Que vous évoque le Akkar ? Une région rurale et lointaine, privée de développement ? Une femme a décidé de bousculer l’idée qu’on se fait de sa région natale, en même temps que les préjugés autour de la participation de la femme en politique : Rola Mourad, fondatrice et présidente du parti 10 452 – en référence à la superficie du Liban – a décidé, en prévision des élections législatives de mai, de former une liste composée de femmes uniquement. À L’Orient-Le Jour, elle ne cache pas qu’elle a agi en partie en réaction « à l’absence totale de femmes dans les cinq autres listes de cette circonscription ». Mais ce n’était pas sa seule motivation… Une telle initiative était idéale pour encourager les femmes de cette contrée éloignée à franchir le pas et s’engager politiquement auprès d’autres femmes, pour constituer une véritable force de changement. Sans compter le programme politique et social qu’elles proposent.
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La liste des « Femmes du Akkar » est formée de cinq membres (la circonscription compte sept sièges). Rola Mourad (sunnite) est diplômée en Lettres françaises et elle est actuellement en master d’études stratégiques et diplomatiques. Impliquée dans des actions sociales depuis ses 17 ans, première femme à avoir fondé un parti politique au Liban, elle est à l’origine de nombreuses activités sociales au Akkar. Nidal Karam Skaff (grecque-orthodoxe) est une avocate active et primée, militante dans plusieurs associations féminines. Souad Hassan Salah (sunnite) est avocate spécialisée dans les affaires chériées et enseignante. Marie Salem Khoury (maronite) est détentrice d’un master en philosophie, enseignante et militante écologiste depuis 1979. Gulai Khaled el-Assaad (sunnite) est la plus jeune candidate du Liban, 25 ans à peine. Elle est diplômée en relations internationales.
Rola Mourad n’est pas une nouvelle venue en politique, mais elle a vu dans ces élections législatives une chance d’œuvrer plus concrètement pour le changement auquel elle aspire. « Nous avons tenté de former une liste commune avec la société civile et des indépendants, sans succès, dit-elle. Nous avons alors opté pour une liste à 100 % féminine, en vue de donner aux femmes la chance d’accéder à des postes de décision et de montrer qu’elles savent s’unir autour d’un objectif commun. Pour une fois, elles n’avaient pas besoin d’attendre qu’on les inclue dans telle ou telle liste ! »
Cette liste est incomplète, il lui manque des candidates au siège alaouite et à un des deux sièges grecs-orthodoxes, mais ce n’est pas par manque de candidates potentielles dans la région. « Il est arrivé que des femmes redoutent de se joindre à nous soit par peur des critiques de leur entourage très conservateur, soit parce qu’elles adhèrent déjà à d’autres partis », explique-t-elle.
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« De la discrimination ?
Que dit-on des listes formées d’hommes ? »
Les candidates elles-mêmes ne sont-elles pas victimes de préjugés? « Dans mon environnement sunnite conservateur, certains m’ont reprochée de n’être pas voilée, raconte Rola Mourad. Je leur ai dit que je peux représenter la femme du Akkar tout en étant moi-même. Les critiques m’ont d’autant plus motivée à aller de l’avant. Mes colistières, elles, ont été soumises à d’autres genres de pressions : on a proposé de l’argent et une place dans une autre liste à deux d’entre elles, mais c’était mal les connaître… » On a aussi reproché à cette liste une discrimination en faveur des femmes. « Parle-t-on de discrimination quand les listes sont entièrement composées d’hommes? » rétorque-t-elle.
Une bataille féroce attend cette liste de nouveaux visages. « En effet, mais nous sommes présentes sur le terrain depuis longtemps et avons déjà contribué à l’évolution des mentalités, souligne la candidate. Je crois que nos contacts directs avec les gens et le dégoût du public à l’encontre de la classe politique vont jouer en notre faveur. De plus, nous avons déjà réussi à attirer l’attention de plusieurs médias. »
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Les cinq candidates de la liste « Femmes du Akkar » forment une équipe soudée autour d’un programme qui porte principalement sur le développement de leur région, mais qui répond aussi à des aspirations de changement au niveau national. Il comporte des clauses sur le soutien aux droits des femmes, la lutte contre le chômage, l’amélioration des conditions d’hospitalisation, l’éducation, la modernisation des techniques agricoles et l’amélioration de la production, le développement du tourisme rural, l’élaboration d’un régime fiscal progressif afin de réduire les inégalités, et la mise en place d’un projet de rénovation des maisons en mauvais état.
Après un débat animé sur la représentation politique des femmes au Parlement en prévision de ces élections, de nombreux partis traditionnels ont inclus un nombre décevant – sinon inexistant – de femmes dans leurs listes. Il aura fallu qu’un exemple éclatant sur la véritable participation leur vienne d’un Akkar dont ils ne se souviennent que tous les quatre ans…
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22 h 35, le 24 avril 2018