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Liban - Drame familial - Liban

« Papa, pourquoi tu veux me prendre avec les soldats ? »

Déboutée par la justice, la maman, Mayssa Mansour, se prévalant de la double nationalité de son fils, a l’intention d’en appeler à des instances européennes.

Lorsque les enfants paient le prix du désaccord entre les parents. Photo Bigstock

Aucun mot ne peut décrire la scène montrant F., un garçon d’un peu moins de 10 ans, arraché de force à sa mère par les Forces de sécurité intérieure. Sur la vidéo, qui a largement circulé sur les réseaux sociaux au cours des derniers jours, suscitant l’indignation des internautes, on voit l’enfant pleurant et suppliant les gendarmes – et ultérieurement son père – de le laisser avec sa maman. « Je ne veux pas partir », « Je peux parler ? » « Papa, pourquoi tu veux me prendre avec les soldats ? »… hurle l’enfant, en détresse. Ses cris désespérés et ses supplications n’ont pas pour autant attendri les soldats, encore moins le père, qui ont insisté à le confier à ce dernier, « accomplissant leur devoir, conformément à la loi et à la décision des autorités judiciaires compétentes », selon un communiqué des FSI.

Tout s’est déroulé vendredi, au premier jour de la fête du Fitr. Mayssa Mansour, la maman, et son fils se trouvaient à la maison, lorsque, en début d’après-midi, « douze gendarmes, venus à bord de cinq jeeps et de deux voitures, ont enfoncé cinq portes de l’appartement », à Ras el-Nabeh, pour prendre l’enfant et « le remettre à son père, qui était présent sur les lieux », raconte à L’Orient-Le Jour Mme Mansour. Cette dernière avait perdu la garde de l’enfant, dans le cadre d’un jugement du tribunal chérié sunnite, daté du 26 avril 2018. Conformément à cette décision, Mayssa Mansour aurait dû remettre l’enfant à son père au plus tard au début du mois de juin.


(Lire ici les explication des FSI)


Toutefois, elle ne l’a pas fait. « J’avais présenté un recours en appel ainsi que deux demandes pour geler l’application de la décision de la Cour de première instance », confie-t-elle. « J’ai même ouvert un dossier auprès du tribunal des mineurs pour protéger mon fils, poursuit Mayssa Mansour. Nous avons été surpris de constater que les deux demandes du gel de l’exécution du jugement n’ont pas été prises en considération, sachant que l’article 16 des dispositions concernant la famille stipule que la décision concernant la garde de l’enfant n’est exécutée qu’après la fin de l’année scolaire. » Le petit F. est en période d’examen jusqu’au 20 juin. « La direction de l’établissement scolaire m’a donné une attestation à ce sujet que nous avons jointe aux dossiers à la cour d’appel, au département de l’exécution des jugements ainsi qu’au tribunal des mineurs, précise la mère. Mais aucune de ces trois parties n’a fait montre de coopération. Plus encore, nous avons été surpris par un jugement de la cour d’appel qui s’aligne sur celui de la Cour de première instance, affirmant ainsi que rien n’interdit l’exécution du jugement de celle-ci, fixant aussi le même montant des amendes auxquelles je suis soumise, à savoir 1 000 dollars pour chaque jour de retard dans la remise de l’enfant à son père, en plus d’une amende supplémentaire de 500 000 livres libanaises pour recours abusif à la justice. »


(Pour mémoire : La procédure judiciaire se poursuit contre Sally Faulkner, qui a tenté d'enlever ses enfants au Liban)


Recours au tribunal européen pour les droits de l’homme
C’est la troisième fois que le mari de Mayssa lui intente un procès pour lui retirer la garde de l’enfant. « Je suis la plus à même d’élever mon fils, affirme-t-elle. Je suis dévouée à lui. Je ne me suis pas remariée pour me consacrer à son éducation, alors que son père s’est remarié et il a eu deux enfants. Mon fils a la double nationalité libano-française. Son père essaie d’exercer une pression sur moi pour que je ne présente pas un procès devant les instances judiciaires françaises parce qu’il sait qu’il va perdre le procès, alors qu’au Liban, il a un pouvoir sur le tribunal chérié sunnite. Il bénéficie même de la corruption dans le pays. J’étais prête à ne pas recourir aux tribunaux français s’il me garantissait la garde de mon fils devant les tribunaux libanais. »

Depuis vendredi, Mayssa Mansour essaie en vain de parler à son fils. Elle a des « nouvelles épisodiques de lui, montées de toutes pièces, qui m’arrivent à travers les autres », note-t-elle. « On essaie d’exercer une pression sur lui pour qu’il ne dise pas ce qu’il veut vraiment. J’ai demandé qu’une psychologue pour enfants le voie dans les plus brefs délais pour évaluer l’impact du trauma qu’il a vécu. On n’a pas répondu à mon appel. J’espère qu’on le fera demain (aujourd’hui). »
Mayssa Mansour ne compte pas baisser les bras. « Je veux que les responsables de ce pays et que la justice m’accordent mon droit, martèle-t-elle. Je voudrais aussi que les Libanais que l’injustice révoltent se tiennent à mes côtés. Si la justice libanaise ne m’accorde pas mon droit, je recourrai au tribunal européen pour les droits de l’homme. »


(Pour mémoire : Épilogue partiel de l’affaire rocambolesque de rapt d’enfants)


