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Liban - Décryptage

Pour Baabda, il n’y a pas de nœuds inextricables

Crise gouvernementale ou non, le palais de Baabda continue de ressembler à une ruche. Les fonctionnaires n’en finissent plus de préparer les dossiers, et les visiteurs se succèdent en un flot ininterrompu. Le président de la République commence en effet tôt sa journée. Il y a d’abord les proches et les habitués, ensuite les rendez-vous officiels et de nouveau les collaborateurs et les proches. Entre deux rendez-vous, le chef de l’État prépare ses discours, car il tient à les écrire lui-même, et il en a au moins quatre en prévision. Il devrait ainsi prononcer un discours le 8 septembre dans une université qui compte lui remettre un doctorat d’honneur. Il prendra ensuite le chemin de Strasbourg, en France, où il doit prononcer un discours devant le Parlement européen. Un peu plus tard, toujours en septembre, il compte présider la délégation libanaise à la session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies, avant de se rendre début octobre en Arménie pour le septième sommet de la francophonie qui doit se tenir dans ce pays.

Chaque occasion mérite un discours particulier et un contenu différent. Devant le parterre universitaire, il s’agira de parler de l’avenir des jeunes et de l’enracinement dans le pays, ce pays qu’il faut préserver et améliorer pour qu’il puisse redevenir le havre dont rêvent les jeunes, au lieu d’aller se chercher un avenir sous d’autres cieux. Devant le Parlement européen, le président Michel Aoun compte parler de l’héritage commun en matière de civilisation autour du bassin méditerranéen, le Liban ayant été présent à l’ère grecque puis romaine, et ayant toujours eu des liens étroits avec les pays de l’autre côté du bassin méditerranéen avec lesquels il partage des valeurs et une vision démocratique qu’il est impératif de préserver face à la montée des extrémismes religieux et ethnique dans la région. Il compte ainsi rappeler que le Liban peut être considéré comme le prolongement de l’Europe, sur l’autre rive de la Méditerranée. À l’ONU, il parlera des menaces que constituent la présence des déplacés syriens et celle des réfugiés palestiniens, et il reviendra sur son projet de créer au Liban un centre de dialogue entre les religions et les civilisations, et en Arménie, il évoquera les valeurs véhiculées par la francophonie, qui est, plus qu’un lien relatif à une langue, une culture et des valeurs. Toutefois, en dépit de la préparation intensive de ces voyages, qui sont tous importants pour le pays, le chef de l’État continue de suivre de près les développements politiques.

Selon ses visiteurs, il est certainement dérangé par la lenteur dans le processus de formation du gouvernement, mais il ne pense pas que le point de non-retour a été atteint. Il espère ainsi que le gouvernement sera formé avant la date des voyages qu’il compte effectuer car il reste convaincu que les « nœuds » présumés ne sont pas inextricables. Selon ses visiteurs, le président Aoun ne cesse de répéter qu’il n’intervient pas dans le processus de formation du gouvernement qui relève des prérogatives du Premier ministre désigné. Malgré cela, tous ses visiteurs veulent en parler avec lui et, à chaque fois, ils essuient courtoisement une fin de non-recevoir. Cela a été récemment le cas par exemple du ministre de l’Information Melhem Riachi, qui est venu à Baabda porteur d’un message du chef des Forces libanaises. Selon les visiteurs du palais présidentiel, M. Riachi, qui a toujours eu le mot pour détendre les atmosphères les plus tendues, aurait affirmé au chef de l’État que les Forces libanaises seraient « prêtes à renoncer au titre de vice-président du Conseil », moyennant l’obtention de quatre portefeuilles dont un régalien. Toujours selon ses visiteurs, le président aurait répondu que, selon la pratique adoptée depuis Taëf, c’est le chef de l’État qui choisit le vice-président du Conseil. Comme il est aussi, selon la Constitution, le commandant en chef des forces armées, c’est donc lui qui doit encore choisir le ministre de la Défense, en accord avec le Premier ministre. D’ailleurs depuis Taëf, c’est toujours un proche du chef de l’État qui a pris en charge le ministère de la Défense.


(Lire aussi : Entre Berry et Bassil, Hariri cherche une fenêtre d’espoir)


Concernant les Affaires étrangères, dans une période aussi critique, il est important d’avoir à la tête de ce ministère une personnalité qui a des contacts avec toutes les parties régionales et internationales. Du temps où un proche du mouvement Amal et de son chef était au palais Bustros, les diplomates qui fréquentaient le plus le ministère des AE étaient l’ambassadeur d’Iran et celui de Russie. Si un proche des FL prenait en charge le ministère, les diplomates saoudiens et ceux qui évoluent dans cette orbite seraient plus présents au détriment des ambassadeurs d’Iran, de Syrie et peut-être d’autres pays. C’est pourquoi il est important que le Liban ait une politique équilibrée, d’autant que les tensions régionales sont en train de monter et que le Liban n’a aucun intérêt à s’aligner sur un camp aux dépens de l’autre. Il reste donc deux portefeuilles régaliens, l’Intérieur et les Finances, et les Forces libanaises doivent voir avec le Premier ministre si elles peuvent en obtenir un.

