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À La Une - Reportage

Grande-Synthe, l'immuable zone de transit des migrants kurdes en France

Des migrants utilisant un lavabo de fortune installé dans un camp près de la ville de Grande-Synthe, dans le nord de la France, le 7 août 2018. AFP / Philippe HUGUEN

A l'ombre des peupliers, plusieurs centaines de Kurdes irakiens campent dans une nouvelle "Jungle", un petit bois coincé entre des chemins de fer et une autoroute de la ville de Grande-Synthe (nord de la France), en attendant de rejoindre l'Angleterre.
La "Jungle" est le nom qui avait été donné à un ex-camp de migrants (le plus grand de France) formé en 2015 près de la ville de Calais (située à quarantaine de km de Grande-Synthe), et où ont vécu jusqu'à 9.000 personnes (venus essentiellement du Soudan, d'Érythrée et d'Afghanistan) dans des conditions très précaires. Le camp avait été complètement démantelé en octobre 2016.

Après-midi d'août à Grande-Synthe, 30 degrés. Des centaines de réfugiés patientent devant le camion de Salam, une association d'aide aux migrants, pour un plat de pâtes, quelques fruits et un café. A 14h00, déjà 500 repas ont été distribués alors que le matin même les autorités locales avaient évacué une partie du camp, acheminant quelque 200 personnes vers des centres d'accueil de la région. Ces mises à l'abri "seront poursuivies autant que nécessaire pour que ce point de fixation ne porte une atteinte irrémédiable à la salubrité et à la tranquillité publique", a prévenu la préfecture du Nord. 

Mais pour la mairie de Grande-Synthe et les associations, ces centres d'accueil sont trop éloignés de cette ville et "l'Etat n'entend pas intensifier les structures d'accueil le long du littoral pour des raisons évidentes liées à la pression migratoire", assure la préfecture. Alors, "certains y vont, mais reviennent vite. Une mise à l'abri à Maubeuge (près de la frontière belge, NDLR), pour passer en Angleterre, c'est compliqué", note Claire Millot, de l'association Salam.
Ainsi, malgré l'évacuation du camp insalubre du Basroch en 2016, la destruction du camp humanitaire de La Linière l'année suivante, l'évacuation du bois du Puythouck, puis du gymnase, et désormais les "mises à l'abri" régulières, entre 300 et 640 migrants selon les sources vivent sur ce nouveau campement. "Et ça ne cesse d'augmenter", s'alarme Mme Millot.

 "Nous sommes sur le passage vers l'Angleterre, donc le flux de réfugiés ne s'est jamais tari", explique le maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême, qui demande à l'Etat l'ouverture de structures à Grande-Synthe et dans des villes voisines du littoral. Puis annonce : "Si on doit créer un camp humanitaire, parce que l'État ne répond pas au problème auquel on doit faire face, et bien on le refera, parce que je ne laisserai pas ces personnes dormir dehors cet hiver".

 

(Lire aussi : Berlin, terre d'accueil pour Katia, réfugiée transgenre syrienne)



Présence de passeurs
Dans une tribune intitulée "A Grande-Synthe, c'est à nouveau la +jungle+" parue le 31 juillet, Olivier Caremelle, directeur de cabinet du maire de Grande-Synthe, dénonçait déjà: "Nous empêchant d'offrir localement à Calais ou à Grande-Synthe une première réponse d'urgence, l'État se condamne à des campements sauvages et à des +jungles+".

Des robinets, des toilettes et des douches ont été installés par la mairie sur ce nouveau campement créé au début de l'été, où vivent de nombreuses familles. En outre, une dizaine d'associations y interviennent, fournissant aux migrants des vêtements, des tentes, de la nourriture ou encore un accès aux soins.
"Les pathologies rencontrées sont les mêmes que celles des personnes à la rue : pathologies dermatologiques, traumato-orthopédiques et pneumo-ORL", explique Brice Benazzouz, de l'ONG Médecins du Monde. Mais, "ce qui nous inquiète, c'est l'état psychologique des personnes rencontrées, on constate une grande détresse", ajoute-t-il, pointant la "présence continue des passeurs", qui "monnaient les services proposés par la mairie", dégradant les conditions de vie des réfugiés.
 
Dans le secteur, les parkings réservés aux camions ont été fermés pour "lutter contre les réseaux de passeurs" qui y "fixent des points de rendez-vous aux candidats au passage illégal vers le Royaume-Uni", explique la préfecture. Mais ça ne les décourage pas: "Ils emmènent les réfugiés de plus en plus loin, notamment en Belgique", explique Claire Millot.
"Les passeurs sont là, on parle la même langue et les associations nous aident, c'est plus facile pour s'organiser", confie un Kurde Irakien de 39 ans, arrivé d'Allemagne il y sept mois où il dit avoir été débouté. Il ajoute: "J'attendrai le temps qu'il faut, mais je passerai en Angleterre, il n'y a pas d'autre solution". 


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