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Économie - Focus

À Doueir, les habitants excédés par le rationnement électrique

Dans cette localité près de Nabatiyé, les factures de générateurs privés dépassent 80 dollars pour 5 ampères, hors frais liés aux parties communes.

Un pylône électrique à Doueir. Photo : M. Sab

Au début de l’été, le ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Raëd Khoury, tentait une nouvelle fois, un an après un premier échec, d’obliger les propriétaires de générateurs privés à installer à leurs frais des compteurs individuels chez leurs abonnés. Objectif de la mesure : permettre aux clients d’être facturés en fonction de leur consommation réelle au lieu des forfaits qui leur sont actuellement imposés et qui sont calculés à partir des heures de pannes subies et à un tarif fixé par le ministère de l’Énergie et de l’Eau.

Mais, dans certaines régions, la question d’avoir ou non un compteur reste secondaire à côté de l’ampleur du rationnement en électricité, qui s’amplifie à mesure qu’on s’éloigne de la capitale. C’est par exemple le cas à Doueir, une localité située à l’ouest de Nabatiyé et à environ 65 km de la capitale, où les 15 000 habitants subissent douze heures de coupures de courant en moyenne depuis au moins huit ans.

Une fréquence devenue « insupportable » pour nombre d’abonnés locaux, d’autant plus que ce total est supérieur à la moyenne de 9 heures et demie par jour de juin à août, moyenne calculée à partir des estimations mensuelles du ministère de l’Énergie pour l’ensemble des régions du pays. Il est de plus sans commune mesure avec les 4 heures et demie de pannes quotidiennes que vivent les Beyrouthins.



Hausse des forfaits

Cette fréquence de coupures de courant est du véritable pain bénit pour les propriétaires de générateurs dans le pays, des exploitants illégaux en position de force tant qu’Électricité du Liban (EDL) ne parvient pas à fournir du courant 24 heures sur 24 à tous les foyers. À Doueir, encore plus qu’ailleurs, ils imposent leurs abonnements, pour des puissances généralement de 5 ou 10 ampères (A) comme seul palliatif aux carences de l’établissement public détenant le monopole de la production au Liban depuis les années 1960.

Or ces abonnements sont de plus en plus chers, la tarification du ministère de l’Énergie évoluant en fonction des prix du carburant. En un an, les prix des abonnements pour 5 et 10 A, comme le prix du kilowattheure (kWh), pour les rares propriétaires de générateurs qui l’utilisent comme base, ont augmenté d’environ 30 % à fin août en un an (à 0,22 dollar les 5A ou le kWh et 0,44 les 10A), pendant que le baril du pétrole renchérissait de 40 % (à 70 dollars). Pour Doueir, cela veut dire qu’un abonnement de 5A coûtait plus de 80 dollars par foyer, hors charges supplémentaires liées aux consommations des parties communes, qui peuvent être également facturées. Cette somme s’ajoute à la facture d’EDL, calculée au kWh.

L’addition est d’ailleurs souvent plus salée dans la mesure où les municipalités, qui sont chargées de superviser l’application des prix et de fournir le nombre d’heures de rationnement servant de base au calcul de l’abonnement, ne jouent pas toujours le jeu. Selon Me Ali Ayoub, avocat et membre de la municipalité de Doueir contacté par L’Orient-Le Jour, les tarifs du ministère ne sont d’ailleurs presque jamais appliqués dans la région et les prix payés par les abonnés varient d’une localité à l’autre.


(Lire aussi : Le mandat Aoun "va détruire le Liban" : un enregistrement vocal de Yassine Jaber fuite)


