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À La Une - reportage

Huit ans après, le retour à la vie civile pour des conscrits syriens

"La guerre a retardé mon projet de dix ans", raconte Mohammad Damour qui rêvait de devenir journaliste, caméra au poing, à travers les souks de Damas. "J'ai désormais 27 ans et je suis toujours en première année universitaire".

Mohammad Damour, conscrit syrien démobilisé, prend des photos dans le souk de Damas, le 4 juin 2018. Photo AFP / LOUAI BESHARA

Après plusieurs années de service militaire dans une Syrie ravagée par la guerre, Sonel Ali peut enfin troquer son uniforme kaki pour une tenue civile : ce trentenaire fait partie de milliers de jeunes conscrits enfin démobilisés.

La nouvelle est tombée fin mai : l'armée a indiqué avoir décidé de "démobiliser les officiers et réservistes du recrutement Classe 102 à partir du 1er juin 2018". Une référence au groupe d'appelés de 2010, un an avant la révolte en mars 2011 contre le régime de Bachar el-Assad, et le début de l'interminable conflit syrien qui a fait plus de 350.000 morts.

Alors qu'il plie bagages, son téléphone ne cesse de sonner: des proches l'appellent pour le féliciter, mais aussi des compagnons d'armes appartenant à des promotions moins anciennes, et qui attendent encore la bonne nouvelle. "Nous sommes les premiers et vous nous suivrez!", promet-il à un ami. "Et les plus rudes batailles sont derrière nous".

Le régime, soutenu par son allié russe, a enchaîné les victoires ces deux dernières années et contrôle désormais plus de 60% du pays. Les plus récentes conquêtes lui ont permis de sécuriser tout Damas et ses alentours. Cela a diminué la pression sur l'armée, dont les effectifs, estimés à 300.000 avant la guerre, ont été réduits de moitié en sept ans de conflit, du fait des décès ou des désertions.
Les gains militaires ont, en parallèle, renfloué les rangs grâce aux milliers d'hommes de zones rebelles reconquises qui n'avait pas encore accompli leur service militaire.


(Lire aussi : Deraa et Qouneitra sur le point de retomber dans l’escarcelle de Damas sans combats)


"Nouvelle naissance"

Avant de fermer sa valise noire, Sonel Ali y glisse une gourde et une paille traditionnelles qu'il a longtemps utilisées pour siroter, entre camarades, le "maté", un thé traditionnel très populaire en Syrie. "Je les garde. Ils étaient mes compagnons tout au long de ce service militaire", dit-il.

Comme lui, Mohammad Damour vient de renouer avec la vie civile après avoir été contraint de passer près d'une décennie dans l'armée, lui qui rêvait de devenir journaliste. "La guerre a retardé mon projet de dix ans", déclare-t-il à l'AFP, caméra au poing, à travers les souks de Damas. "J'ai désormais 27 ans et je suis toujours en première année universitaire".

Dans le nord du pays, Maher Daro, originaire d'Alep, a eu droit à un accueil festif. Dans des images transmises à l'AFP, le jeune trentenaire apparaît avec son père dans une voiture décorée de fleurs rouges et blanches. Des percussionnistes ont été invités pour l'occasion.
A peine l'ancien soldat a-t-il posé le pied sur le seuil de la maison familiale que tambours, danse circulaire, cris de joie et tirs en l'air se mélangent. "C'est comme une nouvelle naissance", dit-il à l'AFP. "Toute personne qui part à la guerre est condamnée à l'égarement et celle qui en revient renaît".

Maher a passé sa première nuit hors de la caserne en compagnie de son cercle d'amis le plus restreint. Il partage avec eux des histoires vécues sur le front, y compris celle de l'offensive du régime contre l'ultime bastion rebelle dans la Ghouta orientale, aux portes de Damas, repris en avril.

"Sans-abris"

L'accueil réservé à Maher et Sonel n'est toutefois pas la norme.
Mohammed Alaa, 31 ans, s'est réfugié dans une petite chambre en banlieue de Damas après avoir appris sa démobilisation. "Où vais-je aller?", répète-t-il en boucle, le front entre les mains.
Après avoir accepté de parler sous pseudonyme, il explique avoir perdu tout contact avec sa famille.
Sa ville de Raqqa (nord), a été prise par les rebelles puis par le groupe jihadiste Etat islamique (EI), avant de tomber en octobre 2017 aux mains d'une alliance arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis.
"Je passais tous mes congés à la caserne", raconte-t-il. "Désormais, je ne sais pas où dormir, ni quoi manger ou boire".
Avant son service, il travaillait la terre de son grand-père à Raqqa. Cet ancien soldat dit ignorer le sort de cette terre et celui de sa maison, sa famille ayant fui vers la Turquie voisine durant les combats contre l'EI.
"La plupart de mes amis sont heureux, mais pas tous", commente-t-il encore en regardant une petite photo de sa mère suspendue à une chaîne autour du cou. "Le service militaire était comme un emploi stable, avec un salaire décent pour ceux qui, comme moi, sont sans abri".


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TE3TIIR !

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 33, le 07 juin 2018

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  • TE3TIIR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 33, le 07 juin 2018

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