Hiver 2018-19 : Miu-Miu et les rebelles

Palais d’Iéna, un jour de la récente semaine de la mode parisienne. La scène est immense et du plafond pendent de tout aussi immenses portraits décadents dessinés en noir sur fond blanc en forme de lettrines. Tandis que les invités s’amusent à découvrir les dessins de leurs initiales, les premiers modèles apparaissent sur une musique électrique. Les mannequins sont coiffés de chignons géants au sommet de la tête, façon Amy Winehouse.
Pour décrire la collection, il faut imaginer un style à la croisée des années 80 (on les croyait oubliés, ces jeans élastiqués, mouchetés à force d’avoir été mal délavés avec des moyens domestiques) et de l’Allemagne de l’Est au lendemain de la chute du mur de Berlin. Des cabans avachis couleur tabac, des blousons boules surdimensionnés à motifs pied de coq ou hasard de jacquard et de tweed parfois relevés de détails en cuir, des pois blancs sur fond chocolat pour faire bonne mesure, des trenchs en vinyle verni mastic, rouge, beige ou noir, des silhouettes trapues délibérément rendues plus trapues encore par des escarpins bridés au cou-de-pied, une palette improbable de couleurs fluo usées relevant des teintes éteintes, des écharpes en laine à franges, des superpositions de cols par ordre décroissant et ces pulls en mohair qu’on croyait eux aussi disparus avec Anne Sinclair… Elle est peut-être rebelle, mais franchement pas belle, la nouvelle collection de Miu-Miu, la marque petite sœur de Prada.Créée par Miuccia Prada, l’une des femmes les plus influentes de l’industrie, docteur en politique, militante féministe et ancienne communiste, cette ligne antimode qui prend les critères esthétiques à rebrousse-poil est sublime, au sens que donne de ce mot Joseph Addison, l’un des pionniers du Grand Tour : « Un plaisant sentiment d’horreur. »