C’est le scénario quasi idéal pour le régime syrien et son parrain russe. Les rebelles de la province de Deraa ont déposé les armes au début de la bataille, acceptant le deal offert par la Russie, qui a permis à ceux qui le souhaitent d’évacuer le berceau de la révolution. Damas et Moscou n’auront même pas eu besoin d’user de leurs habituelles méthodes : bombardements intensifs des infrastructures civiles, siège, utilisation d’armes chimiques. Vladimir Poutine s’épargne ainsi une campagne médiatique qui aurait fait mauvais effet en pleine Coupe du monde en Russie...
La destruction systématique des quartiers rebelles à Alep-Est et dans la Ghouta orientale a eu l’effet escompté : la peur a repris le dessus sur le désir d’insurrection et de liberté. Les rebelles du Sud, considérés comme plus modérés que leurs compatriotes ailleurs sur le territoire syrien, ont souhaité épargner aux populations civiles un bain de sang dont l’issue était déjà connue de tous. Contrairement aux batailles précédentes, les puissances occidentales et leurs alliés arabes n’ont cette fois-ci même pas fait semblant de s’intéresser à leur sort. Sans forcément l’admettre officiellement, tout le monde – à commencer par les Jordaniens et les Israéliens – s’accommode sans sourciller du retour des forces loyalistes dans le Sud syrien.
Cela entérine un constat partagé par l’ensemble des acteurs depuis la chute d’Alep : les rebelles ont perdu la guerre et Bachar el-Assad va rester, au moins à court terme, au pouvoir. Le président syrien a fait la moitié du chemin dans sa volonté d’assurer sa survie politique. Il contrôle désormais la majorité du territoire et presque la totalité des frontières avec le Liban, la Jordanie et l’Irak. Moscou et Damas veulent profiter de ce fait accompli avant d’entamer un round de négociations dont l’un des enjeux reste inédit. Aux yeux des puissances concernées, Occidentaux et Russes notamment, le principal enjeu a clairement évolué au cours de ces derniers mois : il ne s’agit plus de discuter prioritairement du maintien ou non de Bachar el-Assad ou de faire de la lutte contre le terrorisme le principal enjeu de cette guerre. C’est désormais la question de l’influence iranienne en Syrie – et plus globalement dans toute la région – qui est l’objet de tous les débats. Les Israéliens exigent que Téhéran et ses obligés quittent le territoire syrien et n’hésitent pas à mettre leur menace à exécution pour les inciter à le faire. Les Américains, les Saoudiens et les Européens abondent dans le même sens. Tout comme les Russes, qui souhaiteraient très probablement écarter cet allié encombrant. Suite à un accord russo-israélien, les Iraniens ont d’ailleurs été (officiellement) mis à l’écart de la bataille de Deraa, ce qui n’a toutefois pas suffi à satisfaire les intérêts de l’État hébreu. Selon des spéculations, la question iranienne devrait être l’un des principaux sujets de discussion du premier sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 16 juillet.
(Lire aussi : Le régime syrien contrôle environ la moitié des postes-frontières)
Nouvelle équation
Se débarrasser des Iraniens pour ne pas risquer de perdre tous les gains acquis depuis l’intervention russe en 2015 : telle est désormais l’équation soumise à Bachar el-Assad par tous les acteurs régionaux et internationaux. Les Iraniens ont certes contribué à lui sauver la peau, mais leur présence le met aujourd’hui en danger. Se passer de leurs services – si tant est que ce soit possible compte tenu de leur intégration au tissu social syrien et à certains pans de l’appareil étatique – c’est aussi prendre le risque de mettre entièrement son sort entre les mains de Moscou, qui a prouvé par le passé le peu d’égards qu’il attachait à la personne du président syrien. Si l’on en croit les dernières déclarations de M. Assad, où il se disait favorable à l’établissement d’une base iranienne en Syrie, il semble qu’il ne soit pas prêt à risquer de perdre son principal allié dans la région. Cette négociation diplomatique devrait pourtant être l’une des clés d’un retour à un début de normalisation, la victoire ne pouvant être acceptée qu’à condition que les Iraniens n’y soient pas associés. Après Deraa, la phase des négociations, non pas avec les rebelles mais avec les puissances impliquées, devient primordiale pour Damas. La reprise des territoires de l’Est syrien – essentiel à la survie économique du régime – contrôlé par les Kurdes et sous protection américaine, ne devrait pouvoir se faire sans passer par la case des négociations. Il en est de même concernant la province d’Idleb, la dernière aux mains des rebelles, et le nord-ouest du pays, où l’armée turque est déployée.
La reconquête militaire ne peut plus, dans les circonstances actuelles, suffire à mettre fin à la partition du territoire syrien. Il va falloir s’asseoir autour de la table, sous le parrainage russe évidemment. Le régime a de nombreuses exigences : retour des territoires, normalisation, aide à la reconstruction du pays… Il a également quelques cartes à jouer : chantage sur la question du retour des réfugiés ou aide dans la lutte contre le terrorisme. Il n’a toutefois pas l’habitude de faire la moindre concession. Cela lui a plutôt réussi au cours de ces dernières années. Sauf que l’équation a changé : M. Assad n’a plus à dealer avec les rebelles, mais avec rien moins, encore une fois, que Russes, Américains, Saoudiens et Israéliens...
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ET C,EST SUR CETTE QUESTION QUE TOUT VA ETRE JOUE DANS LES MOIS A VENIR ! LES DEPARTS PROGRAMMES ET VOULUS PAR TOUS, LA RUSSIE LA PREMIERE !
13 h 51, le 09 juillet 2018