Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Revirement de Sadr : un revers pour l’Arabie saoudite

Le chef religieux chiite Moqtada Sadr (à gauche) et Mohammad ben Salmane à Djeddah. Photo AFP

Le retournement de veste de Moqtada Sadr a dû faire grincer des dents à Riyad. Si l’Arabie saoudite avait pu se féliciter de la victoire du clerc chiite au discours anti-iranien aux élections législatives de mai, l’alliance que ce dernier a formée mardi avec Hadi al-Ameri, le chef du Fateh, le parti le plus pro-iranien sur la scène irakienne, marque clairement un revers pour le royaume saoudien. Elle confirme que la marge de manœuvre de l’Arabie saoudite pour endiguer l’influence iranienne chez son voisin reste limitée.

Riyad pensait en effet tirer les dividendes de sa récente stratégie politique en Irak, consistant à se rapprocher des forces chiites les moins dépendantes de Téhéran, à l’instar de Moqtada Sadr. Reçu à Riyad le 30 juillet 2017 par le prince héritier et homme fort du royaume Mohammad ben Salmane, Moqtada Sadr avait souligné avec son interlocuteur la nécessité de « rééquilibrer les relations régionales de l’Irak », sous l’emprise d’un condominium américano-iranien depuis la chute de Saddam Hussein. Prenant acte de la domination des forces chiites sur la scène politique irakienne, MBS entendait tirer profit du discours « arabiste » et anti-iranien du clerc chiite et ainsi tisser une nouvelle alliance dépassant les clivages sectaires.


(Lire aussi : Volte-face de Moqtada Sadr qui s’allie avec une force pro-iranienne)


L’espace d’un temps, la victoire de Moqtada Sadr, célébrée aux chants des slogans « Iran dehors » , a confirmé la stratégie saoudienne, reposant parallèlement sur une normalisation des relations avec les autorités irakiennes. Résignée à entrer sur la scène politique irakienne par le biais des chiites nationalistes, considérés comme moins inféodés à Téhéran, Riyad a rouvert le dialogue avec le Premier ministre irakien Haider al-Abadi en 2015. En juillet 2017, ce dernier s’est rendu à Djeddah, où il a été reçu par le roi Salmane. Cette rencontre avait été précédée par la visite du ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir en février 2017 à Bagdad, la première à ce niveau en Irak depuis 2003, alors que le royaume a rouvert fin 2015 une ambassade dans la capitale irakienne après 25 ans d’absence diplomatique. Ces rencontres de haut niveau ont été suivies par une série de mesures, notamment la reprise des liaisons aériennes et la réouverture de deux postes-frontières, restés fermés depuis les années 1990, l’avancée des négociations commerciales et la signature de contrats saoudiens dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture ou de la pétrochimie. « L’Arabie saoudite a mis sur la table des promesses d’investissement considérables dans le Sud irakien », ajoute Loulouwa al-Rachid, consultante pour l’Irak au Carnegie Middle East Center. Riyad pensait jouer la double carte Sadr-Abadi contre Téhéran. « Mais c’était surtout du wishful thinking », ajoute Loulouwa al-Rachid.


(Lire aussi : Incendie au plus grand dépôt de bulletins de vote d'Irak avant un décompte)



« Relais à l’intérieur de l’establishment »
Si elle n’était pas forcément vouée à l’échec, la stratégie saoudienne n’en était pas moins bancale dès le départ. Moqtada Sadr n’a jamais été l’homme de Riyad, la nature de leur entente ayant toujours été circonstancielle. « L’implantation tentaculaire de l’Iran en Irak, à tous les niveaux de la société, rendait illusoire l’idée que Moqtada Sadr puisse se passer d’un compromis avec les branches chiites pro-iraniennes, en vue d’une coalition pour la formation d’un gouvernement », explique Adel Bakawan, chercheur associé à l’EHESS. « Il ne s’agit pas tant de moyens financiers que de la capacité sur le terrain à organiser une véritable influence à travers des réseaux et relais à l’intérieur de l’establishment irakien et des cercles religieux. Or les Saoudiens n’ont pas cette connaissance intime du système irakien qu’ont acquis les Iraniens, patiemment depuis 2003 », analyse Loulouwa al-Rachid.
L’enjeu pour l’Arabie saoudite est aujourd’hui de préserver la normalisation des relations avec Bagdad en l’encourageant, via ses moyens financiers, à diversifier ses alliances. « La question est de savoir si Hadi al-Ameri sera dans une logique d’ouverture avec les acteurs extérieurs ou s’il privilégiera un dialogue exclusif avec le partenaire iranien, qui l’a formé, soutenu et financé. Dans ce contexte de transition pour l’Irak, il n’est pas exclu que Hadi al-Ameri fasse preuve de pragmatisme, d’autant plus que l’Arabie saoudite a mis sur la table son importante contribution à l’effort de reconstruction » , conclut Myriam Benraad, chercheuse associée à l’Institut d’études sur les mondes arabe et musulman.


Pour mémoire
Moqtada Sadr, le clerc chiite qui défie Téhéran

La victoire de Sadr, un revers pour Téhéran ?    

L'Iran et les Etats-Unis tentent d'influer en Irak après la victoire de Moqtada Sadr

En Irak où les électeurs voulaient le changement, nouveaux entrants et grands perdants


Le retournement de veste de Moqtada Sadr a dû faire grincer des dents à Riyad. Si l’Arabie saoudite avait pu se féliciter de la victoire du clerc chiite au discours anti-iranien aux élections législatives de mai, l’alliance que ce dernier a formée mardi avec Hadi al-Ameri, le chef du Fateh, le parti le plus pro-iranien sur la scène irakienne, marque clairement un revers pour le royaume...

commentaires (2)

Je ne dis pas que la corruption n'existe pas en pays "chiite" , mais je dis que le fric bensaoud ne fait plus recette dans cette communauté. Les chiites ont compris que l'importance de leur survie dépassaient de très loin les quelques dollars de plus que les bensaouds qui n'ont que ça à proposer , puissent opérer sur eux .

FRIK-A-FRAK

10 h 42, le 14 juin 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Je ne dis pas que la corruption n'existe pas en pays "chiite" , mais je dis que le fric bensaoud ne fait plus recette dans cette communauté. Les chiites ont compris que l'importance de leur survie dépassaient de très loin les quelques dollars de plus que les bensaouds qui n'ont que ça à proposer , puissent opérer sur eux .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 42, le 14 juin 2018

  • FAUT PAS DONNER TROP D'IMPORTANCE A CET ENTENDEMENT DE SADR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 04, le 14 juin 2018

Retour en haut