Samir Frangié.
C’est dans un climat de recueillement sobre et dépouillé, à mille lieues de la fièvre électorale du moment, que s’est déroulée samedi la première commémoration du décès de l’ancien député Samir Frangié, en présence principalement des proches et des compagnons de route du « bey rouge », et de nombreuses personnalités politiques, religieuses, académiques et de la société civile. Une messe a été célébrée à l’occasion en l’église Saint-Maron de Gemmayzé par l’évêque Youssef Béchara, ex-parrain du Rassemblement de Kornet Chehwane, et le père Richard Abi Saleh, tous deux amis proches du disparu.
« Le souvenir de Samir Frangié reste bien vivant dans les cœurs de ceux qui l’ont connu, l’ont aimé et ont apprécié ses talents, qu’il est nécessaire d’évoquer, surtout en ces temps électoraux où les candidats se livrent bataille à travers leurs programmes électoraux, leurs portraits et leurs slogans », a affirmé Mgr Youssef Béchara dans son oraison funèbre.
L’évêque émérite d’Antélias a révélé que les proches de Samir Frangié se réunissent périodiquement pour mettre en forme une biographie de ce dernier qui retracera les différentes étapes de son parcours, « pour que les hommes politiques à venir puissent suivre sa voie et sa manière de penser dans la plupart des affaires politiques nationales ».
Le legs de Samir Frangié
Mgr Béchara a ensuite évoqué deux aspects du legs de Samir Frangié : son patrimoine culturel national et son action pour la finalité de la personne humaine. Selon le prélat maronite, il existe des concepts-clefs qui représentent des constantes dans la pensée de Samir Frangié : la réconciliation, le vivre-ensemble, la formule libanaise et « les expériences de vie qui dépassent le cadre national afin d’ouvrir des horizons d’avenir incluant le bassin méditerranéen ».
« C’est par le biais de l’analyse que Samir Frangié a convoyé les événements locaux et internationaux, refusant les positions figées et présentant des solutions pour y faire face. (…) C’était un analyste politique qui s’approfondissait dans les causes et les conséquences négatives et positives des événements, proposant les solutions adéquates pour sortir des crises », a-t-il indiqué.
(Lire aussi : La force de Samir Frangié)
Il a ensuite donné lecture de passages de l’ouvrage de Samir Frangié Voyage au bout de la violence, évoquant le recueil d’articles posthume qui lui a été consacré, La Révolution tranquille, publié par notre collègue Michel Hajji Georgiou, insistant sur les appels du grand disparu à remplacer la culture de la violence par celle de la non-violence et la culture de l’exclusion par celle du lien et du vivre-ensemble.
Évoquant ensuite le parcours politique de Samir Frangié à travers certains articles qu’il a publiés, Mgr Béchara a estimé que « Samir Frangié n’était pas un égoïste qui recherchait le confort pour lui et sa famille » et que « son souci était l’homme dans ses problèmes individuels et collectifs, aussi bien au Liban qu’en Syrie, en Irak, au Yémen, en Palestine, en Iran, en Europe ou aux États-Unis ».
Le parallèle avec Martin Luther King
Mgr Béchara a enfin établi un parallélisme entre la pensée de Martin Luther King et celle de Samir Frangié, évoquant l’impact de la pensée du premier sur le second. King, dont on commémore cette année le cinquantenaire de l’assassinat, figurait en effet parmi les quelques rares modèles politiques de l’ancien député.
En hommage à la mémoire de Samir Frangié, Mgr Béchara a cité, dans ce cadre, les extraits suivants de l’allocution de King lors de la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix qui lui avait été attribué en 1964 : « Je refuse d’admettre que l’humanité ne soit qu’une épave ballottée par l’océan de la vie. Je refuse d’admettre que l’humanité soit si tragiquement vouée à la nuit privée d’étoiles du racisme et de la guerre, que l’aube brillante de la paix et de la fraternité ne puisse jamais poindre. (…) Je crois que la vérité désarmée et l’amour désintéressé auront le dernier mot dans le monde des réalités. Je crois que, même au milieu du fracas des mortiers et du sifflement des balles, il y a une place pour l’espoir de lendemains plus lumineux. (…) Je crois que des hommes inspirés par l’amour du prochain pourront reconstruire ce qu’ont détruit des hommes inspirés par l’amour de soi. Je continue de croire qu’un jour viendra où l’humanité s’inclinera devant les autels de Dieu pour recevoir la couronne de la victoire sur la guerre et l’effusion de sang, où la bonne volonté animée par la non-violence rédemptrice dictera la loi sur la terre. »
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