour hier à l’Aéroport international Rafic Hariri. Un conflit de compétence latent entre l’armée et les FSI y a perturbé, 45 minutes durant, le mouvement des passagers, confirmant à sa manière l’état de « pourrissement » du pays, partagé entre des autorités faisant allégeance à des forces politiques différentes, et géré en conséquence, au détriment du bon sens (et de la population).
C’est l’intervention intempestive de l’armée dans le champ de travail normalement réservé aux FSI qui a mis le feu aux poudres. L’intervention a consisté dans un positionnement inopiné de soldats en amont des portillons électroniques de surveillance généralement tenus par les agents des FSI. Le positionnement a entraîné le retrait des agents des FSI de leurs postes et l’extinction des équipements de contrôle. En conséquence, le mouvement des passagers, au niveau du contrôle des bagages, s’est arrêté, ce qui a retardé d’autant les horaires de vols.
Écœurés, les voyageurs ont dû attendre 45 minutes que les services concernés s’entendent et que des contacts soient pris au plus haut niveau pour régler l’incident. Finalement, les soldats positionnés inopinément se sont retirés et le travail d’inspection a repris. Entre-temps, et pour écarter les curieux qui se sont attroupés aux cris de l’altercation, des centaines de voyageurs ont été retenus aux entrées du hall des départs.
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Machnouk arrive en catastrophe
Alerté, le ministre sortant de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, s’est rendu en catastrophe à l’aéroport, où il a commencé par s’excuser auprès des voyageurs, avant de rencontrer le général Georges Doumet, qui commande le Service de sécurité de l’aéroport, ainsi que les commandants des détachements des FSI et de la Sûreté générale qui y sont affectés. L’incident est survenu sans que les commandants des deux forces de sécurité présentes n’aient pris la peine de communiquer entre eux et de coordonner leur action, a expliqué le ministre.
« L’incident est clos », a-t-il annoncé par la suite, avant d’affirmer que « le texte du décret déterminant les responsabilités de la sécurité de l’aéroport laisse la porte ouverte aux interprétations ; un niveau minimum d’entente personnelle (NDLR : entre les chefs des trois services engagés) est donc requis. Sinon, des incidents peuvent surgir. Quand toutes les parties respecteront les consignes, ces incidents ne se produiront plus ».
Et d’ajouter, se voulant rassurant : « Tout le monde va respecter les ordres du ministre de l’Intérieur, ce qui va garantir que l’incident ne se produira plus. »
À son retour au Sérail, M. Machnouk a informé le Premier ministre désigné des détails de l’incident qui, clos ou pas, reste inadmissible et engage la responsabilité des ministres concernés, qui doivent en répondre devant l’opinion.
Signalons que le ministre des Transports, Youssef Fenianos (Marada), était hier aux abonnés absents.
Pour sa part, le commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire, le juge Peter Germanos, s’est saisi de l’affaire et a demandé l’ouverture d’une enquête conjointe de l’armée et des FSI au sujet de ce qui a été présenté comme « un malentendu ». À l’aéroport même, des membres du personnel au sol de certaines compagnies ont affirmé que ces conflits de prérogatives entre l’armée et les FSI à l’aérogare ne datent pas d’hier, sachant par ailleurs que le Service de sécurité de l’aéroport relève, en dernière instance, du général Doumet, qui relève du commandement de l’armée... Dans ce cadre, certaines sources médiatiques croient savoir que les FSI se sentent souvent « surveillées » par l’armée.
Kabbani : Pour une instance nationale de l’aviation civile
Sollicité par L’OLJ, Mohammad Kabbani, ancien président de la commission parlementaire des Transports, est revenu une fois de plus à la charge en réclamant la nomination des membres directeurs de l’instance nationale de l’aviation civile, conformément à une loi votée en 2002, et jamais entrée en application. « Les aéroports ne doivent pas être dirigés par les gouvernements », s’est indigné M. Kabbani, qui souligne l’inefficience, sur le long terme, d’une telle prérogative.
Et M. Kabbani d’assurer que des personnes de très haute compétence sont pressenties pour occuper les postes directeurs de l’instance en question, dont le pourvoi est retardé indéfiniment par les rivalités politiques.
M. Kabbani, qui déplore l’état de « pourrissement du pays », a en outre recommandé que la gestion de l’aéroport de Beyrouth soit privatisée et a estimé que « sa gestion devrait être un jeu d’enfant, à l’heure où à Istanbul, un méga-aéroport accueillant, pour commencer, 90 millions de voyageurs/an, doit être inauguré le 29 octobre, sachant qu’à pleine capacité, il doit pouvoir en accueillir 200 millions ».
On rappelle que l’incident d’hier succède à un shutdown catastrophique du système informatique de l’aéroport qui a gravement perturbé les vols, les 6 et 7 septembre.
Un rapport technique des renseignements des FSI et un rapport administratif de l’Inspection centrale sont attendus au sujet de cette perturbation.
Pour mémoire
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commentaires (6)
"...le décret déterminant les responsabilités de la sécurité à l'aéroport laisse la porte ouverte aux interprétations...etc." C'est simple, Monsieur Nouhad Machnouk, pour y remédier il suffit d'émettre rapidement un nouveau décret plus précis ! Irène Saïd
Irene Said
21 h 43, le 27 septembre 2018