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L’autre Justin Trudeau

Il se veut tellement cool, tellement citoyen du monde entonnant Kumbaya à la moindre occasion, tellement swag, que cela en devient agaçant. Et agaçant, le Premier ministre canadien Justin Trudeau peut férocement l’être. Agaçant autant que fascinant.

Sur tous les réseaux sociaux possibles et imaginables, en couverture d’un comic book Marvel, sur papier glacé de magazines, le quadragénaire preppy cultive depuis presque trois ans l’image d’un Ken amoureux de Barbie-Sophie, mi-joueur de hockey sur glace de sitcoms matinaux, mi-lecteur attentif de Paulo Coehlo, si poli, si policé, si lisse, que le monde entier a fini par penser qu’il n’est que cela. Qu’il n’est qu’apparences. Qu’il prouve à ceux qui disaient qu’il ne connaît pratiquement pas ses dossiers, qu’il n’a été élu que parce que ses compatriotes ne supportaient plus Stephen Harper, et que cela ne fera pas de mal au Canada d’être représenté par une belle potiche, qu’ils avaient sans doute raison. Il faut dire que M. Trudeau, dès le début de son mandat, les a pratiquement toutes faites – toutes : un gouvernement paritaire où les minorités, des handicapés aux sikhs, étaient présentes, avec un hymne national modifié pour en finir avec les distinctions de genre ; un pardon de l’État fédéral aux autochtones, point d’orgue d’une cérémonie traditionnelle très filmée ; des danses technoïdes à chaque Gay Pride ; un selfie sourire ultrabright avec une réfugiée voilée débarquant à l’aéroport de Toronto ; un jogging en short et baskets avec le président mexicain Enrique Peña Nieto, une belle photo pour annoncer au Donald combien ils sont déterminés à ne pas le laisser faire ; un cours magistral en moins d’une minute sur l’informatique quantique pour éviter de répondre à une question sur l’État islamique, avec une vidéo qui devient virale à la clé, etc. Communicateur azimuté, Justin Trudeau se veut l’ami de toutes les veuves, de tous les enfants, de toutes les minorités, de tous les opprimés, un don Quichotte sexy et fringant, une espèce de lionceau superbe et généreux, comme aurait dit Victor Hugo, à la tête d’un des pays les plus attirants de la planète.

Et puis, il y a eu un point d’inflexion. Quelque chose s’est passé. Une décision longuement réfléchie ? Une mutation? Un besoin de montrer autre chose ? L’homme qui promettait grandement, mais n’agissait pas toujours en conséquence en décevant souvent, s’est dressé contre deux des plus riches États du monde. Dans l’intérêt supérieur de son pays, mais pas que. Loin de là.

En tenant fermement et intelligemment tête à son homologue américain afin de moderniser l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, Justin Trudeau, flanqué de sa décidément très efficace ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, n’a pas fait que booster sa côte de popularité : il a offert à ses homologues, européens en particulier, une ébauche de mode d’emploi pour gérer l’une des plus grosses erreurs de casting de l’histoire du monde occidental : Donald Trump.

Il leur a aussi, surtout, asséné une leçon de politique et de morale. En initiant un choc frontal avec l’Arabie saoudite de Mohammad ben Salmane, le Canada, qui peut certes pour l’instant se le permettre, a jeté au second plan le profit et l’enrichissement, et s’est arc-bouté sur ses principes. Parce que, parmi les innombrables plaies qui gangrènent le monde arabe, le viol des libertés et des droits de l’homme reste la plus saisissante. La plus monstrueuse. Parce que, du Maroc à Oman, en passant naturellement par l’Arabie et l’Iran (et bientôt le Liban ?), les femmes et les hommes de changement et de progrès se retrouvent de plus en plus nombreux dans les prisons, devant les tribunaux... ou dans les cimetières.

Rien n’obligeait le Canada à dénoncer début août sur Twitter, et en arabe aussi, en arabe surtout, une nouvelle vague d’arrestations de militants des droits de l’homme et d’activistes féministes dans le royaume, parmi lesquels Samar Badawi, sœur du blogueur dissident Raïf Badawi, lui-même emprisonné depuis 2012, et dont l’épouse a récemment obtenu la citoyenneté canadienne. Rien n’obligeait le Canada à subir les foudres diplomatiques, commerciales et économiques du richissime royaume wahhabite. Rien n’obligeait Ottawa à se retrouver seul, fondamentalement seul, sans le soutien ou l’écho de la moindre capitale occidentale, Paris, Londres et Berlin en tête, face à Riyad. Rien. Sauf les valeurs que ce pays défend avec plus ou moins de vigueur depuis des décennies, et que Justin Trudeau a décidé de traduire en actes. Aussi retentissants que le silence des Occidentaux.

La somptueuse gifle Trudeau est un double message à ces Occidentaux donc, et aux sociétés civiles arabes. Elle les engage, et elle les oblige. Loin des élucubrations pseudoprophétiques de H.G. Wells, qui fantasmait en 1940 sur l’établissement d’un gouvernement planétaire unique, et loin aussi des visions simplistes et boiteuses de George Bush père le 11 septembre (cela ne s’invente pas…) 1990, un nouvel ordre mondial devient effectivement de plus en plus urgent. Ce nouvel ordre devra transcender la diplomatie, la politique, le militaire et l’économique : s’il voit le jour dans dix, cent ou mille ans, ce nouvel ordre sera fondamentalement humain. Moral.

