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Liban - Citoyen grognon

Ce handicap qui dérange

Au Liban, le handicap dérange. Il horripile même. Au point de faire se détourner les regards ou, au contraire, de les attirer avec insistance. Au point d’inciter à la méchanceté, à la violence, au harcèlement, à la prise de décision hâtive, injuste et discriminatoire, des individus obtus, imbéciles et peu éduqués. Mais aussi un État borgne, représenté par rien moins que le ministère de la Santé.
Neuf enfants présentant diverses formes de handicaps ont récemment fait les frais de cette injustice. Neuf enfants qui souffrent de troubles du développement et de la parole, de syndromes génétiques, de nanisme ou d’épilepsie notamment, mais que le ministère des Affaires sociales prive du moindre soutien étatique. Car il ne reconnaît pas leurs handicaps. Allez donc savoir pourquoi !
Alors qu’ils bénéficiaient d’une prise en charge quotidienne de 3 heures par jour au sein d’une clinique privée par une psychologue clinicienne de réputation et son équipe, que leurs progrès étaient palpables, que leurs parents en étaient heureux et reconnaissants, ne voilà-t-il pas que du jour au lendemain, ces enfants trouvent porte close. Et pour cause, le ministère de la Santé a décidé de mettre sous scellés cette clinique au service de l’enfance handicapée, qui exerce pourtant en toute légalité. Les prétextes étaient nombreux : non-conformité aux normes, sans préciser de quelles normes il s’agit ; absence d’une issue de secours, alors que ces dernières sont inexistantes dans la fonction publique ; clinique située en étage, non-respect des règles d’hygiène... ce dernier point étant carrément diffamatoire.
Sauf qu’après avoir sali sa réputation, après l’avoir interdite d’exercer durant deux bonnes semaines, après avoir laissé sans suivi thérapeutique des enfants en grande détresse, après avoir mis hors d’eux leurs parents, le même ministère promet à la clinicienne de l’autoriser à exercer de nouveau si elle s’engage à déménager au plus tôt.
Le pot aux roses ne tarde pas à être découvert. À l’origine de la plainte adressée au ministère de la Santé, une voisine de palier dérangée par la présence d’enfants handicapés. Celle qui ne supporte pas leur proximité, ne serait-ce que trois heures par jour en semaine, multiplie les humiliations à leur égard, envers leurs parents aussi, jusqu’à l’insulte, jusqu’au harcèlement moral et physique, jusqu’aux menaces. Et se promet de jeter dehors ces intrus et leur thérapeute par tous les moyens possibles. C’est aujourd’hui chose faite. Danielle Pichon et ses jeunes protégés iront s’installer ailleurs, dès le début du mois de juin, au premier étage d’un immeuble de Beyrouth qui les accueillera mieux. La psychothérapeute n’a pourtant jamais enfreint la loi, pas plus que ses jeunes patients. Elle ne fait que pallier, et depuis des années, les graves manquements de l’État à ses devoirs. Et c’est ainsi qu’elle en est récompensée. Allez donc comprendre !
Ce qu’il faut comprendre, c’est que le Liban a toujours usé de pratiques discriminatoires envers le handicap, quel qu’il soit. Lorsqu’elles n’étaient pas issues de familles nanties et instruites, les personnes handicapées étaient sciemment poussées à la mendicité, dès leur enfance, ou alors cachées, de peur du qu’en-dira-t-on. Une bien triste réalité, qui persiste encore dans certaines régions.
Faut-il rappeler que les enfants handicapés étaient interdits d’école jusqu’en l’an 2000 ? Même après l’adoption de la loi 220 qui garantit à toute personne handicapée le droit à l’éducation et à d’autres services, rien n’a vraiment changé, dix-huit ans plus tard. À part de rares exceptions, les écoles publiques sont toujours inaccessibles aux élèves sur fauteuil roulant, pour ne parler que de ces derniers. Même chose au niveau de nombreuses écoles privées qui, lorsqu’elles ne rejettent pas les enfants à besoins spécifiques et leurs parents, pour un prétexte ou pour un autre, imposent à ces derniers des frais supplémentaires souvent faramineux. La seule issue possible reste le recours aux institutions spécialisées qui font du mieux qu’elles peuvent, sans pour autant parvenir à inclure les jeunes handicapés au sein de la société.
C’est là où le bât blesse. Vivre en mage de la société, être stigmatisés, refusés, rejetés, est-ce bien le seul avenir possible pour les jeunes handicapés du Liban ?

Au Liban, le handicap dérange. Il horripile même. Au point de faire se détourner les regards ou, au contraire, de les attirer avec insistance. Au point d’inciter à la méchanceté, à la violence, au harcèlement, à la prise de décision hâtive, injuste et discriminatoire, des individus obtus, imbéciles et peu éduqués. Mais aussi un État borgne, représenté par rien moins que le...

commentaires (1)

J'avoue ne pas comprendre ce lobbying pro Danièle Pichon. Que la délation dont la voisine s'est rendue coupable soit moche, je vous l'accorde. Mais comment reprocher au ministère de la santé de faire son job en interdisant la pratique dans un local non adapté? Comme l'a dit le ministre (lu dans vos colonnes), s'il n'avait rien fait et qu'il y avait eu un accident, tout le monde aurait hurlé au scandale sans parler du drame qui se serait produit. Je ne connais pas le local mis sous scellés mais l'accueil d'enfants à besoins spéciaux nécessite des locaux adaptés. Était-ce le cas? On ne peut pas à la fois vouloir plus d'État et moins de contrôle. Faut savoir...

Marionet

12 h 50, le 19 mai 2018

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Commentaires (1)

  • J'avoue ne pas comprendre ce lobbying pro Danièle Pichon. Que la délation dont la voisine s'est rendue coupable soit moche, je vous l'accorde. Mais comment reprocher au ministère de la santé de faire son job en interdisant la pratique dans un local non adapté? Comme l'a dit le ministre (lu dans vos colonnes), s'il n'avait rien fait et qu'il y avait eu un accident, tout le monde aurait hurlé au scandale sans parler du drame qui se serait produit. Je ne connais pas le local mis sous scellés mais l'accueil d'enfants à besoins spéciaux nécessite des locaux adaptés. Était-ce le cas? On ne peut pas à la fois vouloir plus d'État et moins de contrôle. Faut savoir...

    Marionet

    12 h 50, le 19 mai 2018

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