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Liban - Patrimoine

Les États-Unis rendent au Liban des vestiges de grande valeur

La « Tête de taureau » et deux torses en marbre avaient été volés du temple phénicien d'Echmoun durant la guerre civile.

Au cours de la conférence de presse, Irina Bokova, Cyril Vance, le colonel Matthew Bogdanos, Erik Rosenblatt et Majdi Ramadan.

Le procureur du district de New York, Cyrus Vance Jr, a annoncé, lors d'une cérémonie officielle tenue vendredi dans ses bureaux de Manhattan, la restitution au Liban de deux torses et de la Tête de taureau en marbre, datant respectivement du quatrième et du sixième siècles avant notre ère, et provenant du temple phénicien d'Echmoun, à Saïda. Ces vestiges avaient été volés pendant la guerre civile, entre 1975 et 1990, puis vendus et échangés par les concessionnaires.
La cérémonie de restitution s'est déroulée en présence du consul général du Liban à New York, Majdi Ramadan, d'Erik Rosenblatt, agent spécial représentant le département américain de Sécurité intérieure (Homeland Security), du colonel Matthew Bogdanos, procureur adjoint de ce district à Manhattan et colonel de réserve du corps des marines – qui a mené une enquête sur le pillage du Musée national irakien notamment – et de l'ex-directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova.

Trafic à plus de 150 millions de dollars

Les trois pièces restituées proviennent du même lieu de culte historique d'Echmoun. Il s'agit d'un torse en marbre appelé Porteur de veaux datant du sixième siècle avant J.-C., évalué à environ 4,5 millions de dollars, d'un torse en marbre sculpté du quatrième siècle avant notre ère, et de la Tête de taureau en marbre sculpté, datant de 360 avant notre ère, estimée à 1,2 million de dollars. Dérobée dans un entrepôt au Liban en 1981, cette tête avait été prêtée par un collectionneur privé au Metropolitan Museum of Art (Met) de New York avant d'être saisie par les services du procureur Cyrus Vance. C'est l'un des conservateurs du Met qui, doutant de sa provenance, avait alerté le musée. Cette histoire rocambolesque a fait couler beaucoup d'encre.

Depuis 2012, le bureau du district de Manhattan, sous la direction du colonel Bogdanos, a pu récupérer plusieurs milliers d'objets provenant de fouilles et de trafic illégal d'antiquités – y compris deux mille pièces provenant d'un seul marchand d'art – évalués à plus de 150 millions de dollars. « De nombreux vestiges antiques ont été restitués à leurs propriétaires légitimes et rapatriés vers leur pays d'origine, explique Cyrus Vance. Ce sont des vestiges culturels de l'histoire des civilisations. »

Mise en garde

Décidé à agir, le bureau du procureur vient d'annoncer la création d'une unité spécialisée dans la lutte contre le trafic illicite d'antiquités dirigée par son expert résident, le colonel Bogdanos. « Nous espérons contribuer à sensibiliser au fait que le pillage du patrimoine mondial est une tragédie et que le commerce de vestiges volés constitue un crime », a martelé le procureur Vance. « Nous demandons une vigilance particulière aux musées, maisons de ventes aux enchères, marchands, collectionneurs privés et à toute personne intéressée par l'achat ou la vente d'antiquités, a-t-il poursuivi. Agir autrement, c'est tolérer implicitement une pratique criminelle destructrice qui dégrade l'intégrité des sites historiques du monde entier. »

Le procureur Vance s'est dit décidé à poursuivre les personnes qui vendent des antiquités illégalement et en toute connaissance de cause. « J'encourage toute personne à nous aider à identifier et récupérer les vestiges volés en signalant les articles d'origine douteuse au bureau du district, à ses partenaires fédéraux et au Homeland Security, engagés dans la lutte contre le trafic d'antiquités volées, a-t-il affirmé. Nous espérons également travailler en étroite collaboration avec nos partenaires dans l'application de la loi internationale, et avec les gouvernements étrangers en vue de nous assurer que ces articles seront restitués rapidement et sans délai à leurs propriétaires légitimes. »

« Gratitude » de Majdi Ramadan

La restitution de ces trois statues archéologiques appartenant au temple d'Echmoun « marque la fin d'une série de vols et de trafic illicite », a souligné, pour sa part, le consul Majdi Ramadan. « Ce rapatriement n'aurait pas été possible sans les efforts remarquables du bureau du procureur du district de New York et la collaboration de plusieurs autorités gouvernementales américaines, y compris l'ambassade des États-Unis à Beyrouth. Il a eu lieu à la demande des autorités libanaises compétentes, à savoir les ministères libanais de la Culture et des Affaires étrangères et des Émigrés. », a-t-il poursuivi.
Au nom du Liban, le consul a exprimé « sa sincère gratitude » au procureur et à son équipe pour « leur engagement à faire respecter la primauté du droit, à combattre le trafic illicite d'antiquités et à rapatrier les trois vestiges archéologiques au Liban ». « Cet engagement n'est que plus clair aujourd'hui avec l'annonce, par le procureur général, de la création d'une unité spécialisée dans la lutte contre le trafic illicite d'antiquités, a-t-il ajouté. De plus, l'engagement des États-Unis envers le Liban est plus fort et profond que jamais. Il y a quelques jours à peine, le chef du Commandement central américain au Moyen-Orient était à Beyrouth pour annoncer une nouvelle aide américaine de 120 millions de dollars à l'armée libanaise. » Il a exprimé l'espoir que grâce au leadership du procureur, « d'autres vestiges archéologiques seront rapatriés au Liban ».

Bokova : « Renverser la tendance »

« Nous sommes en train de renverser la tendance en matière de protection du patrimoine culturel », a estimé pour sa part Irina Bokova. « Le trafic de vestiges du patrimoine mondial de l'humanité est un crime », a-t-elle insisté, faisant référence à la Convention de Washington sur le droit international entre patrimoine culturel, droits humains et criminalité, qui s'est tenue il y a deux semaines à Washington. L'ex-directrice de l'Unesco a rappelé la résolution 2199, adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU le 12 février 2015, qui condamne fermement la destruction des patrimoines culturels irakien et syrien, et adopte des sanctions visant le trafic illicite d'antiquités. Mme Bokova est également revenue sur la résolution 2347 « historique » du Conseil de sécurité, adoptée en mars 2017 en faveur de la protection du patrimoine, qui interdit le commerce des biens culturels en provenance de Syrie et d'Irak. Des progrès ont été accomplis pour faire obstacle au financement des terroristes par le trafic illicite des antiquités, selon elle.
Elle a qualifié la restitution des trois sculptures au Liban d'« événement merveilleux ». « J'espère que d'autres le suivront, a-t-elle conclu. Je suis heureuse de rendre ces objets archéologiques au Liban qui est un pays de culture ancienne, une terre de cultures différentes, une terre de tolérance et de dialogue. Je suis sûre qu'ils prendront leur place soit à Sidon, soit au musée international que j'avais visité l'année dernière. »

 

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