Et oui : il pourrait y avoir, peut-être, si l’intéressé le souhaite, qu’il s’y lance et qu’il s’en donne les moyens, une (nouvelle) doctrine Trudeau.

Il se veut tellement cool, tellement citoyen du monde entonnant Kumbaya à la moindre occasion, tellement swag, que cela en devient agaçant. Et agaçant, le Premier ministre canadien Justin Trudeau peut férocement l’être. Agaçant autant que fascinant.Sur tous les réseaux sociaux possibles et imaginables, en couverture d’un comic book Marvel, sur papier glacé de magazines, le...

commentaires (6)

Une simple remarque l'Iran ne fait pas partie du monde arabe.

Awada sleiman

17 h 56, le 17 septembre 2018

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Commentaires (6)

  • Une simple remarque l'Iran ne fait pas partie du monde arabe.

    Awada sleiman

    17 h 56, le 17 septembre 2018

  • Justin Trudeau ou tout ce qui brille n'est pas or Justin Trudeau n’a été élu que parce qu’il est le fils de son père. Il n’a aucun mérite personnel. Ce qui nous ramène comme un éclair à notre propre réalité libanaise qui fait de l’exception canadienne une règle depuis des décennies. Combien d’élus ne doivent leur siège de pouvoir que parce qu’ils sont les fils de leur père? Pour revenir à J.T., l’homme n’aurait eu aucune chance d’être élu d’après ses propres mérites et qualités. Il est d’une pauvreté intellectuelle évidente. On n’a qu’à l’écouter parler deux minutes pour s’en rendre compte. Trudeau n’est qu’un adolescent zélé jusqu’à la bêtise. Il est obsédé par l’équité entre hommes et femmes. Il veut toujours nous rappeler qu’il est féministe et que le Canada est la terre bénie des homosexuels, lesbiennes et transgenres. À une jeune dame qui lui posait une question et qui a utilisé le mot « mankind » en anglais, il a répondu en l’interrompant qu’il faudrait désormais utiliser le mot « peoplekind » au lieu de « mankind »! Voilà un exemple d’un homme obsédé par l’équité entre hommes et femmes au point de vouloir imposer au peuple un nouveau mot qui n’existe pas mais que lui affectionne! Il ne veut pas seulement donner leurs droits aux femmes, il est obsédé par la question. Il a exigé que 50 % de ses ministres soient des femmes alors que les femmes députés de son parti ne représentent que 22 % de l’ensemble des députés de son parti. C.A.

    Hippolyte

    15 h 10, le 17 septembre 2018

  • SURTOUT SURTOUT - cela n'est pas mentionne - JUSTIN ON LE TROUVE TRES TRES BEAU LA-BAS et probablement ici . l'ouverture d'esprit est du tres beau, mais pas lorsqu'elle pue le populisme bon marche. le beau justin trudeau tient tete a MBS ? qu'il nous dise d'abord ce qu'il en pense de l'expropriation/ DU VOL par les sionistes/israel des terres Palestiniennes depuis 1947..... le beau justin trudeau tient tete a D Trump ? facile en en connaissant a priori le resultat ( 75% des exportations de justin vont vers D Trump ) mais qui suis-je pauvre libanais pour lui trouver tte l'hypocrisie commune a TOUS les politiciens du monde !

    Gaby SIOUFI

    13 h 37, le 17 septembre 2018

  • Très vrai ce que vous rapportez Mr Makhoul. En tant que citoyen canadien y vivant de puis plus de 40 ans en intermittence, je serais très d’accord avec vous que ce côté playboy, bon enfant, cette ouverture totale au multiculturalisme, aux accommodements raisonnables, et aux soi-disant réfugiés de tous bords et ce modernisme libéral excessif, paradant aux premières loges des parades LGBT, tolérant naïvement tous les signes ostentatoires religieux tant du côté Sikh, que Juif que Musulman commençaient à agacer une grande frange de canadiens même ses partisans, et il commençait à perdre beaucoup de popularité avec remontée des conservateurs et de certains mouvements d’extrême-droite récemment un peu comme en Europe... Sa récente position en face de l’Arabie Saoudite est certes courageuse et louable, mais a fait perdre à des Universités prestigieuses telles que Mc Gill et Toronto une manne annuelle de plusieurs milliards de dollars qui leurs permettaient de demeurer compétitives et de très haut niveau... Pourquoi aucune démocratie Occidentale n’a réagi? Car on réalise qu’on vit dans une real-politique toute nouvelle dans le monde avec montée un peu partout de théocraties, autocraties, dictatures de toutes sortes et qu’on ne peut plus avoir ce ton moralisateur hypocrite d’autrefois qui n’avait mené à rien d’autre que montée des fanatismes et violences... Oui, c’est beau de parler de « doctrine Trudeau », mais ça demeure naïf, et idéaliste dans le monde d’aujourd’hui!

    Saliba Nouhad

    11 h 55, le 17 septembre 2018

  • ON EN EST A DES DISTANCES SIDERALES D,UN TEL CONCEPT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 51, le 17 septembre 2018

  • Un rêve ... vous vivez un rêve !!

    Bery tus

    06 h 45, le 17 septembre 2018

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