Menaces et contre-menaces, accusations réciproques et blocage au Conseil de sécurité de l’ONU, pour cause de veto américain et russe, la situation mondiale n’a plus été aussi explosive depuis des décennies et pour beaucoup d’analystes, la planète serait à la veille d’une confrontation mondiale, qui commencerait en Syrie, mais nul ne sait où elle pourrait finir. Les informations parlent même d’une frappe américaine imminente en Syrie qui entraînerait une riposte des alliés de Damas, déclenchant ainsi une escalade de violence.
Toutefois, des sources militaires libanaises qui suivent de près les développements régionaux restent plus ou moins sceptiques. Selon elles, le scénario des accusations et contre-accusations n’est pas nouveau et il se répète à chaque développement militaire important en faveur du régime syrien et de ses alliés. Cela ne signifie pas pour autant qu’une nouvelle guerre est aux portes. Le tapage médiatique et les bruits de bottes seraient plutôt destinés à faire oublier la percée sur le terrain de l’armée syrienne et de ses alliés. Le procédé a été utilisé lors de la reprise de Homs par les forces du régime, ainsi que lors de la reprise d’Alep, de Palmyre et de Deir ez-Zor, et il ne s’est pas passé grand-chose. En même temps, selon ces sources, cette fois, la conjoncture est différente, avec la présence de Donald Trump à la tête de l’administration américaine et les pressions du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dans le sens d’une action militaire, pour profiter au maximum d’une administration qui n’a jamais été aussi favorable à Israël.
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Toujours selon les mêmes sources militaires, il faut toutefois faire la distinction entre deux faits : le premier consiste dans les frappes israéliennes contre l’aéroport T4 qui ont provoqué la mort de Syriens et d’Iraniens, et l’affaire de l’utilisation d’armes chimiques dans la Ghouta orientale de Damas par le régime syrien, selon les allégations occidentales. Indépendamment du fait que sur le plan purement militaire, il semble étrange qu’une armée en train de remporter une victoire sur le terrain à Douma décide brusquement de recourir à l’arme chimique contre des rebelles qui mettent les dernières touches à un accord d’évacuation parrainé par les Russes, une riposte américaine et occidentale en général entraînerait une confrontation directe avec les Russes.
Ces derniers ont en effet multiplié ces derniers jours les menaces de répondre clairement à toute frappe occidentale à Damas. Ces sources estiment ainsi qu’en dépit des promesses guerrières du président américain, l’armée américaine reste réticente à l’égard de telles frappes, en raison notamment de leurs conséquences sur la région. Jusqu’à présent, et en dépit des accusations violentes lancées contre les Russes, les Américains ont soigneusement évité une confrontation directe avec les soldats de Vladimir Poutine, préférant leur mener la guerre par factions rebelles interposées. Une confrontation directe serait en effet de la plus grande gravité, non seulement pour les deux pays, mais aussi pour l’ensemble de la région. D’autant qu’en plus des soldats russes présents directement sur le terrain syrien, il y a aussi les Iraniens et les groupes alliés, qu’il s’agisse du Hezbollah ou d’unités irakiennes et même pakistanaises. De plus, la Turquie, qui au début de la guerre en Syrie était carrément l’alliée des Occidentaux et des rebelles syriens, semble avoir modifié sa position, à la suite notamment du sommet qui l’a réunie récemment avec la Russie et l’Iran. Selon les sources précitées, la Turquie aurait accepté la défaite des rebelles dans la Ghouta orientale et même consenti à accueillir à Jarablus une partie des combattants évacués, contre la promesse de laisser l’armée turque et ses alliés prendre le contrôle de la zone kurde dans le nord de la Syrie. Selon ces informations, les Occidentaux ne pourraient donc pas compter sur la Turquie s’ils décidaient de mener des opérations de représailles contre Damas et ses alliés. Ce qui devrait rendre leur action plus risquée et difficile.
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En revanche, selon les mêmes sources, un scénario pourrait en cacher un autre. L’escalade verbale actuelle pourrait ainsi dissimuler un plan plus subtil occidental dirigé contre l’Iran. Ce serait d’ailleurs conforme aux promesses électorales du candidat Donald Trump qui avait carrément déclaré son intention de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien et de faire payer à ce pays le prix de ce qu’il appelle « son appui aux organisations terroristes ». Le plan serait le suivant : une partie non négligeable des combattants de Daech qui ont quitté la Syrie serait en train de s’installer en Afghanistan, dans une région limitrophe de l’Iran. Or, du côté iranien, la zone frontalière avec l’Afghanistan est le Baloutchistan, peuplé en majorité de sunnites. Cette région est d’ailleurs considérée comme le ventre mou de l’Iran et elle a été le théâtre de certains troubles au cours des derniers mois. Ce serait donc par ce secteur, et avec l’aide des combattants de Daech ayant quitté la Syrie, qu’une opération de déstabilisation de la République islamique pourrait commencer, sachant que selon toute probabilité, Donald Trump devrait se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien le mois prochain, alors que la crise sociale devient plus aiguë dans ce pays. Occupé à régler ses problèmes internes et à éviter une confrontation directe entre les sunnites et les chiites sur son propre territoire, l’Iran serait contraint de se détourner de la Syrie et du Liban. Ce qui ne pourrait qu’affaiblir le régime syrien et le Hezbollah, sans rien coûter aux Américains et aux Occidentaux en général. Même s’il y a donc une frappe en Syrie, elle serait probablement limitée et destinée à sauver la face des Occidentaux, mais la véritable guerre est attendue ailleurs et bien entendu, elle servirait les intérêts d’Israël en affaiblissant ses ennemis, tout en évitant une confrontation généralisée et coûteuse. En même temps, la stabilité du Liban serait officiellement préservée, selon les promesses internationales faites aux Libanais à Rome et à Paris.
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Donc Les Etats Unis deviendrait les allies de Daech contre l'Iran et a partir de l'Afghanistan interressant mais peu vraisemblable sauf si les pays arabes contribuent au rapprochement Au moins pour la premiere fois une etude non pro CPL
13 h 20, le 12 avril 2018