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L’envers du jeu

Ce n’est pas la première fois que Hassan Nasrallah nous dit le peu de cas qu’il fait du Tribunal spécial pour le Liban saisi de l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Pas la première fois non plus qu’il brandit son épouvantail préféré, comme il le faisait dimanche dernier, en conseillant de ne pas jouer avec le feu à ceux qui, selon lui, misent sur le retour en activité de cette juridiction pour faire traîner la formation du nouveau gouvernement.

Provocante, pour ne rien changer, était cette mise en garde. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle était, de surcroît, gratuite, hors contexte, paraissant traduire en effet une surprenante méconnaissance, de la part d’un parti aussi bien structuré que le Hezbollah, des procédures complexes observées par cette juridiction internationale. Car s’il est vrai que celle-ci doit prendre réception, le mois prochain, des mémoires en clôture déposées par les parties et les victimes, ce n’est pas pour autant – pas encore – la saison des coups de théâtre.

Dans le courant de septembre, les diverses parties (accusation, défense et victimes) se livreront à leurs plaidoiries finales avec, toutefois, la possibilité pour chacune d’elles d’user de son droit de réponse, ce ping-pong oratoire pouvant se prolonger durant des semaines. Une fois franchi ce stade, et dans la meilleure des hypothèses, les délibérations de la Cour, en prélude au verdict, nécessiteront des mois. Tout cela pour dire que contrairement aux allégations de Hassan Nasrallah, aucun être sensé ne parierait sur un tel train de tortue dans le seul espoir d’améliorer son score gouvernemental au prix d’une crise ministérielle aussi longue. Dans l’attaque contre un tribunal qui a déjà pointé du doigt des cadres supérieurs du Hezbollah, il faut voir plutôt une salve d’honneur, un nuage de fumée censé compenser le fait qu’après avoir pratiqué l’obstruction en exigeant une normalisation des rapports libano-syriens, ce parti plaide désormais pour la formation rapide d’un gouvernement.

En guise de commentaire, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, n’a vu, hier, rien de nouveau dans ces propos, rappelant en outre son indéfectible attachement à la stabilité du pays. La veille, son groupe politique s’était borné à inviter Nasrallah à ne pas jouer avec la justice. On eut mieux fait cependant de lui rendre pleinement la politesse, de l’appeler à cesser enfin de jouer lui-même avec le feu : celui de ses fusils et de ses missiles, unilatéralement engagés dans des guerres dont le pays se serait bien passé. À répudier de ses mœurs et tactiques cet odieux chantage à la sécurité et à la stabilité, grâce auquel il n’offre d’autre choix au peuple que la soumission à ses diktats ou le chaos. À arrêter de se jouer de la vie de ses propres combattants, de la sécurité et des biens de l’ensemble des citoyens, du fragile capital d’estime et de sympathie internationales dont jouit encore le Liban, des aspirations des gens à une vie sereine, à l’ombre des institutions.

La milice a beau être financée par l’Iran, ce sont nos propres deniers qu’elle risque obstinément, aventureusement, sur le tapis.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Ce n’est pas la première fois que Hassan Nasrallah nous dit le peu de cas qu’il fait du Tribunal spécial pour le Liban saisi de l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Pas la première fois non plus qu’il brandit son épouvantail préféré, comme il le faisait dimanche dernier, en conseillant de ne pas jouer avec le feu à ceux qui, selon lui, misent...