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Culture - Bande dessinée

Le jour où il faudra bien vaincre les démons de l’enfance...

Au pays des Ormigons, Cora, une fillette de 10 ans, est accusée de sorcellerie. Chloé Chalhoub, une jeune illustratrice, ira en guerre avec elle. « Les Démons de Cora »*, une première œuvre où personne n’est épargné.

Cora, petite fille de 10 ans imaginée par Chloé Chalhoub.

Sorti tout droit de son imaginaire, l’univers de Chloé Chalhoub est peuplé de personnages très graphiques exécutés avec minutie et précision, devant lesquels il est loisible de passer des heures à contempler les détails. Surprenante est cette union de l’extrême délicatesse dont fait preuve cette jeune fille de 25 ans et de son incontestable force dans la narration autant que dans le dessin. Sous ses airs timides, c’est une artiste à la facture puissante et à la sensibilité aiguisée qui offre une première œuvre où elle exorcise ses démons et ceux de son personnage principal, Cora.

Tu enfanteras dans la douleur
Chloé Chalhoub n’a que trois mois lorsque ses parents décident de quitter le Liban pour la ville de Dubaï. Scolarisée au lycée français, elle avoue avoir passé son enfance à gribouiller ses élucubrations naïves, à s’imprégner du septième art, à lire et à éplucher les bandes dessinées. Et s’il lui arrivait de lâcher un livre, il était vite rattrapé par les mains de sa maman qui poursuivait la lecture pour alourdir ses paupières jusqu’à ce que le sommeil ait raison d’elle. Elle obtient son bac et décide de poursuivre ses études à Paris. « Je n’ai jamais rêvé d’un métier ou élaboré un projet concret d’avenir, dit-elle, je voulais juste me retrouver dans la création. »
Quand elle est acceptée à Intuit.Lab, une école fondée en 2001 et dont la vocation est de former des professionnels de haut niveau dans le domaine du design graphique et de la communication visuelle, elle achève son parcours avec une spécialisation en illustration et design. Un premier stage à H5 Paris (studio de création graphique), un autre ensuite chez Yves Saint Laurent lui font acquérir beaucoup d’expérience, mais la laissent un peu désenchantée. « J’étais loin du monde de la création et mon travail s’apparentait plus au commercial. » Et de poursuivre : « On travaillait d’une manière très mécanique et mes neurones se trouvaient ankylosés. J’étais bloquée, et il a fallu les aléas de la vie pour me ramener sur le chemin que j’ai toujours voulu emprunter. »


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« J’ai arrêté d’être Cora à 10 ans »
Quand Chloé Chalhoub se réveille un matin incapable de marcher, les médecins diagnostiquent une maladie rare, mais curable, due au stress et au surmenage. Elle est contrainte de quitter son travail et de rentrer à Beyrouth. Sa maman et son papa s’occuperont tour à tour de son corps et de son mental. « Fais ce que tu as toujours rêvé de faire », lui dit son père en feignant d’ignorer sa souffrance qu’il a faite sienne pour la protéger. « Le temps était tout ce qu’il me restait, dit-elle, j’ai décidé de le mettre au profit de mes ambitions. »

C’est ainsi que Cora verra le jour. D’aucuns diront que l’histoire est violente, et que son auteure a été mal aimée dans son enfance. « Il n’en est rien, dit Chloé Chalhoub, je voue une adoration sans limites à mes parents, et mon œuvre n’est qu’une longue réflexion sur ce que j’ai longtemps réprimé : une enfance écourtée. J’ai réalisé que j’avais arrêté d’être Cora à l’âge de 10 ans. Plutôt que de me rebeller comme mon héroïne et de revendiquer mon enfance, je me suis cloîtrée dans une forme de timidité. J’ai voulu grandir trop vite et acquérir mon indépendance d’une façon abusive, trop vite je suis partie loin de ma famille. » Son histoire est empreinte à la fois de nostalgie et de colère comprimée d’avoir voulu brûler les étapes. Son histoire est sa thérapie, son processus d’évacuation de la douleur physique.


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Le retour chez ses parents se présente comme un passage obligé, « celui que j’ai manqué pour avoir voulu voler trop tôt ». Quand la petite Cora, accusée de sorcellerie, retourne rendre une dernière visite à son village le temps d’une nuit, c’est vers ce qu’elle a trop vite abandonné que Chloé Chalhoub revient, et lorsque la vengeance de la petite fille n’épargnera personne, c’est vers elle-même que la petite Chloé devenue adulte se retourne dans une souffrance virtuelle en noir et blanc, mais riche en couleurs dans sa réalité. Et lorsque Cora, soutenue par Lapaz, son gentil démon, et armée d’une épée magique, fera sa guerre contre tout le monde et surtout contre les siens, c’est à la force de son stylo que Chloé fera la paix sous le regard bienveillant de ses parents. Et si les parents de la petite Cora assistent impuissants à son châtiment, c’est l’amour des parents de l’auteure qui lui feront transcender une douleur quotidienne pour la faire taire… le temps d’un dessin et d’une histoire qui la porteront loin.



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