De multiples interrogations
Pour Leila Awada, avocate et membre fondatrice de l’ONG Kafa, qui suit le dossier de près, cette insistance à exécuter un jugement en un jour de fête soulève plusieurs points d’interrogation. « Pourquoi cette hâte à exécuter un jugement qui n’est pas définitif, puisque la mère a présenté un recours un appel et par conséquent le différend n’a pas été résolu ? s’interroge-t-elle. Pourquoi l’exécuter, en l’absence d’une déléguée des mineurs? Pourquoi l’Inspection judiciaire, qui est supposée contrôler le travail des magistrats, n’a pas réagi et quelle est sa position concernant la manière dont a été exécuté ce jugement ? »

L’avocate explique qu’un jugement n’est exécuté en un jour de fête que « s’il y a un abus des droits ». Or, selon elle, ce n’était pas le cas. « Ce qui est révoltant, c’est de constater que les FSI ont pu dépêcher douze agents pour récupérer l’enfant, alors que, lorsque nous signalions le cas d’une femme victime d’une violence, on nous répondait qu’il n’y a pas de patrouilles disponibles, critique-t-elle. Comment ont-elles réussi à dépêcher deux patrouilles ce jour-là ? On n’aurait pas pu trouver un moyen pour éviter à l’enfant cet épisode traumatisant ? »

Vendredi, le ministre sortant de la Justice, Salim Jreissati, a déclaré qu’il suivra de près le dossier du petit F., affirmant qu’il est « soucieux de la bonne application des lois » et qu’il informerait « l’opinion publique libanaise de sa décision dans un communiqué officiel ». M. Jreissati devrait recevoir Mayssa Mansour aujourd’hui.

Aucun mot ne peut décrire la scène montrant F., un garçon d’un peu moins de 10 ans, arraché de force à sa mère par les Forces de sécurité intérieure. Sur la vidéo, qui a largement circulé sur les réseaux sociaux au cours des derniers jours, suscitant l’indignation des internautes, on voit l’enfant pleurant et suppliant les gendarmes – et ultérieurement son père – de le...

commentaires (7)

C la 3 e fois que l'epoux intente proces au Liban,demontrant ainsi une perseverance a vouloir obtenir la garde de l'enefant : pourquoi donc attendre recourir a la justice francaise ? est ce parce que ce serait une tentative perdante car enfant mere et pere resident aux LIban et que donc aucune juridiction francaise ne serait applicable ?

Gaby SIOUFI

10 h 42, le 18 juin 2018

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Commentaires (7)

  • C la 3 e fois que l'epoux intente proces au Liban,demontrant ainsi une perseverance a vouloir obtenir la garde de l'enefant : pourquoi donc attendre recourir a la justice francaise ? est ce parce que ce serait une tentative perdante car enfant mere et pere resident aux LIban et que donc aucune juridiction francaise ne serait applicable ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 42, le 18 juin 2018

  • Arrivés à ce stade cela démontre une incapacité des deux parties à se mettre d'accord pour le bien de l'enfant.Ils se sont focalisés sur leur propre amour propre, loin de l’intérêt de la famille disloquée.Égoïsme, immaturité et orgueil. La loi civile et la shari3a ne sont que des moyens artificiels pour arriver à un consensus.Il peut être injuste à l'un des deux parties. kafa est une association calquée sur le modèle suisse :Solidarité femme .C'est une association qui défend le droit des femmes violentées,mais son problème est que l'homme est considéré comme un adversaire à abattre par tous les moyens.Ils n'hésitent pas et très souvent à utiliser les faux témoignages et des distorsions de la réalité.Le résultat est sans appel:séparation et divorce .Je crois qu’œuvrer par le dialogue à la réconciliation est toujours possible.Et cette option est mise au placard par ces deux associations.

    Abi Kheir Walid

    10 h 29, le 18 juin 2018

  • Rappel douloureux d’un Liban aux coutumes archaiques et ancestrales qui n’ont jamais evolue, et que plusieurs tendent a ignorer en detournant pudiquement la face.

    Cadige William

    10 h 21, le 18 juin 2018

  • Allons donc! Et vous vous attendez à quoi dans un pays qui applique la charia? Pauvre enfant, et pauvre maman!

    Georges MELKI

    09 h 20, le 18 juin 2018

  • Vraiment incroyable qu un etre humain soit traite comme une marchandise qui doit etre livree avec astreinte financiere...!il n y a pas de mot assez fort pour condamner une telle situation!violation innaceptable des droits d un enfant qui lui et lui seul a le droit de decider avec qui resider!on souhaite beaucoup de courage a cette maman exemplaire afin d epuiser toutes les voies legales en France et en Europe afin que soit respectee la volonte du pauvre enfant pris en otage par un pere indigne qui de toute evidence ne cherche qu a nuire a la mere quite a traumatiser a vie son propre fils!

    HABIBI FRANCAIS

    08 h 52, le 18 juin 2018

  • La loi doit protéger l'enfant et le citoyen en général. Dans ce cas précis elle brise l'enfant et la mère. Où est la Justice ?

    Sarkis Serge Tateossian

    07 h 22, le 18 juin 2018

  • Scandaleux et inadmissible ! Il est temps de changer ces lois injustes et abérrantes surtout dans les cas de ce genre qui doivent être uniquement en faveur et dans l'intérêt des enfants !

    Claude AZRAK

    07 h 00, le 18 juin 2018

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