Rechercher
Rechercher

Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Colloque « Je est un autre » Francophonie, psychiatrie humaniste et psychanalyse aujourd’hui

Aujourd’hui jeudi, vendredi et samedi se tient un colloque à l’amphithéâtre de l’hôpital Mont-Liban (MHL). Participent à ce colloque des amis et collègues qui viennent du monde entier : Rio de Janeiro, Sao Paolo, Montréal, Dakar, Casablanca, Bruxelles, Genève, Montpellier et Paris. Il s’agit de traiter des questions actuelles qui touchent à la francophonie, la psychiatrie humaniste et la psychanalyse aujourd’hui.

Depuis le milieu des années 80, l’Association psychiatrique américaine (APA) impose au monde entier sa vision : dépistage, recensement, multiplication des troubles psychiques à l’infini et commercialisation sans frein de nouveaux psychotropes. La relation médecin-malade et la relation soignant-soigné qui donnent la parole au sujet, au-delà de sa maladie, sont oubliées. Pour avoir anobli la position du sujet qui souffre, l’enseignement de la psychiatrie française et de la psychanalyse est à son tour écarté. Pourtant, sur le terrain, l’expérience de la psychothérapie institutionnelle à l’hôpital Mont-Liban montre qu’il est possible de se référer à une classification type DSM (Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux) tout en pratiquant une psychiatrie relationnelle. Comme le dit Michael Balint : « Le médicament le plus prescrit au monde est le médecin lui-même. »

Enfin, sur un plan plus large, comment et en quoi la langue française et la francophonie multiculturelle peuvent-elles contribuer à la réhabilitation d’un sujet qui parle et non plus seulement réduit à sa maladie. Le « Je est un autre » d’Arthur Rimbaud est à lui seul un condensé de la majeure partie de la clinique et de la théorie psychanalytiques.

Sur un plan individuel, la phrase de Rimbaud indique comment, au début de sa vie, le nourrisson n’a aucune perception d’une quelconque identité qui pourrait être la sienne : il est sa mère. Il est le visage de sa mère, son regard, sa voix, son odeur… Jusqu’à l’âge de 6 mois, son monde est clivé en deux : le bon et le mauvais. Le bon est à l’intérieur et le mauvais à l’extérieur. Il préserve ainsi l’unité qu’il constitue avec sa mère du mauvais qui est l’extérieur. Ce que Mélanie Klein appelle la position schizoparanoïde. Vers l’âge de 6 mois, réalisant que le bon et le mauvais sont à l’intérieur de cette unité qu’il constitue avec sa mère, il se déprime. Vers l’âge de 18 mois, grâce au regard de la mère, dans une identification avec son image dans le miroir, il peut enfin distinguer le monde imaginaire du monde réel et constituer son « Je » en se séparant de sa mère. Le « Je est un autre » de Rimbaud prend encore plus de sens à ce stade. Mais comme nous l’a appris Jacques Lacan, ce n’est pas un acquis définitif, et comme nous le montre la psychose, la régression en deçà du miroir ramène le sujet à un état d’indistinction avec sa mère. Le clivage entre l’intérieur et l’extérieur, le bon et le mauvais reprend ses droits.

Tout en restant prudent quant à l’extrapolation, sur un plan collectif et social, le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est un monde paranoïaque : haine de tout autre différent, repli identitaire, montée des extrémismes et du racisme, le bon c’est moi et le mauvais c’est l’autre, émergence de dictateurs multiples qui ne le deviennent que parce que les foules s’agenouillent devant eux, comme le disait Étienne de la Boétie dans Discours de la servitude volontaire. À l’intérieur des foules, les individus perdent toute distinction intérieure, sexe, âge, projettent leur Idéal du moi sur la personne du dictateur. Comme nous l’a appris Freud, quel que soit le nombre des individus qui composent la foule, cette foule se transforme en une seule personne, hypnotisée par son leader, capable des pires comportements violents à l’égard de toute autre personne restée en dehors, nous faisant régresser au stade de la « Horde primitive », à la préhistoire de l’humanité.

On le voit, le « Je est un autre » de Rimbaud apparaît aujourd’hui comme un cri de survie pour l’humanité.



Dans la même rubrique 

Histoires d’amour, de séparation et de souffrance (5)

Histoires d’amour, de séparation et de souffrance (4)

Histoires d’amour, de séparation et de souffrance (3)

Histoires d’amour, de séparation et de souffrance (2)

Histoires d’amour, de séparation et de souffrance (1)

Aujourd’hui jeudi, vendredi et samedi se tient un colloque à l’amphithéâtre de l’hôpital Mont-Liban (MHL). Participent à ce colloque des amis et collègues qui viennent du monde entier : Rio de Janeiro, Sao Paolo, Montréal, Dakar, Casablanca, Bruxelles, Genève, Montpellier et Paris. Il s’agit de traiter des questions actuelles qui touchent à la francophonie, la psychiatrie...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut