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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Moment de vérité pour la stratégie israélienne dans le Sud syrien

L’État hébreu a tenté de sécuriser sa frontière en créant un réseau de renseignement et de clientélisme dans les zones rebelles du Sud syrien. Une stratégie qui pourrait s’avérer vaine puisque les pourparlers animés par le Kremlin ne parviennent pas à filtrer les forces pro-Assad de leurs éléments iraniens.

Une vue des camps de réfugiés depuis la partie du Golan occupée par Israël. Ammar Awad/Reuters

Depuis une vingtaine d’années, le Golan est devenu une destination touristique privilégiée de l’Israélien moyen. La semaine dernière, les randonneurs sont devenus les premiers témoins d’une guerre qui se rapproche. Les photos de camps de réfugiés prises depuis les hauteurs du plateau annexé par Israël circulent sur Twitter. Des clichés à la portée de n’importe quel vacancier qui s’aventure hors des sentiers balisés. Les renforts de chars et d’artillerie sont venus compléter le décor hier.

Avec le début de l’offensive des forces pro-Assad sur la province de Deraa, le 19 juin, l’État hébreu voit les événements se précipiter dans le champ clos du Sud-Ouest syrien. Les forces pro-Assad ont en effet poussé la rébellion à la périphérie du territoire : autour de la province d’Idleb, à la frontière turque, et au sud-ouest dans la province de Deraa, qui bute sur les frontières israélienne et jordanienne. Une constellation de localités tenues par les rebelles ont accepté samedi de passer sous le contrôle de Damas, face à l’effondrement des lignes insurgées bombardées par les forces pro-Assad. C’est un contretemps pour Israël. Par sa politique de soutien aux rebelles et aux populations civiles sous leur contrôle, Tel-Aviv a cherché à différer au maximum le retour du régime le temps de trouver un arrangement qui bannirait les éléments pro-iraniens du travail de « finition » dans le Sud-Ouest syrien. L’opération « Bon voisinage » a systématisé en 2016 une aide humanitaire israélienne débutée courant 2013 aux résidents syriens des zones bordant le Golan. Quelque 5 800 Syriens ont été admis dans des hôpitaux israéliens du nord de l’État hébreu depuis 2013, et 6 000 dans un hôpital de campagne sur la frontière syrienne, géré conjointement par le personnel médical de l’armée israélienne et une ONG américaine.

C’est sur cette base humanitaire qu’Israël a tissé un réseau de renseignements. « Soigner des Syriens en Israël est un moyen de recruter des indicateurs », explique Fabrice Balanche, spécialiste de la géographie syrienne et maître de conférences à l’université Lyon II. Israël a fait parvenir vendredi dernier des tonnes de vivres, d’habits et de médicaments à des déplacés installés dans un camp informel du Golan syrien. L’accélération de l’approvisionnement humanitaire vise à contenir l’avancée des civils syriens vers la frontière israélienne perçue comme un sanctuaire. Près de 16 000 ont fui vers le sud depuis le 19 juin dernier. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a prévenu hier qu’il n’accueillera aucun réfugiés syrien sur le territoire israélien, mais poursuivra l’assistance humanitaire sur place en Syrie.


(Lire aussi : Israël joue la carte humanitaire à Deraa)


Téhéran s’immisce dans l’appareil sécuritaire syrien
Plusieurs rapports concordants ont décrit l’appui militaire sélectif apporté par Israël à la rébellion syrienne pour contrer l’expansion de l’Iran et de ses obligés dans la région. Selon un rapport récent de l’International Crisis Group, la cheville ouvrière de ce projet est le Liwaa Fursan al-Jolan, une faction basée dans la ville de Jabatha al-Khashab près de la ligne d’armistice de 1974, qui fait office de frontière israélo-syrienne. Au moins cinq autres groupes rebelles percevraient armes légères, véhicules civils, argent liquide et salaires de la part d’Israël. Le même rapport consigne des « aveux » résignés du soutien israélien par plusieurs sources rebelles. Ibrahim al-Jebawi, l’ancien chef de l’Organisation des médias syriens (OMS), la branche médiatique officieuse du front sud de la rébellion, déclare par exemple : « Après que le MOC (centre de commandement des opérations militaires, basé à Amman, qui supervise le soutien américain aux rebelles) a stoppé son soutien, l’Armée syrienne libre (ASL) était laissée pour compte. L’ASL devait soit rendre les armes et capituler devant le régime, soit traiter avec le diable en robe bleue (Israël) et préserver les terres qu’elle a libérées. »

