Le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, a exprimé samedi son inquiétude vis-à-vis d'une loi adoptée début avril par Damas, qui donne à tous les déplacés syriens un délai très serré pour réclamer leurs biens, au-delà duquel ils perdraient leurs possessions au profit de l’État.
Dans une lettre à son homologue syrien Walid Mouallem, le ministre libanais des Affaires étrangères a exprimé "la crainte du Liban que les conditions fixées par la loi empêchent le retour d'un nombre non négligeable de déplacés". Dans la lettre, le chef de la diplomatie libanaise commence d'abord par saluer cette loi "qui encourage de nombreux réfugiés syriens à revenir chez eux". Néanmoins, le chef de la diplomatie libanaise s'inquiète du manque d'informations au sujet de cette loi auprès des déplacés syriens. "L'incapacité des réfugiés à prouver leur statut de propriétaire dans le délai imparti pourrait les amener à perdre foi en leur identité syrienne et à fermer l'une des portes pour un retour dans leur pays", indique ce texte. "Ce dossier doit être traité par le gouvernement syrien à partir de l'attachement des deux pays au retour des déplacés le plus vite possible", écrit M. Bassil, réaffirmant son refus de toute implantation.
Dans une lettre similaire adressée au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, M. Bassil a demandé à l'ONU de faire "tout ce qui est nécessaire pour protéger les droits des déplacés syriens à conserver leurs maisons" et à coopérer avec Damas sur ce sujet.
(Pour mémoire : Réfugiés syriens : Bassil demande le retrait de la déclaration de la Conférence de Bruxelles)
"Possibles abus"
Connue sous le nom de décret 10 -ou loi sur le renouveau urbain-, cette disposition législative permet au gouvernement de Bachar el-Assad de saisir des propriétés privées pour construire des projets immobiliers. Si un bien immobilier se trouve dans une telle zone de construction définie par l'Etat, son propriétaire perd automatiquement son titre de propriété mais il est indemnisé en recevant des actions dans ces projets. Le propriétaire déchu a pour cela un délai de 30 jours pour fournir une preuve de propriété. Mais les déplacés risquent de ne pas être en possession de la paperasse nécessaire, d'être dans l'incapacité de respecter le délai imparti ou encore de ne plus avoir de famille sur place pour se présenter à leur place aux autorités muni de preuves.
Des groupes de défense des droits de l'Homme et des avocats assurent donc que, dans ce pays en guerre depuis 2011 où quelque 11 millions de personnes ont quitté leur foyer, dont environ 5 millions réfugiées à l'étranger, cette nouvelle loi ouvre la voie à de possibles abus et risque notamment de profiter à des partisans du régime.
Le Premier ministre libanais Saad Hariri avait estimé mardi que la nouvelle loi syrienne "n'avait d'autre but que d'empêcher les déplacés de retourner chez eux".
Le Liban, pays de quatre millions d'habitants, accueille environ 1 million de réfugiés syriens et leur présence a mis à mal le système déjà fragile de services publics. Les dirigeants libanais, à l'image récemment du président Michel Aoun, appellent les réfugiés syriens à rentrer dans leur pays, où les forces progouvernementales et leurs alliés, russe, iranien et du Hezbollah, ont repris la main face aux rebelles et aux jihadistes. Mais les Nations unies estiment que le pays n'est toujours pas sûr pour les civils.
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18 h 30, le 27 mai 2018