Nabih Berry entouré de ses visiteurs à Msayleh. Photo ANI
Le Liban retenait hier, jusqu’en fin de soirée, son souffle dans la perspective de l’attaque occidentale contre le régime syrien en riposte à l’usage d’armes chimiques contre Douma, dans la Ghouta orientale, sans savoir quelles seront les conséquences potentielles sur le sol national des développements à venir.
Dans ce cadre, depuis hier après-midi et jusqu’à demain vendredi, le trajet d’un nombre d’avions atterrissant et quittant l’aéroport de Beyrouth sera dévié pour éviter tout incident suite aux frappes américaines en Syrie. C’est ce qu’a annoncé hier dans un communiqué le ministre des Travaux publics et des Transports, Youssef Fénianos, qui s’était réuni avec une délégation formée notamment du PDG de la Middle East Airlines Mohammad el-Hout et du directeur général de l’aviation civile, Mohammad Chéhabeddine.
Lors de la réunion, les directives de l’agence européenne de la sécurité aérienne adressées aux compagnies d’aviation survolant le Moyen-Orient les appelant à la vigilance ont été discutées. Selon l’agence, il est possible que le matériel militaire utilisé brouille par intermittence les données des radios de la navigation civile.
« Nous avons pris la décision d’appliquer leurs recommandations et de dévier durant 72 heures le trajet des avions qui survolent le Liban. Ces recommandations européennes touchent également l’espace aérien chypriote. Ce sont des mesures de sécurité préventives qui seront appliquées à une partie du trajet de certains vols et cela jusqu’à vendredi soir », a souligné M. Fénianos.
Sur le plan politique, les éventuelles frappes américaines contre la Syrie ont provoqué une série de réactions.
Hariri, Berry et Machnouk
Au cours d’une conférence de presse hier sur la CEDRE, le Premier ministre Saad Hariri a veillé à dissocier le Liban des développements qui pourraient intervenir dans les prochaines heures. Je suis contre l’utilisation de produits chimiques contre les citoyens et les populations », a-t-il indiqué, avant de souligner : « Dans le pays, nous avons une position claire de distanciation. C’est notre position en tant que gouvernement et nous sommes vraiment fermes concernant notre position, et ces pays ont leurs décisions politiques souveraines et sont libres de faire tout ce qu’ils considèrent comme juste et approprié pour l’intérêt de leur pays et de la région ». « C’est pourquoi je réitère notre position de distanciation parce que mon travail en tant que Premier ministre libanais est de protéger le pays de toute répercussion », a-t-il noté.
Mais le courant du Futur, lui, a rendu hommage dans un communiqué à « l’héroïsme du peuple syrien », appelant la communauté internationale à agir et à « arrêter le massacre en Syrie ».
De son côté, le président de la Chambre, Nabih Berry, a mis en garde, hier, devant des délégations venues lui rendre visite dans sa résidence de Msayleh, contre les répercussions que pourraient avoir sur le Liban et la région des frappes américaines en Syrie. « Je crains que les premières victimes soient la stabilité et l’unité de la région, sans compter tout le sang versé, la destruction et le déplacement de population du peuple syrien », a-t-il indiqué. « Si une guerre a lieu, elle sera financée par les Arabes et se répercutera négativement sur leur avenir et la sécurité de leurs pays », a-t-il estimé.
Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, qui a pour sa part tenu hier des réunions des conseils de sécurité locaux à Saïda et Nabatiyé, a assuré que « le pays restera stable » et que « rien n’empêchera la tenue des élections ». « Nous ne craignons pas d’éventuels évènements qui puissent mettre la sécurité du pays en jeu », a-t-il souligné.
Interrogé sur les répercussions sur le Liban d’éventuelles frappes américaines en Syrie, il a martelé que « le terrain de jeux est actuellement la Syrie et non le Liban ».
L’ancien ministre Achraf Rifi a proposé sur Twitter de rappeler d’urgence l’ambassadeur du Liban en Syrie face aux crimes commis par Assad, en soulignant que « le Liban n’aurait pas dû nommer un ambassadeur à Damas ».
Du côté des pro-Assad, plusieurs formations et personnalités proches de Damas sont montées au créneau hier pour mettre en garde contre des attaques visant Damas. Le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, a consacré une édition spéciale hier de soutien au régime syrien, avec un éditorial d’Ibrahim el-Amine particulièrement virulent à l’égard de la France, « qui ne représente plus rien sur l’échiquier international ».
" Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant. " André Gide
14 h 26, le 12 avril 2018