Ce soutien est précaire à deux points de vue. Il rencontre un intérêt seulement tactique de l’État hébreu, visant à retarder à court terme l’installation des forces pro-iraniennes à sa frontière directe. L’objectif stratégique de long terme de Tel-Aviv est l’expulsion de l’Iran et de ses obligés de tout le territoire syrien. Ensuite, ce soutien est suspendu à l’accomplissement d’un accord diplomatique plus large. Le 28 mai dernier, la deuxième chaîne de la télévision israélienne rapportait qu’une ébauche de solution entre Israël et la Russie serait sur la table : l’État hébreu accepterait le retour complet du régime dans le Sud-Ouest, tandis que la Russie s’engagerait à tenir l’Iran et le Hezbollah à distance de la ligne d’armistice de 1974. « Vladimir Poutine a fait valoir que si le régime syrien devait recourir jusqu’au bout à la force militaire, il ne pourrait se passer des milices chiites. Donc la meilleure façon d’éviter l’avancée iranienne est d’encourager les rebelles à baisser les armes », explique M. Balanche. « C’est l’objet du message que les États-Unis ont envoyé aux rebelles la semaine dernière », selon l’expert, qui fait référence à une information de Reuters. Washington a fait savoir aux rebelles qu’il ne faudrait pas compter sur son assistance en cas d’attaque loyaliste.

Difficile cependant de croire qu’Israël croit davantage à la carte de la diplomatie qu’à celle de la force brute. L’Iran a redéployé ses miliciens dans le Sud syrien depuis avril, en particulier entre Soueida, Deraa et Quneitra. Des unités du Hezbollah ont intégré la IVe division de l’armée syrienne ainsi que la garde républicaine, tandis que les combattants du Liwa al-Fatemiyoun, une milice composée de chiites afghans, ont été repérés dans les rangs de la force Tigre, sous le commandement du général syrien Souhail al-Hassan. Les troupes pro-iraniennes ont revêtu uniformes et insignes des forces conventionnelles syriennes. Elles sont déjà lourdement impliquées dans l’offensive du Sud-Ouest, et traiter séparément la question du retour du régime de celle de la présence iranienne semble difficilement praticable, car l’armée syrienne sert de conduit pour agir à l’Iran. Elle ne procure pas seulement un camouflage aux milices chiites pour opérer dans l’angle mort de l’aviation israélienne. Une certaine homogénéisation risque inévitablement de se reproduire entre les forces miliciennes et les forces régulières de l’armée syrienne. En cherchant une couverture aux frappes israéliennes, Téhéran s’immisce plus profondément dans l’appareil sécuritaire syrien. Face à cette « valse iranienne » qui se déploie et se redéploie, Israël cherche désormais à gagner en hauteur stratégique. Plusieurs personnalités israéliennes font du lobbying auprès de l’administration américaine et du Congrès pour obtenir une reconnaissance américaine du versant du Golan annexé par Israël, le dernier étant Yaïr Lapid, leader de l’opposition, qui a fait le déplacement la semaine dernière outre-Atlantique. Israël cherche à renforcer ses arrières pour parer à une guerre qui va se dénouer à ses portes.



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Depuis une vingtaine d’années, le Golan est devenu une destination touristique privilégiée de l’Israélien moyen. La semaine dernière, les randonneurs sont devenus les premiers témoins d’une guerre qui se rapproche. Les photos de camps de réfugiés prises depuis les hauteurs du plateau annexé par Israël circulent sur Twitter. Des clichés à la portée de n’importe quel vacancier...

commentaires (2)

ils auraient du en referer aux chretiens libanais d'abord, aux autres ensuite , qui tous ont temoigne de la tactique syrienne pas si intelligente mais efficace : celle d'habiller ses soldats en milice palestinienne et l'inverse aussi. alors israeliens, russes, ont deconne en oubliant de prendre conseil. - C une blague bien sur-

Gaby SIOUFI

10 h 18, le 02 juillet 2018

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Commentaires (2)

  • ils auraient du en referer aux chretiens libanais d'abord, aux autres ensuite , qui tous ont temoigne de la tactique syrienne pas si intelligente mais efficace : celle d'habiller ses soldats en milice palestinienne et l'inverse aussi. alors israeliens, russes, ont deconne en oubliant de prendre conseil. - C une blague bien sur-

    Gaby SIOUFI

    10 h 18, le 02 juillet 2018

  • RUSSIE ET ISRAEL TRAVAILLENT D,ARRACHE-PIED POUR SECURISER LES FRONTIERES ET POUR LE DEPART DES IRANIENS ET DE LEURS ACCESSOIRES DE TOUTE LA SYRIE. ET CE SERA ASSAD QUI LE DEMANDERA DANS LES 12 MOIS QUI VIENNENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 56, le 02 juillet 2018

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