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À La Une - Migrations

Formés et bientôt expulsés? Ubu chez les demandeurs d'asile en Autriche

"On vous dit que c'est l'intégration le plus important. Qu'il faut montrer que vous êtes intégrés. Shafi l'a fait. Il a appris l'allemand. Il a trouvé un emploi et s'est construit un bon environnement social", s'insurge Sylvia Hochstöger qui dirige avec son époux une société de couverture-zinguerie.

Depuis sa petite commune du nord de l'Autriche, Sylvia Hochstöger ne s'imaginait pas en égérie d'un mouvement contestataire. C'est la menace d'expulsion pesant sur Shafi (photo), l'apprenti afghan en formation dans son entreprise, qui l'a poussée à livrer bataille contre une situation "absurde". Photo AFP / ALEX HALADA

Depuis sa petite commune du nord de l'Autriche, Sylvia Hochstöger ne s'imaginait pas en égérie d'un mouvement contestataire. C'est la menace d'expulsion pesant sur Shafi, l'apprenti afghan en formation dans son entreprise, qui l'a poussée à livrer bataille contre une situation "absurde".
"On vous dit que c'est l'intégration le plus important. Qu'il faut montrer que vous êtes intégrés. Shafi l'a fait. Il a appris l'allemand. Il a trouvé un emploi et s'est construit un bon environnement social", décrit d'une voix posée celle qui dirige avec son époux une société de couverture-zinguerie à Pabneukirchen, à 150 kilomètres de Vienne.
Shafi, un Afghan de 23 ans que l'entreprise Hochstöger a recruté comme apprenti en 2016, a reçu il y a quelques mois un avis négatif à sa demande d'asile en Autriche. Il attend désormais avec anxiété la décision finale, après l'appel examiné début juin.

Comme lui, environ un tiers des 850 candidats à l'asile actuellement en formation alternée dans les entreprises autrichiennes sont menacés d'expulsion après le rejet de leur demande d'asile en première instance, selon Rudi Anschober, délégué à l'intégration du Land de Haute-Autriche, qui a pris fait et cause pour les entrepreneurs concernés et leurs protégés.
Dans un pays en manque de main d'oeuvre dans plusieurs secteurs, "il faut donner des perspectives aux demandeurs d'asile. A cet égard l'apprentissage est idéal, tout le monde est gagnant", plaide cet élu du parti des Verts.


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Manque d'apprentis
Mais le climat politique s'est durci à l'égard des migrants depuis l'arrivée à la tête de l'Autriche, fin 2017, d'une coalition droite (ÖVP)/extrême droite (FPÖ) menée par le conservateur Sebastian Kurz.
Son ministre de l'Intérieur Herbert Kickl, l'un des idéologues du FPÖ, a fait d'une hausse des expulsions de déboutés de l'asile une priorité, ciblant nommément les Afghans.
Le gouvernement a mis en chantier une baisse des aides aux réfugiés. Les associations dénoncent une coupe dans le financement de nombreuses mesures d'intégration comme les cours d'allemand obligatoires ou le coaching professionnel. Des outils mis en place par... Sebastian Kurz, alors qu'il était ministre des Affaires étrangères et de l'Intégration avant son accession à la chancellerie. 
"Ce n'est pas nécessaire de leur courir derrière avec des millions et de leur dire: +s'il vous plaît, s'il vous plaît, intégrez-vous", a récemment tranché un porte-parole FPÖ.

C'est un dispositif national de 2012 qui a autorisé les entreprises autrichiennes à recruter des apprentis parmi les demandeurs d'asile, dans les seuls secteurs sous tension. Rien qu'en Haute-Autriche, quelque 3.000 places d'apprentis ne trouvent pas preneurs alors que l'apprentissage est l'un des piliers du système éducatif autrichien: le vieillissement démographique et les jeunes qui délaissent certains métiers techniques jugés peu attirants ont bouleversé l'équilibre.


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90% de "succès"
Sans les trois demandeurs d'asile qu'elle forme comme apprentis dans son restaurant, Maria Reitner, installée à Steyr (Nord), aurait "tout simplement fermé" son établissement, confie-t-elle.
Les professionnels demandent un moratoire sur les renvois de demandeurs d'asile en cours apprentissage et l'instauration d'une autorisation de travail de deux ans à l'issue de la formation. Une pétition a recueilli plus de 50.000 signatures.
"Le système actuel est absurde, commente Sylvia Hochstöger, nous avons investi beaucoup d'énergie dans la formation de Shafi qui de son côté a travaillé avec une motivation incroyable pour se mettre à niveau".
Car le jeune homme n'avait, en Afghanistan, fréquenté que l'école coranique. Bien encadré et à force de travail, il peut désormais suivre seul les cours théoriques de sa formation.
"Quatre-vingt dix pour cent des parcours de migrants apprentis sont couronnés de succès", affirme Rudi Anschober alors que la capacité d'intégration des réfugiés sur le marché du travail est une question sensible en Autriche.

Le pays a enregistré depuis 2015 plus de 160.000 demandes d'asile correspondant à près de 2% de sa population. A l'instar du reste de l'Europe, les arrivées sont cependant en recul depuis deux an. 
Des villages aux grandes agglomérations, de larges pans de la société civile autrichienne continuent de se mobiliser pour épauler les nouveaux venus.
Monika Mayrhofer, une retraitée de Wippenham, héberge depuis près de deux ans Bashar, un Afghan d'une vingtaine d'années, également en apprentissage. "Connaître Bashar a fait changer d'avis une de ses collègues qui voulait voter FPÖ. Il faut juste que les gens se rencontrent", estime-t-elle.


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