Il fait partie de ceux qui ont le Liban dans la peau et qui ne cessent de rêver de le voir renaître sous de meilleurs auspices. Forcé, comme beaucoup de jeunes à l’époque, d’aller poursuivre ses études en France, le temps que la guerre civile cesse de déverser sa terreur, Marwan Tibi, candidat sur la liste Kelna Beirut (Beyrouth II), était rentré au bercail une dizaine d’années plus tard pour apaiser sa nostalgie et renouer avec sa ville natale, Beyrouth. « J’ai aimé Beyrouth, même dans ses pires états et dans les moments les plus critiques », confie Marwan Tibi, qui parle de sa ville sur un ton romanesque, fait d’un mélange d’amour et de mélancolie.
La quarantaine et aspirant à voir à son arrivée le Liban en pleine effervescence et développement, ce patriote impénitent ne tarde pas à déchanter. Si la pierre a pu être partiellement réhabilitée dans son pays natal, les institutions n’ont pas suivi et la désolation qui régnait du temps de la guerre avait repris ses droits sous d’autres formes. « Depuis que je suis revenu, je ne fais qu’observer avec consternation les dysfonctionnements à tous les niveaux, que ce soit sur le plan de l’administration publique ou en termes de services de base comme l’électricité, l’eau, le transport, l’environnement », déplore-t-il, avant de noter que les rouages du système politique ne s’en portaient pas mieux non plus.
De père sunnite et de mère maronite, Marwan Tibi fait partie de ceux que le destin a désignés pour mieux dénoncer le confessionnalisme dévastateur et les déviations du communautarisme, qui aujourd’hui continuent à gangrener le monde politique et la société dans son ensemble. Il lui a fallu quelques années seulement pour réaliser qu’« il n’y a plus rien à espérer de la classe politique actuelle, incapable d’amorcer les changements dont le pays a besoin ». C’est ce qui a poussé ce journaliste – il est propriétaire du quotidien al-Yaoum et consultant en management – à s’impliquer à part entière dans l’action de Beyrouth Madinati (BM) lors des municipales de 2016, où il présente sa candidature aux côtés de 23 autres technocrates et experts de tous calibres, réunis sous la bannière de la réforme et du développement. Contre toute attente, la liste de BM parvient à rafler plus de 30 % des voix, mais surtout, à instituer toute une nouvelle culture de la gestion publique et à consacrer un nouvel enjeu de société, fondé sur la laïcité que la liste Kelna Beirut place sur la liste de ses priorités. « L’expérience de BM est la preuve que le travail collectif et le retour aux normes politiques de base peuvent être payants », dit M. Tibi qui se fait une fierté de rappeler qu’après Beyrouth Madinati, beaucoup de candidats n’osent plus désormais se présenter sans un programme en main, même insignifiant.
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État laïc
Aujourd’hui, il reprend le flambeau avec Ibrahim Mneimné, architecte urbaniste et chef de liste BM en 2016, ainsi que six autres colistiers, tous des technocrates, animés par la même hantise, celle de réhabiliter l’État sous toutes ses coutures. Plus que jamais, ils sont persuadés qu’ils peuvent désormais mobiliser une nouvelle génération d’électeurs qu’ils s’efforcent d’attirer par un programme électoral sérieux.
« Nous avons pratiquement toutes les spécialisations ou presque que requiert cet immense chantier qu’est le Liban », dit-il, en citant celles de ses colistiers. Sur la liste, figurent, outre M. Mneimné, Hassan Sinno (sunnite), un ingénieur industriel, Nadine Itani (sunnite), docteure en sciences de l’aviation et experte en transports, Nagi Kodeih (chiite), spécialiste de recyclage de déchets, Zeina Majdalani (grecque-orthodoxe), architecte paysagiste, Fatmé Mechref Hamasni (sunnite), dentiste, et Nouhad Yazbeck Doumit (protestante), présidente de l’ordre des infirmières et spécialiste en hygiène et santé. Un amalgame « non voulu », comme il dit, des grandes familles beyrouthines qui espèrent toutefois attirer les voix de ceux qui « croient en leur projet plutôt qu’en leurs allégeances familiales respectives, encore moins communautaires ».
L’un des piliers du programme électoral que soutient la liste est précisément « le dépassement du confessionnalisme politique au niveau des institutions de l’État, un premier pas vers le concept de l’État laïc qui se tiendrait à égale distance de l’ensemble des citoyens et des familles spirituelles ». Pour cela, un seul et même chemin pour y parvenir, explique Marwan Tibi, celui du respect de la Constitution. La bataille électorale que mèneront les candidats de Kelna Beirut est ainsi placée sous le signe de la nécessité d’ « imposer l’application de la Constitution, notamment les clauses portant sur l’abolition progressive du confessionnalisme politique et la création du Sénat ». C’est ce même texte garantissant les droits et devoirs des citoyens et « qui doit être impérativement lu par tous les citoyens » qui est « susceptible de prescrire des restrictions aux pratiques des gens placés au pouvoir et qui constitue la colonne vertébrale de l’État de droit », précisent les candidats dans un document définissant leur vision politique et leur programme électoral.
Ils se prononcent notamment en faveur du recouvrement de la souveraineté du pays, de l’affranchissement de la décision libanaise de toute ingérence externe et du monopole des armes par l’État. « Nous sommes clairement opposés à la table de dialogue et la création de nouvelles institutions parallèles qui ne font que saper un peu plus les institutions existantes », fait remarquer M. Tibi.
Placé sous le thème de la restitution au citoyen de sa dignité, tout un volet du programme est consacré aux questions de santé, d’éducation, d’environnement et de transport, ainsi qu’à la réhabilitation des services de base. Les candidats de la liste préconisent également une politique fiscale plus équitable et mettent en garde contre un taux de chômage galopant pour lequel ils proposent plusieurs remèdes.
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MALHEUREUSEMENT, ILS NOUS FAUT BEAUCOUP PLUS QUE ÇA POUR RÉVEILLER LA GRANDE MAJORITÉ DES GENS FATIGUÉS, ÉPUISÉS ET ENDORMIS AU SOUS SOL. MAIS CE N'EST PAS INTERDIT DE RÊVER, ÇA VIENDRA UN JOUR PEUT ÊTRE.
00 h 19, le 06 avril 2018