Rechercher
Rechercher

Liban - Censure

« The Nun » en passe d’être interdit au Liban pour « diffamation à l’encontre des religieuses »

Le CCI dénonce une « propagande sioniste » latente dans les films d’horreur.

L’affiche du film « The Nun » avec la mention « censuré » au milieu. Photo tirée de la page Facebook Moviegoers

La censure a encore frappé et cette fois-ci, c’est le film d’horreur The Nun (« La Nonne ») qui est en passe d’en faire les frais, prouvant une fois de plus que le spectateur libanais n’a pas son mot à dire face aux œuvres cinématographiques qu’il choisit ou non de visionner dans les salles obscures.

Une source autorisée au sein de la Sûreté générale a assuré hier à L’Orient-Le Jour que le comité national de censure chargé de visionner les films prévus en salle a recommandé que ce long-métrage soit interdit au Liban, suite à une recommandation allant dans le même sens émise par le Centre catholique d’information. « La décision finale revient toutefois au ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk », souligne le responsable.

« Normalement, ce n’est pas à la Sûreté générale que revient le dernier mot, explique à L’OLJ Georges Asmar, gérant de Moviegoers, une page Facebook dédiée au cinéma au Liban. Si le Centre catholique d’information ou les dignitaires musulmans sont contre un film, ils peuvent présenter une note aux Forces de sécurité intérieure. Normalement, lorsqu’une remarque de ce genre provient d’une référence religieuse, elle est prise en compte par les FSI. » The Nun, dont la sortie était initialement prévue pour le 6 septembre, a donc toutes les chances d’être banni pour de bon.

Très attendu par les aficionados de films d’horreur, ce film relate l’histoire d’une novice et d’un prêtre chargés d’enquêter sur la mort d’une jeune nonne dans une abbaye roumaine. Les deux personnages se retrouvent rapidement confrontés à des forces maléfiques dont Valak, un esprit démoniaque qui prend l’apparence d’une nonne et que les spectateurs ont déjà pu découvrir dans The Conjuring 2. The Nun se place chronologiquement avant les autres films de l’univers cinématographique Conjuring, à savoir The Conjuring 1 et 2 et Annabelle 1 et 2, sachant qu’Annabelle 2 a également été interdit au Liban...


(Repère : La censure au Liban, comment ça marche ?)


« Préserver les valeurs religieuses »
Interrogé par L’OLJ sur l’interdiction de The Nun, le père Abdo Abou Kasm, directeur du Centre catholique d’information, a dit « refuser tout film portant atteinte au corps ecclésiastique ». « Ce film utilise la personne de la nonne à des fins contraires aux croyances religieuses. Il faut faire la distinction entre la liberté d’expression et la diffamation. Ce film est diffamatoire à l’encontre des religieuses », estime le père Abou Kasm.

Il soupçonne par ailleurs « la propagande sioniste d’être à l’origine des films qui portent atteinte aux figures chrétiennes ». « Certes, les spectateurs ne sont pas des enfants qu’il faut tenir par la main, mais je crains que ce film ne forme chez les non-chrétiens des conceptions erronées sur le clergé. Si un bouddhiste par exemple regarde ce film, il va avoir une mauvaise impression des nonnes », indique le père Abou Kasm, mettant en doute la capacité de certains spectateurs à discerner entre la fiction et la réalité. « Nous voulons préserver les valeurs religieuses », ajoute-t-il. « Nous avons recommandé d’interdire ce film, mais nous ne sommes pas un pouvoir de répression. Nous donnons notre avis, et s’il n’est pas pris en compte, nous respectons la loi », souligne le prélat.

Le père Abou Kasm indique par ailleurs que l’Église au Liban visionne tous les films qui font mention de figures ou croyances chrétiennes avant leur sortie en salle. « Nous avons des prêtres spécialistes du cinéma qui regardent les films. S’il y a des scènes d’exorcisme par exemple, nous faisons appel à un prêtre exorciste », dit-il, mentionnant qu’il lui arrive de visionner lui-même certains des films.


(Pour mémoire : Liban : polémique entre MTV et Télé-Lumière après la diffusion d'un film sur Jésus)


Gare à la religion… et à Israël
Seule exception à la logique de la censure religieuse ces dernières années, le film Noah, sorti en 2014 et qui offre une version fictive de la vie du personnage biblique Noé. « Après avoir failli être interdit après une protestation des autorités religieuses musulmanes, le film avait finalement été projeté avec un avertissement au début sur le caractère fictif des événements rapportés », raconte Georges Asmar. Il révèle par ailleurs que trente minutes ont été supprimées du film d’horreur Hereditary, projeté il y a quelques semaines au Liban.

« Chaque film est soumis à la censure qui le visionne puis fait un résumé détaillé à la Sûreté générale pour voir s’il y a de l’érotisme, de la nudité, des scènes relatives à la religion ou des éléments relatifs à Israël ou aux juifs », indique M. Asmar. « La censure est plus forte dernièrement. On dirait qu’elle a été renforcée depuis un moment. Les films qui touchent au christianisme ou à l’islam sont frappés par la censure. De même ceux en relation avec Israël et les juifs, qui sont dénoncés par le bureau de boycott d’Israël », explique M. Asmar qui rappelle que le film Wonder Woman a été interdit l’année dernière à cause de la présence de l’actrice israélienne Gal Gadot dans le casting.

« Censurer les blockbusters est en train d’affecter le secteur du cinéma au Liban, assure-t-il. Il y a un recul de 20 % au niveau de l’audience par rapport à l’année dernière à cause de la censure. Wonder Woman ou Annabelle 2 auraient pu rapporter environ 50 000 spectateurs, de même pour The Nun. Seul espoir pour remonter la pente, le dernier film de Nadine Labaki, Capharnaüm, qui promet de remplir les salles. »


Pour mémoire

Musique et politique : retour sur les spectacles cibles de campagnes de boycott au Liban

The Post, de Spielberg, finalement autorisé dans les cinémas libanais

L’affaire Eléftériadès, ou l’instrumentalisation sociopolitique du « sacré »...


La censure a encore frappé et cette fois-ci, c’est le film d’horreur The Nun (« La Nonne ») qui est en passe d’en faire les frais, prouvant une fois de plus que le spectateur libanais n’a pas son mot à dire face aux œuvres cinématographiques qu’il choisit ou non de visionner dans les salles obscures.Une source autorisée au sein de la Sûreté générale a assuré hier...

commentaires (2)

J,Y SOUSCRIS !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 12, le 18 septembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • J,Y SOUSCRIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 12, le 18 septembre 2018

  • Interdire un film ou un livre est le meilleur moyen de lui faire une publicité. Autant que l'on en puisse juger sans avoir vu le film, le scénario ne présente pas le moindre caractère de vraisemblance, tout étant, l'évidence, fiction. je pense que l'on peut, dns ce cas, faire confiance à "la capacité des spectateurs à discerner entre la fiction et la réalité".

    Yves Prevost

    07 h 13, le 18 septembre 2018

Retour en haut