Le président libanais Michel Aoun et le Premier ministre sortant Saad Hariri, qui ont tous deux reçu la chancelière allemande Angela Merkel en visite officielle au Liban, ont affiché vendredi leurs divergences sur le dossier des réfugiés syriens.
Selon notre correspondante à Baabda, Hoda Chedid, le chef de l'Etat, qui a reçu au palais de Baabda Mme Merkel,a demandé à Berlin de "soutenir la position du Liban appelant au retour progressif des déplacés syriens dans des zones sûres" dans leur pays, insistant sur "la nécessité de dissocier leur retour d'une solution politique en Syrie qui pourrait tarder à venir".
Selon la présidence libanaise, Mme Merkel a dit comprendre la position du Liban, soulignant qu'une solution politique en Syrie contribuerait à régler rapidement le dossier des réfugiés. Les deux responsables n'ont pas fait de déclarations à l'issue de leur entretien, qui a duré un peu moins d'une heure.
Baabda était la dernière étape de la visite de Mme Merkel, arrivée jeudi soir et qui a rencontré à deux reprises le Premier ministre désigné Saad Hariri. Lors d'une conférence de presse avec la responsable allemande, ce dernier a affirmé avoir "répété à la chancelière que la seule solution permanente (à la crise des réfugiés syriens) consiste en un retour digne et sûr des déplacés syriens vers la Syrie", soulignant qu'une solution politique à la crise syrienne était nécessaire. Saad Hariri et Angela Merkel ont tous deux insisté sur le fait que tout retour des réfugiés syriens chez eux devrait être "sécurisé".
"La visite de la chancelière allemande au Liban en cette phase délicate est un signe de l'importance qu'accorde l'Allemagne à la stabilité politique et économique du Liban, et c'est une occasion pour renforcer les liens bilatéraux historiques", a ajouté M. Hariri.
(Lire aussi : La coopération économique au cœur de la visite de Merkel à Beyrouth)
"Solution politique" en Syrie
Même son de cloche de la part d'Angela Merkel : "Nous œuvrons pour une solution politique en Syrie qui puisse permettre un retour des réfugiés chez eux. Ce retour doit avoir lieu lorsque les conditions sécuritaires requises seront assurées", a-t-elle insisté. "Le Liban passe par des circonstances difficiles et est un exemple de vivre-ensemble pour le monde. Il faut soutenir le Liban car l'accueil des réfugiés est difficile pour un tel pays. J'ai dit aux responsables que la solution consiste en une coopération avec les organisations onusiennes pour obtenir un accord", a-t-elle ajouté.
La visite de Mme Merkel, qui a quitté Beyrouth en fin d'après-midi, est intervenue alors que le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, est en conflit ouvert avec le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) qu'il accuse d'entraver le retour volontaire des réfugiés syriens dans leur pays. Il a gelé la semaine dernière les procédures de renouvellement des permis de séjour des employés du HCR, lequel estime que tout retour en Syrie est prématuré, mais ne s'oppose pas à des retours volontaires.
Le Liban accueille près de 1,5 million de réfugiés syriens, dont près d'un million inscrits auprès du HCR. Ils ont fui la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011. Les responsables libanais, notamment le président de la République et le chef de la diplomatie, appellent depuis plusieurs mois à organiser leur retour vers des zones sûres contrôlées par le régime syrien.
En réponses aux questions des journalistes, Saad Hariri a expliqué que "la question des déplacés est d'ordre humanitaire. Le Liban a le devoir d'accueillir ces déplacés, en attendant leur retour chez eux. S'il ne le fait pas, le Liban et le monde auront perdu leur humanité. (...) Mais les Libanais ne peuvent pas supporter ce grand nombre de déplacés sans une croissance économique. C'est pour cela que les efforts sont axés sur cette croissance. En tant que responsables et en tant qu'Etat, nous avons un devoir humanitaire. Mais nous restons attachés à un retour rapide des déplacés, un retour sécurisé. Mais nous n'allons pas leur tourner notre dos".
Interrogé par une journaliste sur les craintes d'une implantation des réfugiés syriens, M. Hariri s'est voulu rassurant : "Les appréhensions des Libanais trouvent leur réponse dans la Constitution qui interdit l'implantation. Il n'y a pas eu d'implantation des réfugiés palestiniens, et cela n'arrivera pas avec les déplacés syriens", a-t-il affirmé.
M. Hariri a dans ce contexte remercié Berlin "pour son soutien humanitaire qui vise à alléger le poids de la crise des déplacés syriens", mais a fait savoir qu'il y a un "besoin d'augmenter ces aides humanitaires essentielles de manière continue et globale, de sorte à ce que ces aides ne soient pas uniquement destinées aux déplacés, mais également aux pays qui les accueillent", tel que le Liban.
M. Hariri a également expliqué qu'il a "discuté avec la chancelière allemande du rôle que Berlin peut jouer, notamment en aidant le Liban à appliquer les engagements qu'il a pris lors de la conférence de Bruxelles 2 (sur les réfugiés), notamment la lutte contre la pauvreté au Liban et le soutien stratégique à l'enseignement national technique".
Le Premier ministre libanais a enfin "assuré à Mme Merkel que le Liban reste engagé à respecter la résolution 1701 (du Conseil de sécurité de l'ONU)" et a remercié la chancelière pour la participation de l'Allemagne à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) et le soutien de Berlin au Tribunal spécial pour le Liban qui juge les assassins de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, tué dans un attentat en 2005.
Angela Merkel a pour sa part souligné que la conférence de CEDRE "assure un bon cadre de coopération". "Notre objectif est de renforcer les relations germano-libanaises, et l'Allemagne va contribuer aux réformes structurelles que le Liban s'est engagé à mener à l'issue des conférences internationales, notamment CEDRE. L'Allemagne s'est engagée à aider et soutenir le Liban".
En fin de matinée, Angela Merkel avait été reçue à Aïn el-Tiné par le président du Parlement, Nabih Berry, et s'était rendue dans une école à Ras Beyrouth.
Lire aussi
commentaires (9)
Du coté positif, Merkel elle a parlé quand-méme 3 réprésentants Hariri, Aoun et Berry; donc c'est déjà équilibré sauf qu'il faudrait aussi aller parler avec les arméniens, les druzes, les grecque-orthodoxes, assyriens etc. qui vivent au Liban pour soutenir "les" positions du Liban (plusieurs positions, non pas soutenir singulier "la" position comme Aoun a dit) c'est qu'il y a plusieurs positions au Liban.
Stes David
21 h 28, le 22 juin 2018