Rechercher
Rechercher

Culture - Rencontre / BD

Quand un Suisse rêve de dessiner la vallée de la Qadicha

Bernard Cosendai, alias Cosey, couronné du Grand Prix de la BD d’Angoulême en 2017, était à Beyrouth, invité par l’Institut français du Liban, dans le cadre du mois de la francophonie.

Cosey : Je rêve de dessiner la vallée de la Qadicha. Photo Z.Z.

C’est la troisième visite de Bernard Cosendai, alias Cosey, au pays du Cèdre. Il y était venu il y a une douzaine d’années dans le cadre du Salon du livre francophone de Beyrouth, puis du Mois de la francophonie. Cette année aussi, invité par L’Institut Français, ce parfait représentant d’une francophonie illustrée y a donné une masterclass aux étudiants en arts graphiques de l’ALBA. Il a également rencontré ses lecteurs libanais à la librairie Stéphan, avant d’aller faire un petit tour à Tyr. « Lors de mes précédents séjours, j’avais visité Byblos, Baalbeck et Beiteddine. Cette fois, je prends donc la direction du Sud. Mais là, où j’aimerais vraiment pouvoir passer quelques jours, c’est dans la vallée de la Qadicha », confie le scénariste-dessinateur suisse. « Ce sera la prochaine fois, j’espère. Car cela m’intéresserais beaucoup de parler des monastères et ermitages de cette vallée dans un album », affirme ce bédéiste qui nourrit ses personnages de sa propre quête spirituelle et humaine.

« Intéressé ». Voilà un mot qui revient de manière récurrente dans les propos de Cosey. Intéressé depuis toujours par la bédé, « celles de Franquin, de Meurice, de Tilieux, de Jigé », il a commencé tout petit, dans l’isolement de ses Alpes natales, à copier leurs dessins avant de devenir graphiste au tout début des années 70. « Je rêvais de faire de la bande dessinée, mais cela me semblait impossible à l’époque, en Suisse. Il n’y avait encore pas d’auteur, aucune formation et personne qui en publiait. » Personne, sauf Derib (le créateur de Yakari et de Buddy Longway), auprès de qui il fera ses premières armes. Et qui deviendra un ami. Mais Cosey, sous ses airs de Suisse tranquille, a des envies de renouvellement, d’exploration et de voyages … Après un passage au Journal de Tintin, le voilà qui se lance, en solo, en 1975 en publiant son tout premier Jonathan. Ce personnage de jeune Helvète amnésique, à la longue silhouette et aux boucles brunes, parti dans l’Himalaya à la recherche de ses origines, lui ressemble comme deux gouttes d’eau. « C’était pratique de dessiner face à un miroir, dit-il en s’esclaffant. En fait, je voulais surtout que mon personnage soit mon double imaginaire et poétique. Qu’il ne soit ni James Bond, ni Superman, ni un héros, ni un antihéros, mais un personnage comme vous et moi, en quête de lui-même, de sa part d’humanité. »

Du Tibet à Disney
Pourquoi va-t-il choisir d’envoyer son Jonathan au Tibet ? « Je me suis intéressé au Tibet par affinité. J’aime la montagne. J’étais curieux de philosophies orientales. Par chance, il y avait très peu de documents photographiques sur le Tibet dans les années 70 lorsque j’ai commencé à dessiner. Donc la seule solution, c’était de me rendre sur place. J’ai alors découvert que c’était très intéressant de faire sa propre documentation. Et, les années passant, j’ai continué à y retourner à de nombreuses reprises. Dans les régions tibétaines, j’ai été 7 fois. Sinon, j’ai été en Inde, en Chine, au Japon… »

Si ses personnages sont souvent contemplatifs et mélancoliques, Bernard Cosandai a, lui, quelque chose dans la dégaine, la malice de son regard, d’éternellement et de joyeusement juvénile. En quarante ans de planche à dessin, ce baroudeur des cases et des cimes enneigées a participé à l’évolution de la bédé en la libérant de certaines contraintes formelles. Il a été l’un des premiers bédéistes en Europe à expérimenter et développer le roman graphique. À son actif, outre sa fameuse série d’aventures Jonathan (éditée par Le Lombard), de nombreux One Shots, dont les plus connus sont : À la recherche de Peter Pan (Le Lombard), Saïgon-Hanoi et Voyage en Italie (Dupuis). Couronnée de plusieurs prix, dont le prestigieux Grand Prix de la BD d’Angoulême en 2017, son œuvre a souvent été étiquetée « militante ».

Ce dont Cosey se défend. « Je ne crois pas trop au message politique dans une bédé. J’aime la fiction, développer des histoires issues de mon imagination. Mon but premier est de raconter des histoires qui parlent des êtres humains. Donc, a priori, je ne suis pas un dessinateur engagé. Mais c’est vrai que lorsque je parle du Tibet, je ne peux pas m’empêcher d’expliquer que c’est un pays occupé, dont le voisin chinois détruit la culture depuis 1959 ! »

 D’ailleurs, après lui avoir consacré 16 albums, Cosey a décidé d’arrêter la série des Jonathan. « J’estime que j’en ai fait le tour », affirme le dessinateur de 67 ans, qui ne raccroche pas pour autant crayons et pinceaux. Au contraire, en faisant ses adieux à son personnage fétiche, son double sur papier, il s’offre une nouvelle vie, assure-t-il. Une vie dans laquelle il réalise toutes ses envies. À commencer par ce vieux rêve de jeunesse de travailler avec Disney qu’il a assouvi, récemment, en signant un album intitulé Une mystérieuse mélodie (Glénat), dans lequel il imagine la première rencontre de Mickey et Minnie. Mais aussi en racontant des histoires d’amour et de glamour sur fond de roman noir, comme dans Calypso (Futuropolis).

Du Cosey, nouveau cru. Plus romantique ? À découvrir…


Lire aussi

Raphaëlle Macaron, la BD comme un rêve

Les belles heures de la BD en 38 couvertures

Samandal, le temple de la BD libanaise, voit l’utopie en technicolor

C’est la troisième visite de Bernard Cosendai, alias Cosey, au pays du Cèdre. Il y était venu il y a une douzaine d’années dans le cadre du Salon du livre francophone de Beyrouth, puis du Mois de la francophonie. Cette année aussi, invité par L’Institut Français, ce parfait représentant d’une francophonie illustrée y a donné une masterclass aux étudiants en arts graphiques de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut