Depuis la déroute des Syriens en 2005, la fabrication des gouvernements libanais est devenue un véritable parcours du combattant, dans le tapinois clandestin des chuchotis furtifs entre vieux croûtons aux allures de conspirateurs. Qu’elle est loin l’époque où les Assad père et fils nous pondaient un cabinet d’un trenteron de ministres en moins de temps qu’il leur fallait pour croquer une pistache d’Alep. Nul besoin de palabres, la liste des cobayes arrivait par fax, puis modernité oblige par SMS, et la classe politique se couchait fissa. Gageons qu’une fois le Tyranneau de Damas remis sur pied par les Russes, il enverra cette fois la liste gouvernementale par WhatsApp.
Aujourd’hui, le Désigné du doigt affalé au Sérail a beau tenir salon sur salon, rien n’y fait. En fait, il commence à se ratatiner doucettement face aux démangeaisons ministérielles contradictoires des uns et des autres. Entre-temps, le Libanais de base, doté d’une intelligence de base, pourra toujours se repaître de déclarations portant sur des lieux communs de base. Ceux qui crèvent la dalle en fantasmant sur une paie mensuelle qui ne vient pas sauront ainsi apaiser leur faim en se gavant de « défis à relever », de « partenariat » et de « communauté de destin ».
Bientôt viendra l’étape « langue de bois » et « bourrage de mou ». On commencera par les formules arithmétiques biscornues, du genre 15-10-5, puis 10-10-10, voire 128-128-128. De temps à autre, un margoulin du cru couinera un cri victoire : « Ça baigne ! » Mais il restera quelques points de détail à fignoler. Ce fumet d’optimisme lâché à la piétaille sera aussitôt sniffé goulûment… avant d’être violemment mouché. Et pour cause : les détails sont aussi longs à déballer qu’une liste de courses avant un dîner de gala chez le Basileus.
Pour l’heure, on attend que s’étoffe la chorale des fanfarons qui claironnent à tue-tête que le gouvernement du Liban doit être estampillé « made in Koullouna ». On verra bien ce qui restera de ce slogan hâbleur lorsqu’au bout de six à sept mois de vide ministériel, les guignols locaux devront s’en aller supplier les Ouzbeks et les Ouighours de leur refiler la formule magique qui remettra sur pied cette République en déconfiture.
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Un satellite ne vole pas de ses propres ailes en entrant en orbite d’un corps plus massif.
Georges Lebon
16 h 56, le 13 juillet 2018