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Lifestyle - Un peu plus

Entrer dans un restaurant libanais à l’heure du déjeuner...

« Les Demoiselles d'Avignon », Pablo Picasso, 1907.

Lorsqu’on pousse la porte d’un restaurant en cours de semaine, à l’heure du déjeuner, on tombe généralement sur des tables exclusivement composées de femmes. Lorsqu’on pénètre dans un bar ou un club, on rencontre souvent des groupes de femmes. Les réactions sont ordinairement les mêmes. Un coup du mépris, un coup de la pitié. Insupportables pies qui s’esclaffent autour d’un bar à salade, parlant de leurs gosses, de leur personnel de maison, de la dernière robe qu’elles ont achetée, de ce qu’elles porteront à l’énième soirée caritative où elles vont se pavaner pour, non pas séduire, mais en mettre plein la vue aux autres femelles de l’assistance. Et les autres, ces pauvres esseulées qui sirotent leur Moscow Mule en attendant une éventuelle drague. Ces vieilles filles qui n’ont (encore) trouvé personne à 40 ans passés, et qui se retrouvent à errer de bar en bar dans l’espoir de tomber sur ces mecs qui ne jouent pas au poker le lundi soir, avec qui elles finiront dans un one night stand, quand ce n’est pas dans une liaison sordide de femme de l’ombre.
Que de préjugés et d’idées préconçues et limitées ! Au-delà de tout ce que l’on fait et fera éternellement subir aux femmes en matière d’injustices et de violences, il y a ce sempiternels jugements minables qui persistent en ce début de XXIe siècle. Ce petit sourire narquois, aussi discret voudrait-il être, quand on croise des femmes entre elles. Comme si chaque réunion de femmes se devait d’être futile, pathétique ou dépressive. Comme si, lorsqu’elles se retrouvaient autour d’un café, elles ne faisaient que commérer. On en est malheureusement encore là. À ne pas vouloir/pouvoir sortir d’une pensée trop étriquée qui limiterait les femmes à des nesswen el-furn.
Elles ont certes besoin de légèreté parfois, tant leurs vies sont lourdes. Lourdes de sens et de conséquences, de fatigue et de stress, de peines et de joies. Leurs vies sont riches, quelles que soient les voies qu’elles ont choisies. Et ce n’est pas parce qu’une femme ne travaille pas qu’elle est automatiquement oisive ou vide. Lorsqu’elles se retrouvent entre elles, ce sont des moments de confidences et de partage. Des demandes et des offres de soutien et d’entraide. Elles s’écoutent, donnent des conseils, s’épanchent, comparent leurs histoires. Parlent de leurs soucis, de leurs craintes, de leurs peurs. Avouent leurs secrets les plus intimes. Rient de leurs erreurs. Elles parlent des études qu’elles ont reprises, du divorce qu’elles ont enfin demandé, du mariage qu’elles vont contracter. Elles parlent de leurs nuits torrides ou de leurs nuits froides. De leur solitude ou de leur burn out. De leur boulot, de leur licenciement. Elles parlent de leur corps qu’elles ne reconnaissent plus, de leurs bouffées de chaleur, du premier chagrin d’amour de leur fille, des mauvaises notes de leur cadet. Elles parlent de leurs problèmes d’argent, de leurs problèmes de couple. L’une demande de l’aide, l’autre propose de l’aide. Elles sont félines, tour à tour chatte ou lionne.
Elles se réunissent pour réfléchir à comment faire avancer le monde. Ce monde, où, si elles avaient plus de pouvoir, serait bien meilleur. À comment faire pour changer les choses au Liban. Ensemble, elles bousculent les conventions, manifestent. Se battent pour leurs droits. Elles se présentent aux élections en proposant un programme. Défendent leur liberté et leurs faibles acquis. Elles écrivent, réalisent, jouent, tournent, peignent, dessinent, produisent, investissent, entreprennent, dirigent, élèvent, éduquent… et en parlent. Au moins, elles en parlent. Elles (se) racontent et se livrent. Et avec cette faculté propre aux femmes, en une pirouette subtile, elles passent à autre chose en retrouvant leur légèreté, elles (se) demandent ce qu’elles porteront samedi soir et où iront-elles danser… ensemble. Parce que c’est ça une réunion de femmes. Tout – et pas n’importe quoi.

Lorsqu’on pousse la porte d’un restaurant en cours de semaine, à l’heure du déjeuner, on tombe généralement sur des tables exclusivement composées de femmes. Lorsqu’on pénètre dans un bar ou un club, on rencontre souvent des groupes de femmes. Les réactions sont ordinairement les mêmes. Un coup du mépris, un coup de la pitié. Insupportables pies qui s’esclaffent autour d’un...

commentaires (2)

Le plus grand préjudice porté à ces femmes célibataires c'est de les qualifier de "vieilles filles " tout comme faisait la société libanaise du siècle dernier . . De nos jours, ces femmes vivent pleinement leur vie et sont probablement plus épanouies que leurs consœurs (entre autre bibi) "officiellement " mariées .

Hitti arlette

13 h 49, le 10 mars 2018

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Commentaires (2)

  • Le plus grand préjudice porté à ces femmes célibataires c'est de les qualifier de "vieilles filles " tout comme faisait la société libanaise du siècle dernier . . De nos jours, ces femmes vivent pleinement leur vie et sont probablement plus épanouies que leurs consœurs (entre autre bibi) "officiellement " mariées .

    Hitti arlette

    13 h 49, le 10 mars 2018

  • Oui, mais pas encore le courage de penser jusqu'au bout, de diagnostiquer. Oui les femmes sont courageuses, elles assument beaucoup, mais pas assez courageuses pour se connaître vraiment. Pourquoi s'acharnent elles à faire tant de sacrifices. Parce que ça les rassure? Une protection contre leurs angoisses?

    Massabki Alice

    08 h 44, le 10 mars 2018

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