Absence de normes

En plus de cette hausse de prix, les habitants de Doueir et d’autres localités de la région doivent composer avec d’autres inconvénients, en commençant par le manque de professionnalisme de la majorité des propriétaires de générateurs dont les installations ne respectent aucune norme de qualité ou de sécurité. Les pylônes électriques appartenant à EDL sont hérissés de câbles branchés de façon anarchique et avec un minimum de protection, ce qui perturbe la distribution de courant pendant et en dehors les heures de rationnement et provoque des courts-circuits en série à la moindre intempérie. « De plus, les branchements sont mal faits et les abonnés les plus éloignés des générateurs reçoivent du courant avec une faible intensité alors qu’ils payent les mêmes montants que ceux qui sont plus près et qui n’ont pas de problèmes », ajoute Me Ayoub. Le bruit des générateurs, qui tournent donc la moitié de la journée, s’ajoute à la liste des nuisances que doivent supporter les habitants de Doueir. Un sort qu’ils partagent avec les Libanais habitant de grandes parties de la Békaa (en dehors de Zahlé, dont la société privée détenant la concession d’électricité locale a recommencé à produire du courant en 2015 contre l’avis d’EDL), le Akkar ou encore le Liban-Sud.

Face à ces difficultés, la municipalité de Doueir tente de réagir en enregistrant les plaintes de ses administrés et en essayant de trouver des solutions « pacifiques » pour régler les tensions entre les propriétaires de générateurs et leurs abonnés mécontents. Elle a en outre obtenu que les propriétaires de générateurs fournissent à leurs frais le courant pour éclairer la rue principale de Doueir pendant la nuit, pendant les heures de coupures, ce que ces derniers ont accepté. Pour les compteurs réclamés par le ministère de l’Économie, la partie n’est en revanche pas encore gagnée.

Il en est de même pour les moyens de mettre fin à l’inégalité d’approvisionnement en électricité des différentes régions libanaises, un sujet abordé dans une tribune publiée samedi par L’Orient-Le Jour et signée Éric Verdeil, géographe, professeur au Centre de recherches internationales de Sciences Po (Paris), associé au Lebanese Center for Policy Studies (LCPS).



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Au début de l’été, le ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Raëd Khoury, tentait une nouvelle fois, un an après un premier échec, d’obliger les propriétaires de générateurs privés à installer à leurs frais des compteurs individuels chez leurs abonnés. Objectif de la mesure : permettre aux clients d’être facturés en fonction de leur consommation réelle au...

commentaires (4)

Il serait interressant de publier le resultat des elections recentes pour cette localité, si possible. "Toute nation a le gouvernment qu'elle merite" Joseph de Maistre

Khalil S.

17 h 12, le 24 septembre 2018

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Commentaires (4)

  • Il serait interressant de publier le resultat des elections recentes pour cette localité, si possible. "Toute nation a le gouvernment qu'elle merite" Joseph de Maistre

    Khalil S.

    17 h 12, le 24 septembre 2018

  • TOUT LE PAYS EN SOUFFRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 17, le 24 septembre 2018

  • Lire cet article qui n'est que le reflet d'une réalité libanaise me donne la nausée. D'ailleurs il suffit de penser aux innombrables cas de non conformité de l'ensemble du réseau électrique depuis le transport, la distribution electrique, aux points de livraison ...dans notre pays Quand il ne s'agit pas d'absence totale de protection en amont des installations, les dispositifs et matériels électriques sont inadaptés, mal dimensionnés ou encore en très mauvais état. Vous rajoutez à ceci l'absence cruelle des professionnels de l'électricité (les auto-proclamés électriciens forment une majorite) et Dans tout ce capharnaum les propriétaires des générateurs électriques jubilent et tentent d'éterniser leur Eldorado ....au même titre que les barges turque. C'est le citoyen qui paye .... Qui trinque Quel gâchis !;

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 32, le 24 septembre 2018

  • Lire cet article qui n'est que le reflet d'une réalité libanaise me donne la nausée. D'ailleurs il suffit de penser aux innombrables cas de non conformité de l'ensemble du réseau électrique depuis le transport, la distribution electrique, aux points de livraison ...dans notre pays Quand il ne s'agit pas d'absence totale de protection en amont des installations, les dispositifs et matériels électriques sont inadaptés, mal dimensionnés ou encore en très mauvais état. Vous rajouter à ceci l'absence cruelle des professionnels de l'électricité(les auto-proclamés électriciens forment une majorite) et Dans tout ce capharnaum les propriétaires des générateurs électriques jubilent et tentent d'éterniser leur Eldorado ....au même titre que les barges turque. C'est le citoyen qui paye .... Qui trinque Quel gâchis !;

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 21, le 24 septembre 2018

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