Dimanche soir, les Libanais ont compris que le bras de fer entre le Courant patriotique libre et le mouvement Amal ne tenait plus qu’à un mot. Il a fallu que le président du CPL et ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, accuse le président de la Chambre, Nabih Berry, de pouvoir abusif et le qualifie de « baltaji », terme qui en dialecte égyptien signifie « voyou », pour que la tension se concrétise dans la rue.
Des dizaines de membres du mouvement Amal ont ainsi coupé plusieurs routes à Beyrouth, à l’aide de pneus brûlés ou de bennes à ordures enflammées, notamment à Mar Élias, Mousseitbé, Bir Hassan, Ras el-Nabeh, Mazraa, Chatila, le secteur de Cola en direction de la Cité sportive et au niveau du pont Salim Salam. Des partisans d’Amal ont également bloqué l’autoroute Riyak-Baalbeck dans la Békaa, alors que d’autres ont battu le pavé à Saïda, ainsi qu’à Tyr, au Liban-Sud.
Mais au centre Mirna Chalouhi, à Sin el-Fil, devant le siège du CPL, les partisans d’Amal n’étaient pas seuls dans la rue. Alors qu’ils brûlaient des pneus et que des tirs nourris d’armes automatiques en l’air étaient entendus, des partisans du courant aouniste étaient rassemblés devant le siège de leur parti. Des membres de la brigade anti-émeutes se sont aussitôt déployés dans la région. En réponse à une question de L’Orient-Le Jour sur la durée de leur présence dans la rue, un cadre aouniste lance sans hésitation : « Nous ne sommes pas dans la rue, nous sommes chez nous ! C’est la “milice” d’Amal qui est dans la rue. »
Au moment même où ce partisan CPL prononce ces mots, les partisans Amal veillent à ce que le feu qui brûle les pneus au beau milieu de la rue ne s’estompe pas et que la fumée qui s’échappe du caoutchouc atteigne les nuages. Les protestataires enragés, bandeaux enroulés autour du visage et photos de Nabih Berry et de Moussa Sadr brandis, ne manquent pas de lancer, en hurlant, des insultes à l’encontre de Gebran Bassil. « Nous sommes dans la rue aujourd’hui parce que c’est la moindre des choses que nous pouvons faire pour Nabih Berry, un des piliers de la patrie », souligne un jeune partisan d’Amal. « Allez, il est temps de rentrer parce que vous avez fait ce qu’il fallait et même plus », lance de son côté un homme plus âgé que le groupe de jeunes a fini par suivre. Derrière eux, le feu brûle toujours.
(Lire aussi : Entre Aoun et Berry, une « guerre de cent ans » ?)
Un accrochage, deux versions
Dans un communiqué, le CPL a indiqué que « les partisans d’Amal ont tenté d’attaquer le siège du parti, ont jeté des pierres, brûlé des pneus et tiré en l’air, obligeant les officiers chargés de la sécurité des bâtiments à se défendre et à appeler l’armée libanaise », exhortant ses militants à « éviter les ripostes » et à « laisser les forces de sécurité régler la situation ». Pour sa part, Amal a démenti les informations selon lesquelles des tirs ont visé le siège du CPL à Mirna Chalouhi. Dans un communiqué, le mouvement affirme œuvrer au contraire à calmer ses partisans.
Dans la soirée, le leader du CPL s’est rendu sur les lieux, tout comme plusieurs cadres du parti, ainsi que le ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf. M. Bassil n’a fait aucune déclaration en quittant le siège du CPL. « L’affaire des tirs à Mirna Chalouhi est désormais entre les mains de la justice », a déclaré dans ce cadre le ministre de la Justice, Salim Jreissati, qui s’est également rendu sur place.
En milieu de soirée, les miliciens d’Amal s’étaient retirés des rues et un important déploiement des forces régulières était signalé dans les secteurs chauds.
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commentaires (8)
Ah qu'elle est douce la loi du plus fort... lorsqu'on est en manque d'argument rationnel.
Gros Gnon
14 h 22, le 30 janvier 2018