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Une question de cohérence

S’agit-il d’un malheureux faux pas ou y aurait-il plutôt réellement anguille sous roche ? Cette interrogation, lourde de conséquences, est au centre d’un débat national fiévreux depuis qu’a éclaté au grand jour, à la fin de la semaine dernière, l’affaire du nouveau décret présidentiel accordant la nationalité libanaise à plus de 360 personnes, dont semble-t-il un nombre non négligeable de personnalités syriennes considérées comme faisant partie du cercle étroit entourant le régime Assad.
Qu’on ne s’y méprenne pas. Nul ne saurait contester, d’abord, le droit du chef de l’État à accorder par décret la nationalité à des ressortissants étrangers s’il juge cela légitime et justifié. Tous les présidents de la République l’ont fait, généralement à la fin de leur mandat. Encore que cette démarche était fondée sur des critères précis et rationnels, et non pas sur une simple décision arbitraire. Il reste que dans le présent cas de figure, ce n’est pas à un niveau légal ou constitutionnel que le problème doit être soulevé. C’est essentiellement sur le plan de la cohérence (ou l’incohérence) dans l’attitude du pouvoir qu’il convient de se placer. Une incohérence à double titre.
On ne peut pas ainsi mener une campagne assidue, qui frôle souvent la xénophobie, pour pousser au retour des réfugiés syriens à leurs foyers et refuser tout contact avec le régime de Bachar et dans le même temps accorder la nationalité à des piliers d’un tel régime ainsi qu’à des centaines de Syriens pour des motifs pour le moins discutables, pour ne pas dire douteux et suspects. Plusieurs questions se posent à cet égard. Pourquoi, notamment, le décret controversé a-t-il été concocté en catimini? Pourquoi le ministre de l’Intérieur a-t-il refusé d’en dévoiler la teneur aux Forces libanaises, aux Kataëb et au PSP qui ont réclamé d’avoir accès au document officiel ? Le secret qui a entouré toute cette affaire ne cache-t-il pas certains aspects inavouables? Et à ce propos, pourquoi cet intérêt collectif manifesté pour la nationalité libanaise par tous ces hommes d’affaires, personnalités influentes de haut rang, anciens ministres, hauts responsables d’organismes professionnels et économiques, tous très proches du régime syrien dont ils paraissent constituer le réseau financier et économique ? N’est-il pas légitime de se demander s’il existe un quelconque lien entre un tel engouement suspect et les sanctions américaines visant la sphère rapprochée du clan Assad ?
Autant d’interrogations qui induisent toutes sortes de supputations et de spéculations sur les possibles motivations du pouvoir. Et c’est sur ce point précis que porte la seconde incohérence dans la ligne de conduite de Baabda et du Premier ministre (signataire lui aussi du décret). On ne peut pas, en effet, se poser à longueur de journée en porte-étendard de la transparence, de la lutte contre la corruption et du redressement économique, et en même temps prendre des initiatives, telles que ce décret sur l’octroi de la nationalité, qui sont entachées de multiples et mystérieuses zones d’ombre. Il y a près de deux mois, la France a réuni à Paris de nombreux pays et organismes internationaux qui se sont penchés sur la situation socio-économique délicate du Liban et qui ont pris l’engagement de demeurer à son chevet à la condition qu’il mette en place une série de réformes structurelles, dont le passage obligé est précisément la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Les graves doutes suscités par les circonstances dans lesquelles a été avalisé ce décret de naturalisation ne peuvent que ternir l’image du pouvoir et porter un coup sévère à sa crédibilité auprès des instances internationales.
Certes, le chef de l’État a chargé, samedi, la Sûreté générale d’enquêter sur les personnes ayant bénéficié du décret en question, allant jusqu’à demander aux citoyens de fournir aux autorités concernées les informations qui pourraient être en leur possession sur ce plan. Or c’est là que le bât blesse. Car c’est en amont et non pas après l’approbation du décret qu’une telle enquête aurait dû être menée, et ce n’est sûrement pas le citoyen ordinaire qui possède les moyens de se livrer à une telle mission. Encore faut-il, en outre, que la liste des naturalisés soit rendue publique pour que le citoyen lambda puisse apporter, le cas échéant, son concours aux services de sécurité, comme l’a suggéré le président Aoun.
Mais au-delà du cas, certes grave, de la naturalisation, c’est à l’ensemble du dossier de la corruption et de la bonne gouvernance que le pouvoir est aujourd’hui confronté. Les cas de magouilles douteuses sont en effet légion. La dernière en date est l’affaire des bâtiments de la rue Monnot datant du mandat français dont la destruction a été autorisée par l’actuel ministre de la Culture alors que son prédécesseur, le très respectable Rony Araygi, les avait classés comme patrimoine à conserver… Sans compter le dernier litige sur les navires-centrales. Est-il possible à ce sujet que les Forces libanaises, le parti Kataëb, le PSP, les Marada, le Hezbollah et Amal, ainsi que la direction des adjudications avaient tous tort dans cette affaire et que seuls les ministres « loyalistes » étaient dans le droit chemin ?
Autant de zones d’ombre dans le comportement des « hommes du pouvoir », auxquelles est venue malencontreusement se greffer la non moins douteuse initiative du décret de naturalisation. Plus que jamais, c’est la crédibilité du régime et du Premier ministre désigné qui est sérieusement en jeu, mais aussi par ricochet, et dans une large mesure, le sort de toute une population.

