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Liban - Festival

Le Bois des pins, cœur de la mixité sociale durant un week-end

La septième édition du festival culturel « Horch Beyrouth » a été une occasion, pour les Beyrouthins, de profiter en famille d’un jardin public qui leur était interdit il y a encore deux ans.

Un public ravi dans un espace trop longtemps tenu fermé. Photo Mariam Koné

Pour sa septième édition, le festival « Horch Beyrouth » a ouvert ses portes au public le week-end dernier. Malgré le voisinage dense et populeux, ici pas de klaxon, pas de bruit de moteur ni d’effluves de carburant. Le chant des oiseaux et le bruit du vent qui passe dans les feuilles des arbres accueillent les promeneurs. L’atmosphère est légère. L’air est agréable à respirer. Le festival porte bien son nom : le Bois des pins, poumon de la capitale.
Il est 15h, samedi. Les visiteurs avancent, avec méfiance pour certains, avec assurance pour d’autres, selon qu’ils sont des habitués ou pas. Ce sont principalement des familles. Les nounous courent derrière les enfants pendant que les mères les regardent avec amour. Non loin, des amoureux se tiennent la main. Pour accueillir des visiteurs, des stands de sensibilisation à la protection de l’environnement sont tenus par des ONG. Greenpeace ouvre le bal. Des groupes d’amis s’y arrêtent pour discuter avec les bénévoles des solutions pour arrêter l’utilisation de plastique. D’autres continuent leur chemin et participent à une visite guidée du plus grand espace vert de Beyrouth.
Ils sont quelques centaines, pour la plupart des Beyrouthins, à avoir assisté à ce festival, qui a pris fin dimanche. Il faut dire que le Bois des pins a été fermé au public durant 25 ans et n’est devenu accessible qu’il y a deux ans. « Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas que le parc est ouvert à tout le monde. Avec ce festival, nous espérons informer un maximum de personnes de son ouverture », indique à L’Orient-Le Jour Corinne Dik, l’une des organisatrices du festival.
Une heure plus tard, une mélodie se fait entendre. Des scouts palestiniens accompagnent les visiteurs au rythme de leurs cornemuses, jouant une mélodie traditionnelle palestinienne avec des tambours aux sonorités orientales et parfois avec des accents celtes. Trois jeunes femmes se mettent à danser. Lama, une musicienne, vit dans le camp de Borj Chemali (Tyr) : « Nous sommes là pour représenter la culture palestinienne. Nous cherchons à rendre heureux les gens au travers de nos pratiques culturelles. »
Assise entre sa mère et sa grand-mère, Zeina, 8 ans, explique dans un anglais hésitant : « J’adore venir dans ce parc. Je fais des pique-niques avec ma famille. J’aime quand maman m’amène ici. » Sa mère, qui allaite son fils, est émue par la déclaration de sa fille. À quelques mètres d’elle, Hassan, un jeune garçon de 13 ans, joue à cache-cache avec ses amis. Depuis sa cachette située derrière un arbre, il raconte : « J’habite loin du parc, donc je ne peux pas y venir tout seul. C’est ma mère qui m’accompagne. J’aime beaucoup ici parce qu’on peut marcher longtemps, faire des pique-niques et rencontrer des amis. »
 « Ce lieu dégage une bonne énergie pour les enfants, raconte avec enthousiasme Myrna, une jeune maman. Des endroits bons pour la santé comme celui-ci, il n’y en a pas d’autres à Beyrouth. Nous devons en profiter. En plus, si nous avons des activités, c’est encore mieux. »


(Lire aussi : Réclamer l’accès aux lieux publics, un délit d’appartenance ?)


« Construire des souvenirs dans ce lieu »
Plus loin, des clowns proposent des jeux aux enfants. Abed, un jeune père, avec un style qu’on pourrait qualifier de hipster, regarde avec bienveillance son fils participer à l’activité. « C’est très important de montrer aux enfants ce genre de lieu, pour qu’ils y construisent des souvenirs. Je suis peintre, et ce parc est une source d’inspiration pour mes œuvres. Je pense que tout le monde a droit à un lieu calme comme celui-ci dans sa ville. »
Margaux, une Française expatriée au Liban depuis un an, est d’accord : « C’est le seul espace vert correctement aménagé de Beyrouth. Et puis, c’est agréable de voir différentes communautés se côtoyer, et ce dans un lieu sans voiture. »
Si certains se laissent porter par l’effervescence du festival et du lieu, d’autre restent terre à terre. « C’est très paradoxal, explique Lynn, sa petite fille assise entre ses jambes. C’est un lieu qu’on aime beaucoup et qui représente la liberté, mais aussi l’interdit par la difficulté d’y accéder. Le conseil municipal autorise ce festival pour l’utiliser comme prétexte à son inaction dans l’aménagement d’autres espaces verts. La gestion de ce lieu est le symbole même de la corruption dans notre pays. »
Pour comprendre la critique de Lynn, il faut se déplacer un peu plus vers l’entrée du festival au stand de l’association Nahnoo. C’est grâce à elle que les Beyrouthins peuvent accéder au parc, puisqu’elle a longtemps milité pour sa réouverture. Dans un petit livret d’une vingtaine de pages, l’association revient sur l’histoire de ce lieu, sa destruction durant la guerre de 1975-1990, sa réhabilitation financée par la région Île-de-France et sa réouverture au public 25 ans plus tard. « Durant des années, seules les personnes qui possédaient une autorisation de la municipalité pouvaient y accéder. Il y avait des particuliers, surtout des riches, et les établissements scolaires », affirme à L’OLJ Joanna, membre de Nahnoo.
Bien qu’ouvert tous les jours de la semaine de 7h à 13h, et jusqu’au coucher du soleil le week-end, pour certains habitants de la ville, le problème d’accessibilité du lieu est encore problématique. « À chaque fois que je veux me rendre dans le parc avec ma fille, on me demande ma nationalité, et je me refuse de devoir répondre à ce genre de questions pour pouvoir accéder à un espace public, raconte Lynn. C’est ridicule. »

Un lieu à l’avenir incertain
Selon Nahnoo, le parc est menacé par l’expansion de Beyrouh. « L’année dernière, le Conseil des ministres a donné son approbation pour rendre constructible la surface du parc, confirme Joanna. Nous avons entamé des poursuites judiciaires. Avec la municipalité de Beyrouth, tout est possible, et l’avenir du parc n’est pas certain. Nous restons vigilants. Mais contrairement à il y a dix ans, nous ne sommes plus seuls, la société civile est mieux informée sur ses droits et elle saura les revendiquer s’ils ne sont pas respectés. »
Loin de se laisser perturber par l’avenir incertain du parc, les habitants profitent du lieu. Les plus courageux sont restés jusqu’à 22h. Cela en valait la peine. Un concert vient de débuter. La mélodie des instruments fascine tout le monde. L’air frais fait voler les mèches de cheveux, le doux parfum de la nourriture des stands nous transporte et la musique nous fait rêver. Seuls quelques-uns ont encore l’énergie de courir autour de la scène. Le cadre est idyllique… et cette histoire s’est écrite à Beyrouth.
Ce melting-pot de 48 heures a donné l’occasion aux pauvres, aux moins pauvres, aux Libanais et aux étrangers de se croiser, d’échanger à l’ombre d’un arbre. Et il sonne comme un message aux officiels : c’est ce qui permettra à Beyrouth de porter haut les couleurs de sa mixité sociale.


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