Après une absence de près d’un siècle, une espèce de bouquetins propres à la région, l’ibex de Nubie (Capra nubiana) pourrait bientôt repeupler les montagnes libanaises. Disparu du Liban et de Syrie au début du XXe siècle, l’ibex de Nubie fait actuellement l’objet d’un programme de réintroduction au sein de la réserve des cèdres du Chouf, grâce aux efforts conjoints de la direction de la réserve et du bureau de développement et de coopération de l’ambassade d’Italie, en partenariat avec l’institut Oikos, une ONG italienne qui a travaillé à la réintroduction de l’ibex alpin dans les Alpes italiennes. Un troupeau de douze bouquetins a été transféré de Jordanie vers le Liban en octobre 2017 et se trouve actuellement dans une phase d’observation, dans l’attente de pouvoir réinvestir les montagnes libanaises.
L’ibex nubien est un bouquetin sauvage de couleur claire avec un ventre blanc et des cornes qui peuvent atteindre un mètre chez les mâles, contre 30 cm chez les femelles. Les mâles se caractérisent également par des bandes sombres sur le bas du dos. L’ibex vit en troupeaux menés par un mâle dominant. Ces animaux sont diurnes ; ils sont actifs le matin et l’après-midi, et se reposent à midi et durant la nuit. Les mâles peuvent peser jusqu’à 62,5 kg alors que les femelles sont beaucoup plus petites et pèsent environ 26,5 kg. Les petits restent auprès de leurs mères jusqu’à ce qu’ils soient capables de se prendre en charge, mais les ibex peuvent quitter leur troupeau et en réintégrer un autre sans que cela ne pose problème aux autres membres du groupe.
L’ibex nubien est caractéristique des montagnes escarpées du Moyen-Orient et d’Afrique. On retrouve aujourd’hui des troupeaux dispersés en Égypte, au nord-est du Soudan, au nord de l’Éthiopie, dans l’ouest de l’Érythrée, en Jordanie, voire en Arabie saoudite et dans quelques régions du Yémen où il est particulièrement menacé par la chasse extensive.
Ce bouquetin sauvage a complètement disparu du Liban et de Syrie depuis le siècle dernier avec toutefois un essai de réintroduction de l’espèce sur le plateau du Golan. Au Liban, l’ibex nubien se trouvait dans la région du Barouk, à Ammik, dans le mont Hermon et dans le nord du pays. Il est aujourd’hui menacé par les prédateurs (léopards, loups, hyènes et aigles), mais également par la chasse, la rareté des points d’eau ainsi que par la perte de l’habitat naturel en raison de l’urbanisation massive dans la région.
Protocole de transfert scientifique
Fin 2017 et après plusieurs mois d’études, la réserve des cèdres du Chouf a finalement accueilli un troupeau de 8 femelles et 4 mâles transférés de Jordanie vers le Liban par avion. Ces animaux vivent depuis dans un enclos limitrophe de la réserve et situé dans le village de Aana, dans la Békaa. Les animaux y resteront en principe en observation jusqu’en 2020, date à laquelle ils devraient être libérés dans la nature. Deux petits sont nés depuis dans l’enclos et les animaux sont bien acclimatés pour le moment, selon la direction de la réserve. Ils sont constamment observés par des caméras placées dans l’enclos. Une fois relâchés dans la nature, ils feront l’objet d’une étude de leur interaction avec la végétation environnante. La présence de l’ibex dans la réserve devrait être favorable à la bonne croissance des jeunes cèdres, puisque les bouquetins se nourriront des herbes qui poussent en haute montagne et se chargeront de ce fait de dégager l’espace entourant les cèdres.
Le transfert des animaux de Jordanie jusqu’au Liban a été soumis à un protocole scientifique très précis. Des experts de l’institut Oikos ont effectué un premier séjour au Liban en juin 2016 afin d’étudier la faisabilité du projet, la nature de l’écosystème où les animaux allaient être relâchés, afin de vérifier la qualité de l’enclos où les bouquetins seraient gardés après leur transfert.
Une seconde mission s’était rendue dans la région protégée de Wadi el-Roum en Jordanie en février 2017 pour étudier la faisabilité du transfert des animaux vers le Liban. Un mois avant d’être envoyés à Beyrouth, les ibex avaient été séparés du reste du troupeau et observés pendant un mois. Ils ont ensuite été vaccinés et des puces électroniques ont été insérées sous leur pelage pour permettre de suivre leurs mouvements.
Des contacts sont actuellement en cours avec l’Arabie saoudite dans l’espoir de ramener un second troupeau au Liban afin de garantir une plus grande diversité génétique des animaux qui seront relâchés dans la nature, et donc d’augmenter leurs chances de survie.
Dans la même rubrique
Pourquoi il faut absolument préserver la prêle des champs...
Aubrietia, une beauté qui sort de la roche
Un chêne bien libanais, caché sous un « faux nom »
Les serpents, ces « ennemis » pas si redoutables que cela
Un poisson caractéristique de Yammouneh, qu’on croyait éteint...
commentaires (7)
La meilleur nouvelle depuis longtemps en matière de respect de l'environnement et de protection de la faune...à condition que les chasseurs (il faudrait écrire "prédateurs humains") les laissent vivre!
otayek rene
17 h 37, le 26 août 2018