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Liban - Anniversaire

Il y a un an, l’État annonçait la mort des soldats otages de Daech

Hussein Youssef, ancien porte-parole des parents des militaires détenus par Daech, rencontre ses interlocuteurs place Riad el-Solh, là où les familles ont attendu en vain durant plus de trois ans la libération de leurs fils. Photo Patricia Khoder

Hussein Youssef, le porte-parole des parents des soldats qui avaient été pris en otage par le groupe État islamique, et dont la mort avait été annoncée par l’armée libanaise il y a un an, rencontre toujours ses interlocuteurs place Riad el-Solh, à l’endroit même où les familles avaient dressé des tentes durant trois ans, attendant en vain le retour de leurs fils.

Le 2 août 2014, lors des combats opposant l’armée aux jihadistes à Ersal, 26 soldats et policiers avaient été pris en otage par les miliciens de l’État islamique et de l’ex-Front al-Nosra. Trois d’entre eux avaient été exécutés durant les semaines qui avaient suivi leur enlèvement. Puis al-Nosra avait relâché ses otages en décembre 2015, alors que l’EI continuait à détenir neuf militaires : Mohammad Youssef, Ali Masri, Ali Hajj Hassan, Hussein Ammar, Khaled Mokbel Hassan, Seif Zebiane, Moustapha Wehbé, Abderrahim Diab et Ibrahim Mgheit. Tous ont été tués, selon les tests ADN, neuf mois après le début de leur détention. Leurs corps ont été retrouvés suite à la bataille du jurd de Ersal, l’année dernière, dans une grotte située à 1 heure et demie de route de la localité sur des chemins en terre battue. Même si durant toute la période de l’attente vaine des parents, des rumeurs circulaient sur l’éventuelle exécution des soldats, ce n’est qu’en août 2017 que les autorités avaient annoncé leur mort à leurs parents. Des funérailles collectives au ministère de la Défense avaient eu lieu le 8 septembre 2017. Hussein Youssef, l’homme digne, le père brisé, était à Beyrouth hier pour inviter des connaissances et des amis l’ayant soutenu durant son calvaire à une cérémonie qu’il organise demain samedi dans son village de Mdoukha (Rachaya) pour commémorer le souvenir de son fils Mohammad. Ce dernier avait 28 ans au moment de son enlèvement et était le père d’un enfant de six mois, aujourd’hui âgé de quatre ans.

Hussein Youssef n’a remis aucune invitation aux officiels. Il a uniquement prévenu le commandement de l’armée de l’organisation de la cérémonie. « Mon fils était un soldat. Il est mort pour sa patrie et il me rend fier. L’armée nous a toujours protégés et respectés. Malheureusement, dans les grandes décisions, c’est toujours le politique qui l’emporte sur le militaire. Et c’est pour cette raison que la bataille de Ersal en 2014 s’est terminée en queue de poisson et que nos enfants ne nous ont jamais été rendus vivants », dit-il.

Hussein Youssef, amaigri, a l’air d’avoir pris dix ans depuis la mort de son fils. La tristesse dans ses yeux est immense. Il confie que depuis août 2014, et même après l’enterrement de son fils il y a un an, il n’a pas pu reprendre son travail de policier municipal. Il en veut aux hommes politiques, tous, sans aucune exception. Mais il garde tout son calme quand il parle de ses déceptions.


La plus grosse humiliation
« Nos hommes politiques se fichent de savoir si nous les blâmons pour la mauvaise gestion du dossier ou si nous leur faisons assumer la responsabilité de l’exécution de nos fils. Ils font fi de notre malheur et de notre souffrance. Je crois en Dieu et un jour, comme nous tous, ils auront à rendre compte de leurs actions devant le Créateur », dit-il. « Nos enfants auraient pu être sauvés, si des négociations avaient été menées à temps, durant les quatre premiers mois. Mais nos dirigeants, tous sans exception, ont voulu jouer aux héros et ont refusé de négocier. S’ils ne voulaient pas négocier avec les terroristes, ils auraient dû laisser l’armée poursuivre la bataille », poursuit-il.

À l’époque, les autorités avaient refusé la demande des preneurs d’otages de libérer des islamistes de la prison de Roumieh en échange des militaires détenus par l’EI. Les autorités avaient également lié le dossier des militaires enlevés par les jihadistes de Daech à celui du groupe pris en otage par le Front al-Nosra et qui avait été libéré après plus d’un an de négociations.

« La plus grosse humiliation pour nous, parents des soldats otages tués par l’EI, était de voir ceux qui avaient exécuté nos fils quitter en bus climatisés le Liban vers en endroit sûr après avoir négocié leur liberté avec les responsables libanais. Cela, nous ne le pardonnerons jamais », dit-il, en référence à l’accord intervenu notamment entre le Hezbollah et les jihadistes.

Le moment le plus difficile depuis la prise d’otages ? « Le jour où j’ai enterré mon fils, je suis descendu avec lui dans la tombe. J’ai touché son corps (les musulmans enterrent leurs morts dans des linceuls et non des cercueils). J’ai réalisé que c’était fini, qu’il n’était plus de ce monde », dit-il.

Hussein Youssef évoque également un moment intense vécu il y a quelques jours par les parents des onze soldats otages tués par Daech. « En début de semaine, le commandement de l’armée a organisé une cérémonie commémorative à l’intention de nos fils, dans le jurd de Ersal, là où leurs corps avaient été retrouvés », raconte-t-il. Il confie : « C’était pour la première fois que nous nous rendions sur les lieux… J’ai pris une poignée de terre, je la garde désormais à la maison car pour moi elle porte le sang et l’odeur de mon fils dont le corps a été enseveli durant plus de deux ans dans cette terre aride, loin de tous ceux qui l’aiment et alors que je pensais que je le retrouverai vivant. »


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