Contrairement aux attentes, le Conseil des ministres réuni hier à Baabda sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun, a reporté la discussion du dossier du plan de production élaboré par le ministre de l’Énergie, César Abi Khalil (Courant patriotique libre), à la séance prochaine.
Pour rappel, le projet Abi Khalil prévoit la location de deux navires-centrales à la société turque Karadeniz afin de combler le déficit de production de courant électrique. Plusieurs composantes gouvernementales s’opposent ouvertement à ce projet. Il s’agit notamment des Forces libanaises, du Parti socialiste progressiste, des Marada (de Sleiman Frangié) et du tandem Amal-Hezbollah.
Il semble que ce plan a « électrisé » l’atmosphère de la réunion gouvernementale tenue hier, d’autant que César Abi Khalil en a profité pour exposer un rapport en treize points portant sur la question de l’électricité. Des sources ministérielles indiquent, dans ce cadre, à L’Orient-Le Jour qu’un vif échange verbal a opposé le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil (Amal), à son collègue des Affaires étrangères, Gebran Bassil (CPL), au sujet de la centrale de Deir Ammar au Liban-Nord. La dispute s’est articulée autour de la TVA. M. Bassil a estimé à ce sujet que le contrat était « clair » et que la TVA ne faisait pas partie du montant du contrat. Le ministre des Finances a indiqué pour sa part que « la Cour des comptes avait refusé cette TVA, estimant qu’elle était illégale ». « Votre problème est avec la Cour des comptes et non pas avec moi », a-t-il ajouté à l’adresse du chef de la diplomatie, avant d’ajouter : « Toute cette histoire de TVA, c’est du vol. » « La Cour des comptes a affirmé que le contrat était correct », a alors répondu M. Bassil. Des accusations de vol ont à nouveau été échangées ensuite, avant que le Premier ministre Saad Hariri n’intervienne pour calmer le débat et que le président Aoun lève la séance.
Ce nouvel échec gouvernemental dans le domaine de l’électricité intervient après un forcing effectué par le président de la République afin d’« assurer le courant électrique aux Libanais, de n’importe quelle façon ». Mais dans les milieux ministériels, on se veut un peu plus réaliste. Plusieurs ministres contactés par L’OLJ estiment en effet que le gouvernement actuel ne parviendra pas à approuver le plan Abi Khalil. Personne n’est plus prêt à effectuer un forcing dans ce sens, à trois semaines des législatives, ajoute-t-on de mêmes sources. On va même jusqu’à appeler le chef du gouvernement, « qui dit lutter contre la corruption et le gaspillage », à clore le dossier du plan Abi Khalil, au vu des accusations de corruption lancées contre ses auteurs.
(Pour mémoire : Un Conseil des ministres « chaud » sur fond de controverse autour des navires-centrales)
Les atteintes à la souveraineté et la CEDRE
En dépit de ce désaccord concernant le dossier de l’électricité, le Conseil des ministres a unanimement stigmatisé les récentes atteintes israéliennes à la souveraineté du Liban. Michel Aoun a, d’ailleurs, évoqué ce point lors de son intervention au début de la séance. « Israël a porté à nouveau atteinte à notre souveraineté nationale, dans la mesure où il a violé notre espace aérien pour bombarder le territoire syrien », a souligné le chef de l’État, avant de poursuivre : « Nous refusons qu’Israël viole notre espace aérien. Nous présenterons une plainte au Conseil de sécurité des Nations unies à ce sujet », soulignant que « toute attaque israélienne contre un pays arabe fait l’objet d’une stigmatisation libanaise claire ».
Par ailleurs, à la veille de la 43e commémoration du 13 avril 1975 (date du déclenchement de la guerre civile), M. Aoun a demandé au ministre de la Justice, Salim Jreissati, de former un comité de suivi du dossier des disparus de guerre.
Prenant la parole, Saad Hariri a évoqué la situation régionale actuelle au vu, notamment, des menaces d’une attaque occidentale contre le régime syrien en riposte à l’usage d’armes chimiques dans la Ghouta orientale. Sur ce plan, M. Hariri a insisté sur l’importance de garder le Liban à l’abri des problèmes régionaux.
Par ailleurs, le chef du gouvernement a évoqué la conférence dite CEDRE tenue la semaine dernière à Paris. « Cette conférence a été un grand succès et elle s’inscrit dans l’intérêt du Liban », a-t-il assuré, estimant que la CEDRE est une preuve de la confiance internationale dans le Liban et les accomplissements du gouvernement. Évoquant les réformes exigées par la communauté internationale, le Premier ministre a estimé qu’elles sont « importantes afin de poursuivre la lutte contre la corruption, et mettre fin au gaspillage ». M. Hariri a également invité toutes les composantes gouvernementales à présenter des propositions portant les réformes qu’elles jugent nécessaires pour accomplir les objectifs précités, en particulier la lutte contre la corruption. Saad Hariri a enfin fait savoir que les aides approuvées lors de la CEDRE ne sont pas définitives, notant que des pays – comme le Japon et la Chine – étudient actuellement la feuille de route libanaise présentée à la conférence, et définiront leurs engagements prochainement.
Pour ce qui est des décisions, le gouvernement a approuvé la participation du Liban à la conférence de Bruxelles prévue entre le 23 et le 26 avril, pour l’aider à répondre à la crise des réfugiés syriens.
Le Conseil des ministres a également renouvelé des contrats conclus entre le ministère des Affaires sociales et des ONG pour 2018, et avalisé les crédits destinés à la restauration des immeubles endommagés par l’attentat perpétré contre la localité de Roueiss (banlieue sud de Beyrouth) le 15 août 2013.
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Je suggère, que désormais le conseil des ministres œuvre ses travaux à bord des navires de "blanchiment" d'électricité.... Histoire de ne pas gaspiller leurs propres énergies! Encore une boutade Bon week-end à tous les libanais et lecteurs et lectrices de l'orient le jour.
16 h 52, le 13 avril 2018