Qu’est-ce qui permet à un petit pays, maudit par la géographie, damné par les histoires (celle avec un grand H et la sienne propre…) et embourbé dans un volcan régional à la gueule grande ouverte, de se tailler une place dans le monde ? Sa diaspora, bien sûr. Sa diplomatie, aussi.
Elles étaient belles, ces années d’or, quand Camille Chamoun, Hamid Frangié, Hussein Oueini, Henri Pharaon, Salim et Philippe Takla, ou, surtout, Fouad Boutros, faisaient du palais Bustros l’un des centres névralgiques de la diplomatie arabe. Ou quand Ghassan Tuéni représentait le Liban aux Nations unies durant les premières années de la guerre civile. Ou quand, encore, Tarek Mitri, ministre des Affaires étrangères par intérim en 2006, négociait vaillamment la résolution 1701 dans ce même Palais de Verre… Aujourd’hui, la diplomatie libanaise est aux mains d’un jeune Rastignac, qui a eu la bonne idée d’épouser il y a quelques années une des filles de l’actuel président de la République, Michel Aoun.
Gebran Bassil, à la fois homme fort du régime et éternel candidat malheureux dans son caza du Batroun, n’est définitivement pas le ministre des Affaires étrangères dont le Liban a besoin en général, et plus particulièrement en cette période de tsunamis d’axes, de destructurations géopolitiques à outrance et de tweets trumpiens. Il n’est pas ce ministre-clé pour, en gros, une raison majeure. Pas parce qu’il n’a pratiquement rien compris, ou rien voulu comprendre, à ce que veut vraiment dire une politique de distanciation efficace du Liban. Pas parce qu’il n’a pas l’envergure nécessaire pour le poste – très peu de femmes ou d’hommes l’ont. Pas, non plus, parce qu’il accumule les maladresses, dont la dernière en date, gentiment demandée par le Hezbollah ou pas, sur une éventuelle normalisation des relations libano-israéliennes telle qu’énoncée par le jeune ministre sur la chaîne al-Mayadine. Pas, enfin, parce qu’« il est antipathique à un point qu’on peut finir par être content de voir un candidat FL gagner à Batroun », selon le chef des Marada, Sleiman Frangié.
Si M. Bassil n’est pas the right man at the right place au palais Bustros, c’est surtout parce qu’il s’y comporte absolument et quasi exclusivement en tant que chef de parti, à la veille, en principe, d’élections législatives cruciales – faut-il encore et toujours le rappeler. C’est-à-dire exactement, à quelques nuances près, comme fait Nabih Berry au Parlement depuis toutes ces interminables décennies. Sachant que l’ADN politique de M. Bassil est essentiellement communautariste et identitaire, et que la Constitution a souvent pour lui autant d’importance que sa dernière facture d’électricité, cela pose aujourd’hui de sérieuses questions, avec le bras de fer CPL-Amal et la promotion 1994 en toile de fond. Pourquoi le ministre des AE tenait-il autant à prolonger le délai d’inscription des électeurs de la diaspora jusqu’au 10 février ? Pourquoi le congrès de la LDE, la Lebanese Diaspora Energy, prévu les 2 et 3 février prochain à Abidjan, a-t-il toutes les chances d’être reporté ? Pourquoi toutes ces gesticulations aujourd’hui autour de ce fumeux concept d’État civil ? Et, last but not least, pourquoi autant d’arbitraire, d’iniquité et de népotisme dans les dernières permutations et nominations diplomatiques : faut-il désormais qu’un diplomate compétent et talentueux s’inscrive au CPL, épouse ses thèses, ou prête allégeance au gendre, pour espérer obtenir une ambassade dans une grande capitale ?
Ce n’est sans doute pas un hasard si M. Bassil a décidé aujourd’hui de se laisser pousser la barbe. Cela tranche avec son visage poupin d’adolescent et cela le rend plus belliqueux. On dit que quand un homme change de look, qu’il se débarrasse de sa barbe ou, au contraire, qu’il ne la rase plus, cela veut dire qu’il va à l’attaque. Qu’il s’est fixé un objectif et qu’il entend déployer tous les efforts possibles pour y arriver. À la bonne heure. Personne ne peut reprocher à Gebran Bassil de tout faire pour gagner et faire gagner son parti aux législatives de mai. Cela aurait juste plus de crédibilité, de force et de dignité s’il ne le faisait pas à partir du palais Bustros.
Qu’est-ce qui permet à un petit pays, maudit par la géographie, damné par les histoires (celle avec un grand H et la sienne propre…) et embourbé dans un volcan régional à la gueule grande ouverte, de se tailler une place dans le monde ? Sa diaspora, bien sûr. Sa diplomatie, aussi.Elles étaient belles, ces années d’or, quand Camille Chamoun, Hamid Frangié, Hussein Oueini, Henri...
commentaires (13)
En tout cas une chose est sûre, il est très étranger aux affaires... comme on dit en anglais, il n’a aucun clou.
Gros Gnon
17 h 59, le 30 janvier 2018