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Campus - Focus

En 2018, des étudiants expliquent encore que l’homosexualité n’est pas une maladie

Depuis sa fondation en 2015, le club Genre et sexualité de l’Université américaine de Beyrouth lutte contre les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle.

Photo Lynn Chamat.

Dans un pays où la loi peut encore condamner « toute conjonction charnelle contre l’ordre de la nature » (article 534 du code pénal), des étudiants se battent pour le droit et la dignité de tous les enfants de la République. C’est le cas de Noor Farhat, 21 ans, et de Myriam Boulos, 19 ans. Respectivement présidente et responsable de projets au sein du club Genre et sexualité, ces deux étudiantes de l’AUB racontent leur combat pour « donner une voix » à toutes les victimes de discrimination de genre et de sexualité.

L’objectif est double, explique Noor Farhat. « Nous travaillons à l’éducation des jeunes sur le campus et nous offrons un espace sécurisé à tous les membres de la communauté LGBT. » Et Myriam Boulos de préciser : « On sensibilise les étudiants sur le campus en luttant contre l’ignorance, qui, nous le croyons, est à la base des comportements homophobes. » Pour ce faire, une conférence est organisée chaque semaine à l’AUB, au cours de laquelle les étudiants sont invités à prendre part à un débat autour des questions de sexualité. Tous les mois, des intervenants tels que Marsa, une organisation qui œuvre pour la sensibilisation aux risques liés aux maladies sexuellement transmissibles, ou Mosaïc, une ONG impliquée dans l’amélioration de la santé des groupes marginalisés au Liban et dans le monde, y font de la prévention via des professionnels de la santé, des médecins ou des infirmiers. Et ce n’est pas tout. Le club étudiant a lancé depuis 2016 sur Instagram un projet social intitulé Concept and misconception (concept et conception erronée). « Chaque membre de la communauté LGBT au Liban y est libre de raconter anonymement son expérience et ses opinions à partir d’une photo artistique. Nous avons 347 followers », expose Myriam Boulos. Cette dernière est par ailleurs responsable d’un autre projet nommé Body Talks. « Il s’agit d’une plate-forme globale dans laquelle on organise des conférences autour du sexe, du genre et de la sexualité, accessibles à tous, avec d’autres organisations comme le club des féministes (un autre club de l’AUB) qui est coorganisateur. Nous avons par exemple reçu à l’Institut français le danseur libanais Alexandre Paulikevitch, un danseur transgenre qui nous a expliqué pourquoi marcher dans la rue à Beyrouth était synonyme pour lui de harcèlement. » De plus, le club organise des rencontres poétiques sur le thème du genre, qui ont aussi pour vocation de réunir les queers (mot anglais réunissant les gens porteurs d’identités non conventionnelles) « dans un espace sain où ils se sentent libres », comme le précise Noor Farhat.


(Lire aussi : « Queer Narratives Beirut » : le podcast comme arme d’éducation massive)


Des menaces de mort

En 2015, à peine quelques mois après que Patrick Haddad, Roula Sghir et Marianne Ghanem fondent le club Genre et sexualité, des menaces de mort, venant d’autres étudiants, leur sont adressées. « Ils étaient traités de tapettes, de pédales. L’année dernière, un autre club de l’AUB, un club religieux, a même essayé de faire venir deux médecins pour expliquer comment soigner l’homosexualité par thérapie d’électrochocs. Nous avons protesté à l’aide de pétitions et, finalement, cette rencontre a été annulée. Suite à cet événement, le bureau des étudiants a déclaré qu’il ne tolérerait plus toute forme d’homophobie dans le campus et nous avons enfin été officiellement reconnus par l’administration. Ce fut une grande victoire pour nous », se rappelle Noor Farhat.

Le club est passé de 5 adhérents à 40 en trois ans et 80 étudiants se sont inscrits cette année, reflet d’une dynamique positive au sein de l’engagement universitaire dans des causes émergentes de nos sociétés modernes, malgré les limitations imposées par l’État libanais lui-même, comme le souligne Myriam Boulos. « En tant que club, bien sûr qu’on cherche à dénoncer tout comportement discriminatoire, mais nous réalisons que nous sommes dans une bulle : ce club est devenu une partie intégrante de notre vie étudiante, mais nous ne pouvons pas vraiment sortir hors campus, car le gouvernement libanais ne nous protège toujours pas. Nous sommes en position minoritaire et de faiblesse quand on quitte l’AUB. »

Et de conclure : « Tout ce qu’on fait, tout ce qu’on fonde, toutes nos activités et tous nos projets ont pour but de fonder une certaine identité qui doit certainement déboucher vers une libération sexuelle à un moment donné. Nous essayons de déconstruire l’idée selon laquelle l’homosexualité est une maladie. Il y a des gens qui veulent changer dans notre pays, et même s’ils ne seront probablement jamais promariage ou pro-adoption gay, ils sont curieux et veulent comprendre. Avec ces gens-là, il y a encore de l’espoir. »




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