Un mystérieux incendie a ravagé dimanche à Bagdad un dépôt où se trouvaient des bulletins de vote des législatives du 12 mai, mais des responsables ont assuré qu'ils n'avaient pas brûlé, alors qu'un nouveau décompte des voix est prévu. Après plusieurs heures, l'incendie qui s'est déclaré dans le dépôt des bulletins de vote de la plus grande circonscription d'Irak a été maîtrisé dans la soirée.
Des responsables ont tenté de minimiser l'importance du sinistre dont l'origine n'était pas connue dans l'immédiat. Le scrutin de mai, qui devait permettre à l'Irak de tourner la page après trois années de combat contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), s'est transformé en feuilleton judiciaire et politique à rebondissements, augmentant le scepticisme de la population sur l'honnêteté du scrutin.
Si les tractations gouvernementales ont débuté entre les vainqueurs, le leader nationaliste Moqtada Sadr en tête, les tentatives de faire annuler le vote, sur fond de suspicion de fraudes, n'ont pas cessé. Après plusieurs sessions sans quorum, le Parlement est finalement parvenu mercredi à obtenir qu'un nouveau décompte, manuel cette fois, ait lieu.
(Lire aussi : Moqtada Sadr, le clerc chiite qui défie Téhéran)
Les urnes "préservées"
La commission électorale a, elle, été limogée et des dispositions ont été prises pour entamer le décompte que le gouvernement veut lancer au plus vite.
Dimanche, peu après que le Conseil supérieur de la magistrature a annoncé la nomination de neuf juges pour superviser le décompte et remplacer les membres de la commission électorale, un incendie s'est déclaré dans des entrepôts du ministère du Commerce à Bagdad. Les urnes de la circonscription d'al-Roussafa, dans l'est de Bagdad, y étaient entreposées. C'est dans cette circonscription, la plus grande d'Irak, qu'ont voté 60% des deux millions d'électeurs de la capitale.
Alors qu'une immense colonne de fumée noire s'échappait du dépôt, des employés en sont sortis en courant, emportant les urnes avec eux. Il a fallu plusieurs heures aux pompiers, arrivés à bord d'une dizaine de camions, pour maîtriser l'incendie, selon un journaliste de l'AFP sur place. "Un hangar avec du matériel utilisé par la commission électorale a été brûlé mais les trois autres où se trouvaient les urnes ont été préservés du feu", a indiqué sur place le porte-parole du ministère de l'Intérieur, le général Saad Maan.
De son côté, le responsable de la commission électorale à Al-Roussafa, Imed Jamil, a déclaré à l'AFP qu'"une salle où était stockés des machines de vote et des équipements nécessaires au processus électoral a été ravagée par les flammes". Mais, a-t-il assuré, "les urnes étaient stockées dans une autre salle". Selon lui, le nouveau décompte des voix n'est pas compromis.
Sur les réseaux sociaux, les Irakiens étaient divisés sur l'origine du sinistre. Certains croyaient à un accident, d'autres assurant qu'il s'agissait d'une action préméditée de la part d'un des perdants. Sur les lieux, un candidat malheureux aux législatives, Fateh al-Cheikh, s'époumonait: "on brûle les voix des Irakiens. Ceux qui ont trafiqué les résultats sont derrière cet incendie".
(Lire aussi : La victoire de Sadr, un revers pour Téhéran ?)
"Véritable crise"
Ce nouvel épisode vient alimenter une "véritable crise" après un scrutin marqué par une abstention sans précédent, affirme à l'AFP le politologue Essam al-Fili. "Les Irakiens ne font plus confiance à toutes les têtes qu'ils voient depuis des années" car pour eux "beaucoup de forces s'attachent plus aux positions de pouvoir qu'à l'intérêt public", dit-il.
Outre le nouveau décompte, le Parlement a ordonné l'annulation du vote des expatriés et des déplacés -environ un million de voix- sur lesquels portent la plupart des soupçons. Des candidats dénoncent aussi l'utilisation de machines de vote électroniques, une première en Irak.
Le prochain décompte pourrait ne modifier la donne qu'à la marge, assurent les experts. Il pourrait modifier les équilibres entre candidats au sein d'une même liste, sans toutefois changer de beaucoup le nombre de députés de chaque mouvement. Signe supplémentaire que ces changements pourraient n'être que marginaux: malgré les accusations de fraudes, les tractations gouvernementales déjà bien entamées se poursuivent au même rythme pour former une majorité qui gouvernera pendant quatre ans l'Irak de l'après-EI.
Dès l'annonce des premiers résultats, les deux puissances agissantes en Irak, les Etats-Unis et l'Iran, avaient chacune envoyé des émissaires pour tenter d'influer sur le futur cabinet. Les possibilités d'alliance restent toutefois ouvertes, face au Parlement le plus éclaté depuis les premières élections multipartites en 2005.
Lire aussi
L'Iran et les Etats-Unis tentent d'influer en Irak après la victoire de Moqtada Sadr