Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Israël / Europe

Netanyahu met le cap à l’Est

Le Premier ministre israélien parie sur les pays d’Europe, derniers arrivés au club des 28, pour poser ses pions au sein de l’UE.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Vilnius. Ints Kalnins/Reuters

Benjamin Netanyahu emprunte désormais les issues orientales de l’Europe, là où les hommes politiques de sa stature leur préfèrent Berlin, Paris ou Londres. Le Premier ministre israélien a atterri jeudi à Vilnius, capitale de la Lituanie. Il doit y rencontrer les leaders des trois pays baltes : la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite, le Premier ministre letton Maris Kucinskis et le Premier ministre estonien Juri Ratas. Il y a un peu plus d’un mois, c’était Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, qui avait fait le déplacement en Israël. Le chef du parti d’extrême droite Fidesz et le cacique du Likoud s’étaient affichés comme des alter ego. Mais le plus gros coup diplomatique de M. Netanyahu en Europe de l’Est remonte à juillet 2017. En visite officielle à Budapest, il avait été convié à un sommet du groupe de Visegrad, un quatuor informel qui réunit régulièrement la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie. La symbolique de cette réunion à 4 + 1 était forte : quatre États membres de l’Union européenne (UE) faisant bande à part en compagnie d’un pays jugé « problématique » par Bruxelles.

Tel-Aviv perçoit l’UE comme hostile à son égard ou trop prompt à s’embarrasser de questions liées au conflit israélo-palestinien dans leurs relations commerciales. En novembre 2015 par exemple, les 28 avaient adopté une notice interprétative sur l’étiquetage des produits fabriqués dans les colonies. En mai dernier, l’homme préposé à la lutte contre le boycott et la publicité négative de l’État hébreu au sein du gouvernement israélien, le ministre de la Sécurité publique et des Affaires stratégiques Gilad Erdan, avait publié un rapport dénonçant le financement par l’UE d’une douzaine d’ONG accusées de soutenir le boycottage et le terrorisme. La haute représentante de l’Union européenne Federica Mogherini lui avait répondu deux mois plus tard sous forme d’une lettre, où les politesses diplomatiques masquaient à peine le ton exaspéré.


Unité vulnérable
L’entreprise de charme de Benjamin Netanyahu à l’égard des dirigeants est-européens est perçue comme une tentative de saborder le consensus des 28 en matière de politique étrangère. Avant d’embarquer pour Vilnius, le Premier ministre israélien a déclaré vouloir « rééquilibrer l’attitude pas toujours amicale de l’UE à l’égard d’Israël » en privilégiant les relations bilatérales. « Israël est souvent maltraité par l’UE à Bruxelles », a-t-il précisé à son arrivée, avant de s’adresser au chef du gouvernement lituanien Saulius Skvernelis : « Il est réconfortant de voir que vous prenez parti pour la clarté, la vérité et le courage. » M. Skvernelis avait introduit son homologue israélien dans les quartiers généraux de l’UE à Bruxelles en décembre, en lui procurant une invitation pour un petit déjeuner entre ministres des Affaires étrangères européens avant leur réunion mensuelle. La manœuvre, contraire au protocole, était restée en travers de la gorge de Federica Mogherini. Contacté par L’Orient-Le Jour, sa porte-parole Maja Kocijancic a refusé de commenter la visite de M. Netanyahu. « Alors que les États membres ont chacun leurs propres expériences historiques et vues nationales, l’UE continue de maintenir une position unifiée sur ce dossier important, a-t-elle répondu. Cela se manifeste régulièrement à travers les déclarations et les conclusions dans divers forums » de l’UE. L’unité est factice, car depuis la déclaration de Berlin de 1999, l’Union maintient une ligne où la volonté d’aller « étape par étape » dissimule mal l’indécision. En substance, elle soutient la création d’un État palestinien lorsqu’il sera prêt.


La fin d’un tabou
Les pays baltes se désintéressent des questions liées de près ou de loin au Moyen-Orient. Le terrorisme islamiste n’affecte pas leur territoire, et leur principale préoccupation stratégique est la Russie voisine. Pour Israël, ce sont des « pages blanches » à conquérir. Vierges en tout cas en ce qui concerne la question palestinienne.