Selon ses visiteurs, le chef de l’État aurait précisé que, jusqu’à présent, ni le Premier ministre ni d’autres responsables ne lui ont fait part de pressions externes qui entraveraient la formation du gouvernement. Même si la lenteur dans le processus reste inexplicable. Mais le président est convaincu qu’une fois la décision de déblocage prise, le gouvernement pourra être formé rapidement. Comme cela a été le cas avec le précédent gouvernement (celui qui gère actuellement les affaires courantes) qui a été formé et annoncé, alors que nul ne s’y attendait, un dimanche, le 18 décembre 2016.

En attendant, le président et ses collaborateurs continuent de préparer leurs dossiers, tout en regardant vers l’avenir, car le chef de l’État est toujours convaincu que pour bien gérer les affaires d’un pays, il faut prévoir les développements et non attendre qu’ils se produisent pour chercher ensuite à les rattraper. C’est ainsi que pour lui, la guerre en Syrie est pratiquement terminée et ce pays restera uni. Ce qui ne peut qu’avoir des répercussions positives sur le Liban, sur le plan économique notamment, avec la réouverture de la route avec la Jordanie, avec les plans de reconstruction et avec le processus de retour des déplacés. Le président ne serait pas non plus inquiet de l’avenir des relations libano-syriennes, l’indépendance et le souci de la souveraineté résumant chez lui un combat quasi existentiel. Selon ses visiteurs, rien ne serait plus éloigné du président que le pessimisme et le négativisme. Ce n’est pas tant une question d’optimisme naturel qu’une affaire de foi et de vision.



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Crise gouvernementale ou non, le palais de Baabda continue de ressembler à une ruche. Les fonctionnaires n’en finissent plus de préparer les dossiers, et les visiteurs se succèdent en un flot ininterrompu. Le président de la République commence en effet tôt sa journée. Il y a d’abord les proches et les habitués, ensuite les rendez-vous officiels et de nouveau les collaborateurs et les...

commentaires (7)

"Mais le président est convaincu qu’une fois la décision de déblocage prise, le gouvernement pourra être formé rapidement" ... Décision de qui et d'où viendra t'elle cette décision magique et providentielle? Avec tout les problèmes que le libanais endure a cause des politiques politiciennes on doit encore subir un article a l'eau de rose qui encense ces hommes politiques pour des accomplissements inexistants... Bassita, allah Karim...

Wlek Sanferlou

18 h 05, le 10 août 2018

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • "Mais le président est convaincu qu’une fois la décision de déblocage prise, le gouvernement pourra être formé rapidement" ... Décision de qui et d'où viendra t'elle cette décision magique et providentielle? Avec tout les problèmes que le libanais endure a cause des politiques politiciennes on doit encore subir un article a l'eau de rose qui encense ces hommes politiques pour des accomplissements inexistants... Bassita, allah Karim...

    Wlek Sanferlou

    18 h 05, le 10 août 2018

  • Permettez moi de reprendre cette phrase de Scarlett : " Rien ne serait plus éloigné du président que le pessimisme et le négativisme. Ce n’est pas tant une question d’optimisme naturel qu’une affaire de foi et de vision." Encore une fois on boit a la source de l'optimisme d'un Grand Visionnaire ayant une foi illimitee en son pays argumentee par une vision incroyable !!! Merci Scarlett de nous le rappeler !

    Imad A. Aoun

    16 h 44, le 10 août 2018

  • Comme à l'accoutumée les articles de Scarlett sont immanquablement étayés de détails riches en éléments , d'analyses sensées et d'arguments irréfutables. C'est ce qui fait d'elle une des journalistes les plus crédibles aux yeux des lecteurs .

    Hitti arlette

    15 h 49, le 10 août 2018

  • Chère Scarlett votre positivité ajoutée à votre professionnalisme fait de ce NOUVEAU Liban une notion encore mal comprise, mal digérée. Permettez moi une bise sur chaque joue et bon week-end.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 08, le 10 août 2018

  • Tout va très bien, Madame la Marquise Tout va très bien, tout va très bien Pourtant, il faut, il faut que l'on vous dise On déplore un tout petit rien : Le noeud gordien du CPL qui empêche la formation du gouvernement.

    Un Libanais

    11 h 52, le 10 août 2018

  • UN PANEGYRIQUE D,UN BOUT A L,AUTRE QUE VOTRE ARTICLE TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD BIEN QUE VOUS ENUMEREZ PLUSIEUS VERITES... MAIS PAS SEULEMENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 20, le 10 août 2018

  • "le Liban...prolongement de l'Europe..." ??? En Europe il y a de l'électricité pour tous, les déchets sont traités, on préserve l'environnement, et les corrompus grands et petits punis. On ne tolère pas un parti commandité par une puissance étrangère et qui arme une milice illégale pour accomplir ses projets de domination et de guerres. Et surtout, on sait que les peuples ne se laissent plus aveugler par du bla-bla sirupeux ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 48, le 10 août 2018

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