Human Rights Watch (HRW) a souligné mardi que la nouvelle loi sur l'expropriation en Syrie contrevenait aux normes internationales et favorisait l'"expulsion de force" en ciblant particulièrement les millions de Syriens ayant dû fuir en raison du conflit.
Cette loi controversée, connue sous le nom de "décret N. 10", permet au gouvernement de Damas de saisir des propriétés privées pour les besoins de projets immobiliers, en échange d'actions dans ces programmes. Les personnes délogées courent toutefois le risque de ne bénéficier d'aucune contrepartie si elles sont dans l'incapacité de prouver leur droit de propriété dans les 30 jours suivant le lancement officiel du projet urbain.
Le décret N.10 "affecte le droit de propriété sans procédure équitable ni indemnisation, ce qui équivaut à une expulsion forcée", a dénoncé HRW dans une étude, en jugeant qu'il contrevenait au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pidesc), adopté en 1966. Le Pidesc stipule que toute loi sur la propriété doit prévoir une consultation des personnes affectées par le texte légal, l'envoi d'un préavis à l'adresse des propriétaires et la mise en place d'une procédure de recours juridique. "La délai imparti de 30 jours (...), ainsi que la procédure d'appel qui n'empêche pas l'expulsion avant que la cour n'émette son jugement, ne sont pas conformes à ces exigences", a souligné l'ONG basée à New York.
"L'incapacité des réfugiés affiliés à des groupes opposés au gouvernement à déposer leur plainte signifie qu'il n'y a aucune possibilité de véritable consultation", a-t-elle encore averti. La guerre qui ravage la Syrie depuis sept ans a forcé plus de cinq millions de personnes à fuir à l'étranger, et fait six autres millions de déplacés à l'intérieur des frontières du pays. Ce sont ces familles qui sont les plus exposées à une perte potentielle de leurs biens, car nombreux sont ceux ne disposant plus des papiers concernés, voire des ressources juridiques et financières nécessaires pour faire appel. Le décret constitue par conséquent "un obstacle important" à leur retour, a fait valoir HRW.
Il "vient s'ajouter à un arsenal de lois sur l'urbanisme adopté par le gouvernement syrien et dont il s'est servi pour confisquer des biens sans procédure équitable ni compensation", a déclaré Lama Fakih, directrice-adjointe pour le Moyen-Orient. "Les pays et bailleurs de fonds soutenant la reconstruction en Syrie ont la responsabilité de tenir compte des retombées de cette loi sur le retour de millions de Syriens déplacés", a-t-elle ajouté.
(Pour mémoire : Réfugiés syriens : Bassil demande le retrait de la déclaration de la Conférence de Bruxelles)
Dans la journée, le leader druze libanais Walid Joumblatt a estimé que la loi 10 était une façon pour le régime syrien de "poursuivre la destruction de la Syrie". "La loi 10 est une extension de la destruction de la Syrie par le régime syrien et Daech, les deux faces d'une même monnaie", a écrit M. Joumblatt sur son compte Twitter.
Samedi, le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, avait exprimé son inquiétude au sujet de cette loi. Et la semaine dernière, le Premier ministre Saad Hariri avait estimé que cette loi "n'avait d'autre but que d'empêcher les déplacés de retourner chez eux".
Le Liban, pays de quatre millions d'habitants, accueille environ 1 million de réfugiés syriens et leur présence a mis à mal le système déjà fragile de services publics. Les dirigeants libanais, à l'image récemment du président Michel Aoun, appellent les réfugiés syriens à rentrer dans leur pays, où les forces progouvernementales et leurs alliés, russe, iranien et du Hezbollah, ont repris la main face aux rebelles et aux jihadistes. Mais les Nations unies estiment que le pays n'est toujours pas sûr pour les civils.
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commentaires (3)
FAUT S,EN REFERER ET DEBATTRE AUX NATIONS UNIES !
LA LIBRE EXPRESSION
16 h 51, le 29 mai 2018