Rechercher
Rechercher

Liban - Incendies

Dans le Akkar, des forêts centenaires en feu

Les vents forts freinaient hier les efforts de lutte, qui se concentraient sur la protection des forêts de sapins et de cèdres.

Un incendie monstre, dont l’origine reste à déterminer, ravage depuis samedi après-midi les hauteurs boisées du Akkar dans le Liban-Nord, dans les forêts de Qobeyate. Qualifié hier de « catastrophe environnementale » par Michel Hallak, correspondant de l’Agence nationale d’information, l’incendie restait hors de contrôle en soirée, bien qu’ayant quelque peu perdu de son intensité, selon des témoins.
Des milliers de pins sauvages et de chênes ont été brûlés au cours de ces trois derniers jours dans des forêts situées entre Qobeyate et les réserves naturelles de Karm Chabt et de Beit Jaafar, dépourvues de sentiers d’accès. L’ampleur du feu et les difficultés d’accès au site de l’incendie ont entravé les efforts des pompiers de la Défense civile qui s’activent aux côtés de soldats, de deux hélicoptères de l’armée libanaise et d’habitants de la région.

Selon M. Hallak, interrogé par L’OLJ, plus d’une centaine de volontaires font de très longues distances à pied ou sur des quads dans la forêt, munis de pelles, pour tenter de transporter des pompes à eau à l’intérieur du foyer. Antoine Daher, médecin, militant écologiste et habitant de Qobeyate, évoque « des centaines de volontaires qui se sont précipités sans hésitation pour combattre le feu ». Il assure à L’OLJ que « dans ce type de milieux de forêts denses, la seule lutte vraiment efficace est la lutte manuelle », indiquant cependant que « les vents forts compliquent énormément la tâche des volontaires et des pompiers ».

Interrogé sur la gravité de la situation par L’OLJ, le président du conseil municipal de Qobeyate, Abdo Abdo, explique que les voitures de la Défense civile ne peuvent entrer dans ces forêts denses vu l’absence de routes agricoles. « Nous tentons de faire parvenir des tuyaux de plusieurs mètres de long à l’intérieur de la forêt afin de lutter contre les flammes, dit-il. Seuls les hélicoptères peuvent asperger d’eau les foyers pour le moment. » Hier, en soirée, il y avait peu d’espoir de vaincre définitivement le feu, étant donné que celui-ci restait très étendu et que les hélicoptères de l’armée ne peuvent plus intervenir à partir de 18 heures, ajoute-t-il. Il est cependant incapable d’estimer la superficie touchée tant que les efforts de lutte se poursuivent.


(Lire aussi : Arrêt sur image : Quand on laisse les flammes se propager...)

Preuve d’une origine criminelle ?
M. Abdo indique que trois foyers se sont déclarés au cours de ce sinistre, et non un seul. Est-ce une preuve que l’origine en est criminelle (même si elle n’a toujours pas été déterminée) ? « Nos observations nous poussent à le croire, même si nous n’en avons pas la preuve, répond-il. Nous avons remarqué que quand nous en éteignons une partie, l’incendie se déclare quelques centaines de mètres plus loin. »
Sachant que les espaces touchés sont des terrains domaniaux appartenant à l’État, comme l’explique le président de municipalité, pourquoi des pyromanes voudraient-ils s’en prendre à des forêts centenaires ? « Je pense que certains espèrent qu’avec la disparition des forêts, et bien que les terrains ne soient pas constructibles, ils pourraient en profiter pour une mainmise sur ces terres, souligne-t-il. Rien ne les décourage apparemment. »
Entre-temps, ce sont des forêts d’une grande importance qui sont ravagées et menacées. Jusqu’à hier, les espaces brûlés étaient surtout boisés de pins, selon M. Abdo, mais les flammes menacent déjà les forêts de sapins de Cilicie et de cèdres, des arbres protégés par la loi. « Nous essayons autant que possible de contenir l’incendie pour qu’il épargne les sapins et les cèdres, souligne-t-il. Nous avons envoyé de petits bulldozers pour monter des obstacles en terre autour des forêts protégées. Au rythme où vont les choses, le plateau de la Qamouaa ne sera bientôt plus loin du foyer. »


(Pour mémoire : Un incendie menace des habitations au Liban-Sud, des espaces verts ravagés dans le Nord)


Interrogé sur les moyens rudimentaires mis à la disposition des municipalités du caza pour combattre les flammes, M. Abdo énumère une série de revendications. « On ne peut garder inaccessibles des forêts aussi denses, affirme-t-il. Nous avons besoin de voies d’accès, de petites routes, qu’on ne peut même pas qualifier d’agricoles, juste pour permettre aux voitures de pompiers de pénétrer cet espace. Or, les lois du ministère de l’Agriculture nous en empêchent, sous prétexte que des routes faciliteraient l’accès aux forêts et l’abattage des arbres. Mais un seul incendie fait plus de ravages que tout le reste ! Nous sommes disposés à garder ces voies d’accès fermées à tout moment, et accessibles seulement aux municipalités et au personnel du ministère. »


(Pour mémoire : Important incendie dans la région de Zghorta)


Ni la priorité de la police ni celle du gouvernement !
Antoine Daher est d’un avis radicalement différent. « Ouvrir des routes reviendra à motiver davantage les pyromanes propriétaires de lopins aux confins des forêts, qui voudraient agrandir leurs terrains, dit-il. Les routes nous feront perdre le peu d’espaces verts qui nous restent. »
Selon l’écologiste, doter la région de moyens de lutte efficace reviendrait à munir les autochtones d’équipements manuels et d’un plan d’action à suivre en cas de sinistre. « Nous nous évertuons à répéter que la lutte manuelle est la plus efficace dans ces milieux et que ce genre d’équipements est plus nécessaire que les grosses voitures de pompiers, en vain », insiste-t-il. Et l’arme la plus efficace reste, selon lui, les enquêtes concluantes qui doivent suivre ce genre de sinistres. « Il est tout à fait possible d’identifier les pyromanes s’il y en a, affirme-t-il. Après tout, la police résout des affaires beaucoup plus compliquées que cela ! Mais les forêts ne sont ni la priorité de la police ni celle du gouvernement. Or, tant qu’on ne demandera de comptes à personne, ce genre d’incendies restera monnaie courante. »
Les incendies se sont multipliés hier sur l’ensemble du territoire libanais. Outre la région de Qobeyate, quatre feux se sont déclarés samedi à Mar Touma, Deir Dalloum, Berqayel et Bzal, dans le Akkar. Deux autres incendies ont éclaté près de Sahel Alma et de Harissa, dans le Kesrouan.


Pour mémoire
Incendies en série, à travers le Liban, durant le week-end

Lutte contre les incendies : coopération renforcée franco-libanaise

Un incendie monstre, dont l’origine reste à déterminer, ravage depuis samedi après-midi les hauteurs boisées du Akkar dans le Liban-Nord, dans les forêts de Qobeyate. Qualifié hier de « catastrophe environnementale » par Michel Hallak, correspondant de l’Agence nationale d’information, l’incendie restait hors de contrôle en soirée, bien qu’ayant quelque peu perdu de...

commentaires (2)

Brûler pour construire ensuite ? J'espère me tromper.

Sarkis Serge Tateossian

12 h 07, le 13 août 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Brûler pour construire ensuite ? J'espère me tromper.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 07, le 13 août 2018

  • DOMMAGE ! ON BRULE LE PAYS POUR EN FAIRE DES PROPRIETES POUR PROFIT PERSONNEL.. DES CRIMINELS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 11, le 13 août 2018

Retour en haut