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Moyen Orient et Monde - Reportage

« En Iran, on se lève tous les matins avec une mauvaise nouvelle »

Après l’attentat, les Iraniens sont inquiets, mais se disent unis.

Un soldat portant un enfant après l'attaque de samedi à Ahvaz, en Iran. MEHR NEWS / Mehdi Pedramkhou/AFP

« On était dans la voiture avec mon petit frère de 14 ans quand on a entendu les tirs, c’était terrifiant, on a eu très peur ! » s’exclame Shirin, 22 ans. Ce samedi matin, cette habitante d’Ahvaz se trouvait près des lieux de l’attentat qui a fait 24 morts et près d’une soixantaine de blessés dans la capitale de la province du Khouzestan, dans le Sud-Ouest iranien. « J’ai vu les gens fuir. Et tout ce qu’on a pu faire c’est d’en faire monter quelques-uns dans la voiture pour les éloigner du lieu de l’attaque », affirme la jeune étudiante qui essaie néanmoins de rester positive : « Dans notre pays, on se lève tous les matins avec une mauvaise nouvelle ! Mais c’est pas ça qui va nous détruire ! »

Sur les réseaux sociaux et dans les médias circulent des photos d’Iraniens venus donner leur sang et répondant à l’appel aux dons de sang. Selon l’agence de presse IRNA, une soixantaine de cheikhs arabes des villes d’Abadan et de Khorramshahr, dans le sud du Khouzestan, ont publié une déclaration condamnant « des actes terroristes visant à diviser les Iraniens ». « Il n’y a pas de division entre les communautés. Lorsque le sang coule, il y a de la bienveillance », estime pour sa part Maria, 35 ans. Originaire d’Ahvaz, mais vivant à Téhéran depuis huit ans, la jeune femme a tout de suite appelé sa sœur lorsqu’elle a su ce qu’il s’était passé : « Cela fait quelques années qu’à Ahvaz on ne participe plus aux rassemblements organisés par l’État et on évite les endroits populeux parce qu’il y a toujours un risque », dit-elle.

Le Sud-Ouest iranien est en effet composé de plusieurs groupes ethniques parmi lesquels les Arabes, qui représentent entre 1 % et 4 % de la population iranienne. Ils sont majoritairement installés dans la province du Khouzestan et sont, pour la plupart, chiites. La région est ponctuellement en proie à des attaques de la part d’indépendantistes arabes. En 2016, par exemple, les faucons d’Ahvaz, groupuscule créé en 2015, avait attaqué une usine de pétrochimie à une centaine de km de la capitale du Khouzestan.

Outre la revendication surprenante de l’État islamique, plusieurs groupes séparatistes arabes ont affirmé être les auteurs de l’attentat de samedi, sans qu’on sache s’ils forment tous un même groupe sous des appellations différentes. Le groupe al-Ahvazieh est l’un d’entre eux. Ses membres n’en seraient pas à leur première action. Le porte-parole des gardiens de la révolution, le général Sharif, a en effet rappelé que ces indépendantistes avaient déjà visé des caravanes de Rahian-e noor, association qui organise des visites des vestiges de la guerre Iran-Irak. De son côté, le porte-parole du mouvement de Libération d’Ahvaz a déclaré avoir mené « une attaque symbolique le jour où l’Iran veut montrer sa puissance au monde. » La fusillade a eu lieu lors d’une parade militaire organisée dans le cadre de la semaine de commémoration de la guerre Iran-Irak.


(Lire aussi : Minorités iraniennes : le pari risqué de Washington ?)



« Égaux et frères »

À Téhéran, samedi en fin d’après-midi, certains habitants n’avaient pas eu vent de l’attentat : « J’étais au travail toute la journée. En sortant, j’ai entendu les commerçants parler d’une fusillade, je me suis dit qu’il fallait que je rentre pour voir ce qu’il s’est passé », raconte une femme dans le bus. D’autres s’inquiètent pour l’avenir comme Somayeh : « Ça recommence ! Encore autre chose qui va nous tomber dessus ! » s’exclame-t-elle. Hassan, conducteur de Snapp (le Uber iranien), est du même avis : « Il ne nous arrive que des malheurs ! C’est terrible, ces pauvres soldats ! »

« Ce genre d’attaque entraîne un sentiment d’insécurité », regrette quant à elle une femme âgée. Pour Maria, c’est surtout l’espoir qui s’éteint petit à petit : « On a une expression en persan qui dit qu’Ahvaz est le portefeuille de l’Iran, car c’est là que sont les principales ressources en pétrole du pays, mais c’est là également que la population manque le plus d’infrastructures, sans parler de la pollution et du chômage. Et maintenant on doit aussi y ajouter l’insécurité ! » déplore-t-elle.

Abbas, 35 ans, est un Arabe d’Ahvaz, il regrette que les jeunes n’aient pas de travail et que les gens aient des difficultés financières : « Les Arabes ne sont pas séparatistes, mais ces groupes réussissent à attirer des jeunes sans emploi en leur proposant de l’argent en échange », affirme-t-il. L’attaque de samedi a en effet eu lieu alors que le gouvernement de Hassan Rohani est affaibli et que l’Iran subit une crise économique importante. Plusieurs manifestations contre la vie chère ont d’ailleurs eu lieu en début d’année à Ahvaz.

Pour Sahtar, également originaire du Khouzestan, « ces groupes profitent de la situation économique compliquée et de la montée des prix pour reprendre leurs actions. Et cela va renforcer le gouvernement central parce que les Iraniens vont se solidariser ». Sur Instagram, un internaute le précise également : « La meilleure stratégie à avoir dans ces moments c’est d’être unis (...), les Arabes, les Fars, les Bakhtiaris et les Kurdes, et toutes les ethnies du Khouzestan, nous sommes égaux et frères ! » écrit-il.

Les autorités ont décrété un jour de deuil national aujourd’hui et une cérémonie est organisée à Ahvaz en hommage aux victimes de l’attentat.



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C,EST LE TEMPS DES ORAGES !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 37, le 24 septembre 2018

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  • C,EST LE TEMPS DES ORAGES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 37, le 24 septembre 2018

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