Benjamin Netanyahu a présenté sa visite comme un pèlerinage personnel. Il est le petit-fils d’un rabbin émigré de Lituanie avant la Seconde Guerre mondiale. Son agenda comprend notamment une visite sur le site commémoratif du massacre de Poneiriai, une gigantesque fosse commune où plus de 70 000 juifs ont été abattus par balle entre 1941 et 1944 par les « groupes d’intervention » allemands et leurs auxiliaires lituaniens. En 2016, une écrivaine lituanienne, Ruta Vanagaite, avait publié un livre retentissant, Notre peuple (non traduit), sur la Shoah en Lituanie et le rôle des locaux dans sa perpétration. Il avait était retiré des librairies l’année suivante, ainsi que tous les titres de l’écrivaine qui avait osé s’attaquer à un mythe national, celui du résistant antisoviétique Adolfas Ramanauskas, collaborateur durant l’occupation.

Le cas le plus controversé reste celui du Premier ministre hongrois Viktor Orban, auteur d’une vaste campagne de diffamation contre Georges Soros, un milliardaire juif américain philanthrope né en Hongrie et accusé de soutenir l’islamisation de l’Europe. Certains discours de M. Orban à son encontre auraient pu être directement extraits du Protocole des sages de Sion. Jusqu’au début de l’idylle israélo-hongroise en 2017, une règle non écrite présidait la politique israélienne au sujet des partis d’extrême droite européens. Nouer des relations avec ces formations était assujetti à l’assentiment de la communauté juive locale. En France par exemple, le Front national (FN) de Marine Le Pen est déclaré persona non grata par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Jamais un dirigeant israélien ne s’est donc entretenu officiellement avec un représentant du FN. Cette convention a pris fin avec Viktor Orban. Benjamin Netanyahu a sympathisé avec ce dernier en dépit des protestations des représentants communautaires. Sans doute l’opportunité de contrarier l’UE était-elle trop grande, M. Orban étant le sniper dans le dos d’Angela Merkel. Mais au-delà du mariage de raison, il y a une véritable affinité idéologique. Benjamin Netanyahu est à couteaux tirés avec la diaspora américaine. La presse israélienne de gauche se fait régulièrement l’écho de juifs américains sympathisants du BDS ou d’ONG pacifistes bloqués à l’aéroport Ben Gourion. Un dicton éculé dans cette même presse est que pour M. Netanyahu, un bon juif est un Israélien. Viktor Orban semble aussi faire une distinction entre la diaspora, multiculturelle par définition (ce qu’il exècre), et les Israéliens, dont le gouvernement aspire à ce qu’il désire lui-même pour la Hongrie : un seul peuple, une seule religion, dans ses frontières.

Benjamin Netanyahu emprunte désormais les issues orientales de l’Europe, là où les hommes politiques de sa stature leur préfèrent Berlin, Paris ou Londres. Le Premier ministre israélien a atterri jeudi à Vilnius, capitale de la Lituanie. Il doit y rencontrer les leaders des trois pays baltes : la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite, le Premier ministre letton Maris Kucinskis...

commentaires (1)

Voilà un article qui démontre que la politique réussi d'un pays découle de réflexions de groupes d'études, de "think tank", d'instituts de réflexions, qui sont nombreux dans les pays développés. pauvres pays arabes et pauvre de nous.....on comprend ainsi pourquoi le monde avance et nous ...on recule.

HIJAZI ABDULRAHIM

10 h 55, le 25 août 2018

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Voilà un article qui démontre que la politique réussi d'un pays découle de réflexions de groupes d'études, de "think tank", d'instituts de réflexions, qui sont nombreux dans les pays développés. pauvres pays arabes et pauvre de nous.....on comprend ainsi pourquoi le monde avance et nous ...on recule.

    HIJAZI ABDULRAHIM

    10 h 55, le 25 août 2018

Retour en haut