S’agit-il d’un malheureux faux pas ou y aurait-il plutôt réellement anguille sous roche ? Cette interrogation, lourde de conséquences, est au centre d’un débat national fiévreux depuis qu’a éclaté au grand jour, à la fin de la semaine dernière, l’affaire du nouveau décret présidentiel accordant la nationalité libanaise à plus de 360 personnes, dont semble-t-il un nombre non...

commentaires (4)

Parler de la crédibilité, c'est comme parler du parfum "N°5" dans un souk d'oignons. Le Dernier des Mohicans était Michel Sleiman. Il est parti sans regret. Aujourd'hui, qui commande le bateau ivre "Liban" qui erre au gré de vagues en furie sans hélice ni gouvernail immanquablement vers les récifs. Tous ceux qui s'agitent à bord ne sont que des comparses porte-serviettes agenouillés manipulés par des ficelles dont les commandes sont sur les rives du Barada et à l'Est du Golfe persique. Fermez le ban.

Un Libanais

10 h 41, le 05 juin 2018

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Commentaires (4)

  • Parler de la crédibilité, c'est comme parler du parfum "N°5" dans un souk d'oignons. Le Dernier des Mohicans était Michel Sleiman. Il est parti sans regret. Aujourd'hui, qui commande le bateau ivre "Liban" qui erre au gré de vagues en furie sans hélice ni gouvernail immanquablement vers les récifs. Tous ceux qui s'agitent à bord ne sont que des comparses porte-serviettes agenouillés manipulés par des ficelles dont les commandes sont sur les rives du Barada et à l'Est du Golfe persique. Fermez le ban.

    Un Libanais

    10 h 41, le 05 juin 2018

  • s'il faut resumer, ce decret peche dans la forme, le fond, l'opportunite ET la chronologie . comme la piece theatrale des navires fantomes (generateurs d'electricite ET PLUS) comme bcp d'autres scenarios(schemes en americiain ) trop bien caches qu'on ne peut donc que suspecter . PLUS BEAU QUE CELA ON MEURT. NB. mais j'oubliai, tt cela est a mettre sur le compte perte et profits de l'ancienne ere, la nouvelle ne commencant QU'APRES la formation du nouveau Gouv.

    Gaby SIOUFI

    10 h 20, le 05 juin 2018

  • RIEN A AJOUTER. TOUT EST DIT. TRES BON ARTICLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 32, le 05 juin 2018

  • "Lutte contre la corruption", "Transparence", "Bonne gouvernance", ce n'est pas pour aujourd’hui, et selon toute probabilité, pas non plus pour demain!

    Yves Prevost

    07 h 10, le 05 juin 2018

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